Karim Charrad: La liberté académique, un mythe ou une réalité?
Par Karim Charrad - Un débat qui enflamme les esprits de nos jours des deux côtés de l'océan, même si les cas de l'espèce présentent des fausses ressemblances. Un enseignant décapité en France et une enseignante qui craint pour sa sécurité au Canada. Les "berceaux" du savoir et de la connaissance sont-ils confisqués par des débats et tiraillements sociaux? Existe-t-il réellement une liberté académique?.
Cette réflexion va se baser sur 3 axes: la définition même de la liberté académique, ses limites et sa relation avec son environnement socioculturel.
D'abord et avant tout il est à la mode de nos jours d'annexer le terme "liberté" à toute sorte de notions (liberté d'expression, liberté de croyance, liberté d'orientation sexuelle etc.), il est clair que les balises de la liberté d'expression sont beaucoup plus difficiles à établir que la liberté de déplacement par exemple. Le niveau de difficulté et d'ambiguïté est fortement tributaire au niveau d'abstraction. La liberté académique ne fait pas l'exception. Juste qu'il est plus propice de se croire dans un laboratoire où il est permis de fleureter avec toute sorte de barrières culturelles, religieuses ou sociales, intentionnellement ou non, peu importe. Isoler la liberté académique des préceptes de la liberté en général est une théorisation fallacieuse et dangereuse pour le présent et le futur de la paix sociale. D'autre part, si la liberté comme aptitude à pouvoir agir et dire sans contrainte ni dépendance n'est pas contextualisée, elle peut déraper facilement vers l'anarchie. En termes plus simples, la liberté académique d'une Université située dans un État théocratique ne pourrait jamais égaler sa semblable située dans un Etat dont le modèle de souveraineté est différent. La liberté académique n'est que le produit du niveau de conscience collective où elle est exercée et à condition qu’elle reste entre académiciens. Cela n'a rien à voir avec les prouesses scientifiques et intellectuelles qui en résultent car l'histoire nous a montré pas mal d'exemples de réussites scientifiques fruits d'environnements très rigides.
Ensuite, la compréhension commune de l'exercice de la liberté, c'est être conscient et sensible quand commence la liberté de l'autre. L'absence de limite n'est que synonyme de l'anarchie et du chaos. De ce fait, la liberté académique ne s'extirpe pas de ce principe général. Le zèle et le jugement du corps professoral s’il dépasse les murs des classes, il peut perdre sa légitimité et heurter la sensibilité collective. Personnellement, je ne pense pas que l'illustre Voltaire va redire aujourd'hui ce qu'il a dit 250 ans en arrière: « La race noire est différente de la nôtre, comme la race des épagneuls l’est des lévriers. », aujourd'hui "le mot N" gêne même à la prononciation. Comme aussi se moquer d'un symbole religieux, sachant qu'il va offusquer des millions, sous prétexte de la liberté d'expression. Cela va attiser certains esprits malades à commettre l'irréparable et déstabiliser la paix sociale.
Avant de conclure, il est crucial que le débat académique reste à l’enceinte des institutions du savoir. S’il est exporté sur la scène publique, il ne tardera pas de provoquer des réactions disproportionnées voir même bestiales pour la simple raison que le public n’est pas (ou mal) outillé pour déchiffrer, analyser et conclure. Le discours académique a ses spécificités que le commun des mortels n’est pas nécessairement à la hauteur pour le déchiffrer.
Enfin, la paix sociale est devenue tellement fragile et éphémère que cela nous pousse à se poser des questions: c'est quoi le prix de cette liberté à n'importe quel prix? Depuis la genèse de la pensée humaine, c'est toujours le désir qui crée le désirable, est-ce que le désir de la paix manque toujours à l'appel? Notre soif de "liberté" et notre égo, ont-ils éradiqué notre résilience?
Karim Charrad
- Ecrire un commentaire
- Commenter