Brahim en mission éclair: Egorger
Par Gleya Maatallah - Ecrire à chaud sous l’effet du choc et de la colère est différent d’écrire en prenant du recul. Un autre attentat vient de frapper l’Autriche entre temps mais je voudrais dans ce qui suit, revenir sur le parcours de Brahim, ce jeune tueur dont le geste barbare a ébranlé la France et la Tunisie: la première parce qu’elle ne s’est pas encore remise du premier attentat et la seconde parce qu’elle voit, dans l’impuissance, ses enfants se transformer en tueurs.
1. «Nous n’avons pas besoin d’eux, nous avons besoin de leurs enfants et nous les avons, Dieu merci!»
C’est en ces termes que Mourou présentait le projet d’Ennahda au moment où il recevait Wajdi Ghenim, l’exciseur des filles à Tunis. Brahim est donc l’un de ces enfants envisagés dans un programme (qui ne concerne aucunement les enfants de Mourou et ses semblables.) Le terrain était lui aussi prêt pour que le programme soit mis en exécution:
• Envoyer les enfants des autres à la mort, au nom de Dieu!
• Frapper fort et frapper partout, avec tous les moyens.
Lors des deux dernières attaques en France, c’était égorger l’Autre sans même le connaître et aussi sans distinction. Brahim a pu tuer, en un temps record (30 mn) une personne âgée, une dame de 44 ans et même le sacristain de l’église. Il aurait tué plus s’il avait eu le temps !
Il est bon de rappeler que cet égorgeur au nom de Dieu, ignore la procédure du vrai égorgeur (le boucher) à l’occasion de l’Aid (fête du sacrifice). Ce dernier doit suivre une technique qui ne fait pas souffrir la bête. Il est généralement aidé de deux personnes, dans le même esprit. Brahim a-t-il pratiqué l’égorgement chez lui? Impossible car on lui a appris à tuer les humains, et à sa façon.
2. Brahim, l’exécuteur idéal
Pour qu’un jeune de 21 ans puisse exécuter sa tâche avec une telle facilité, une telle rapidité, il doit avoir eu une formation dans la violence et l’inhumanité extrêmes. Depuis les premières heures qui ont suivi l’attentat, les médias n’ont pas arrêté pas d’analyser les données ayant fait de lui un tueur impitoyable.
Ibrahim avait pour ses commanditaires le profil idéal:
• La misère: le jeune homme est issu d’une famille nombreuse (une dizaine d’enfants) où chacun se débrouille comme il peut pour survivre (selon les déclarations de la mère et du frère)
• La délinquance: ayant quitté tôt l’école, il est livré à la rue où il va faire l’expérience de la drogue, de la violence, de la prison, etc.
• La fragilité: Brahim était le type de personnes facile à enrôler dans la pensée jihadiste. Il avait à peine 11 ans quand il a assisté au grand rassemblement du parti Ettahrir à Kairouan, le 20 mai 2012. A cette occasion le maître mot était : « Chaque musulman est un jihadiste, le jihadisme est une obligation. » Mokhtar Jebali, président du Front des Associations islamiques en Tunisie
3. Paradoxes, contrastes et autres misères
Scandalisée par l’acte de son fils, la famille est incapable d’admettre que ce dernier soit l’auteur d’une telle violence. Pour le frère, il était parti sur la bonne voie : « De la maison à la mosquée, pas beaucoup de contact etc. » En fait, c’est dans cette même voie que le jeune repenti préparait sa fin.
Les commanditaires, eux, le considèrent comme un héros, ayant réussi son coup et vengé l’Islam.
Pour la Tunisie, Brahim un tueur de plus qui ne fait que ternir davantage l’image du pays désormais connu comme un des plus grands réservoirs de jihadistes. Paradoxalement, ce même pays compte un grand nombre de «personnes capables de tenir un discours devant l’Académie française et d’en avoir les honneurs». (Jean Daniel)
Ces paradoxes, difficiles à surmonter, sont à l’origine du malaise profond que vit la société d’une façon générale et plus particulièrement les intellectuels, doublement malheureux d’être confrontés à la poussée de l’islamisme et d’être impuissants à lui faire face. Les articles, les manifestations, les messages de solidarité et de dénonciation n’enlèvent rien à la puissance de l’hydre.
4. Le voyage de la mort
Comme des milliers de jeunes (tunisiens et autres) Brahim est parti en migrant clandestin. La grande différence avec les autres, c’est que pour lui, il s’agit d’une mission qu’il réussit jusqu’à son arrestation, après les trois meurtres.
• Un départ facile, organisé, payé : apparemment, le jeune homme n’attendait que l’ordre et il l’ a reçu le 19 septembre. D’où lui venaient les frais de la traversée ? Sûrement pas de ses maigres économies. Ces frais s’élèvent généralement à 3000 DT.
• Le séjour en Italie : le migrant clandestin a vite trouvé du travail dans la cueillette des olives. Il a également pu se déplacer facilement, depuis Lampedusa à Bari pour se trouver à Nice, lui qui n’a jamais voyagé. Tout un réseau est en place pour assurer le voyage de la mort.
• Il a bénéficié de la solidarité humaine (centre d’accueil, secours juste après son arrestation etc.). Mais quand il doit tuer, il n’est plus dans l’Humain car il doit exécuter le plan pour lequel il a été engagé.
5. « Nous avons tout ce qu’il faut ici, nous sommes bien organisés… