R&D et innovation dans les TICS : les 7 questions-réponses du ministre Naceur Ammar
Promesse tenue pour le 1er Forum du réseau d’innovation en technologies de l’information et de la communication, TIC’in 2010, organisé ce weekend à Tunis. Plus de 400 participants parmi les opérateurs de télécoms, les équipementiers et les fournisseurs de services (chercheurs universitaires et entreprises privées) et institutionnels, ont pu convenir des modalités opérationnelles pour un meilleur usage du 0.5% du chiffre d’affaires que les opérateurs de télécoms en Tunisie doivent consacrer à la recherche développement et innovation dans le secteur.
La participation enrichissante de compétences tunisiennes établies à l’étranger (Sami Tabbane Riadh Cammoun, Nouzha Boujemaa, Mokhtar Benbelgacem, etc.) et la présence active et attentive du ministre des Technologies de la Communication, M. Mohamed Naceur Ammar, jusqu’à la clôture, ont largement contribué à la qualité des échanges et des recommandations.
Décidé par le chef de l’Etat dans un souci de promouvoir la recherche développement et l’innovation technologique, ce 0.5% ouvre des appétits, suscite des espoirs et exige, aussi, meilleure optimisation. Concertation donc indispensable entre les différentes parties afin de convenir des définitions, préciser les rôles, fixer les thèmes et les priorités, élargir le financement, labelliser les produits, établir un mode de gouvernance et déterminer les indicateurs de performances.
Ni une taxe, ni un don, mais l'impératif de l'avancée compétitive
D’emblée, le ministre Ammar précisera les règles. Le 0.5% n’est pas un objectif, mais, un point de départ. Ailleurs, il va jusqu’à 6% comme chez British Telecom. Ce n’est ni une taxe, ni un don, mais un investissement devant générer un retour sur investissement, un renforcement accéléré de la compétitivité, et un impact économique et social effectif. Dans ce processus, les opérateurs de télécoms ne sont pas de simples bailleurs de fonds, mais des acteurs essentiels, partenaires d’une démarche collaborative globale. Avant d’inviter les patrons des Telcos (MM. Montasser Ouaili, pour Tunisie Telecom, Yves Gauthier pour Tunisiana et Thierry Marigny pour Orange Tunisie), il a soumis à la réflexion, 7 grandes questions qui, en fait, constituent le mode opératoire à convenir et mettre en place :
1. Quels sont la nature et le type de projet d’innovation technologique pouvant se prêter à une démarche collaborative de recherche ?
2. Quel processus de mise en concurrence pour la sélection des projets faudrait-il envisager ? partenaires éligibles, portée, objectifs, résultats, activités, ressources, dépenses éligibles, cadre d’exécution du budget à allouer, planning d’exécution, indicateurs d’avancement, etc.
3. Quelles modalités de financement conviendrait-il de privilégier ?
4. Quelles sont les structures de gouvernance ad hoc à mettre en place ?
5. Quelles dispositions faudrait-il prendre en matière de protection de la propriété intellectuelle des connaissances antérieures et des résultats de recherche conjointe ?
6. Quid de la démarche d’évaluation et de la matrice d’indicateurs de performance à définir ?
7. Quels sont les outils de pilotage permettant de supporter l’ensemble du programme et de conduire son exécution ?
Une analyse en 360°
Tout est dit et le Forum ne pouvait avoir meilleure amorce. Le PDG de Tunisie Telecom, M. Montasser Ouaili, pouvait aisément rebondir sur ces interrogations, en donnant d’abord une lecture perspicace des enjeux, soulignant l’engagement de l’opérateur historique et proposant un cadre de réflexion à ajouter aux débats. Son parcours de chercheur universitaire, de directeur d’un institut spécialisé, de ministre des Télécoms, avant de présider actuellement aux destinées du premier opérateur, l’autorise à une vision très large, mais aussi très pragmatique et à s’interroger sur 3 questions-clefs :
- Quel est le positionnement des acteurs de l’écosystème (Telcos, équipementiers, fournisseurs de services, etc.) par rapport à la Recherche, au Développement et à l’Innovation?
- Comment faire place à la mutualisation de la R&D&I dans un espace concurrentiel?
- Quel modèle faudrait il mettre en place pour que le financement privé de la R&D&I soit en ligne avec les orientations nationales?
Etat des lieux: instructif
Yves Gauthier mettra en exergue les premières initiatives de Tunisiana, alors que Thierry Marigny, fort à l’aise avec toute l’expertise internationale d’Orange dans ce domaine, soulignera que le dernier opérateur arrivé en Tunisie a été le premier à s’y lancer, soulignant, graphique et globe à l’appui, le nombre de chercheurs dédiés et de Labs établis de par le monde. Du fond de la salle, lors des débats, Maher Kallel lui demandera sur son ton calme et serein : « à quand un vrai Lab Orange en Tunisie ? ». Réponse par un grand sourire porteur d’espoir…
Des enseignements utiles sont tirés de l’état des lieux en Tunisie et des présentations faites sur les expériences similaires en France (Oséo, Inria…), au Canada et en Arabie Saoudite. Faouzi Zaghbib (Utica), rappellera que la Tunisie dispose de:
- 430 SSII
- 450 Concessionnaires, revendeurs et intégrateurs
- 150 Installateurs d’équipements de télécoms
- 40 Fournisseurs de services télécoms à FVA
- 260 Centres d’appel (opérant sur l’international)
- 3 opérateurs télécoms
- 13 Centres de développement de multinationales
- 5 FAI
- 350 cybercafés
Farouk Kammoun (Professeur Emérite, membre du Laboratoire CRISTAL, ENSI Directeur RDI, EspriTec, ESPRIT) révèle, dans une excellente cartographie des structures de recherches en Sciences Informatique, Multimédia et Télécommunication, l’évolution significative des inscrits et diplômés ainsi que celle des enseignants. Ceux-ci sont aujourd’hui au nombre de 1596 dont 33 professeurs, 34 maitres de conférence et 352 maitres-assistants. Il soulignera le fort engouement des jeunes pour le domaine et appellera à une nouvelle impulsion que la RDI ne manquera pas de donner.
Labellisation, financement et gouvernance
Le vrai débat se déroulera lors des panels et aboutira à des recommandations utiles, présentées samedi en fin d’après-midi. Dommage que les dirigeants des Telcos et ceux des Fournisseurs d’Accès à l’Internet n’étaient pas tous restés jusqu’à la discussion de ces recommandations (seule Tunisie Télécom et Planet y étaient représentés à un niveau élevé.
Nozha Boujemaa, en rapporteur du panel sur les thèmes des projets d’innovation en TIC, évoquera la nécessaire expression des besoins, la proposition et de projets académiques sur la base d’indicateurs d’impact économique et social et d’applications thématisée et priorisée. Les opportunités thématiques sont multiples, se concentrant sur l’internet du Futur (internet des objets, internet des services, internet des contenus…), le cloudy computing (sécurité, réseaux…) et exigeant un co-développement en s’arrimant aux réseaux et partenaires appropriés. Les services du Futur intégrables dans les plateformes ouvertes couvrent nombre de priorité telles que la santé, le développement durable, le contenu numérique, les villes numériques, etc.
Sami Tabbane passera en revue la typologie des projets éligibles et insistera sur la nécessité d’élargir le financement, au-delà des Telcos, aux autres acteurs, tels que les FAI, les consortiums, les entreprises, les banques et la coopération internationale. Quant au système de gouvernance, souple, transparent et équitable, il doit s’appuyer sur des unités d’administration, d’assistance, d’expertise/validation et d’étalonnage en termes d’indicateurs de performance. Deux règles d’or : associer les représentants des parties concernées et bien, très bien, rémunérer les chercheurs innovateurs.
Riadh Cammoun rappellera l’urgence de l’accélération de la compétitivité par le développement rapide d’un écosystème tunisien d’innovation technologique, fondé dès sa naissance sur des standards internationaux, tirant l’ensemble du système vers le haut. Des raccourcis sont indispensables tout comme de nouveaux étalonnages. Acquiesçant, Maledh Marrakchi recommande d’aligner le système d’évaluation académique par rapport aux indicateurs de performance qui seront retenus par ce nouveau dispositif de RDI Tics.
Le ministre Ammar ne pouvait être plus satisfait de cette excellente moisson et surtout de la nouvelle dynamique déclenchée. Dès cette semaine, ses services s’attelleront au lancement d’une étude pour définir le cadre de la gouvernance de ce nouveau dispositif de RDI, pour donner la mise en œuvre effective. En attendant, les projets doivent commencer. Sans tarder.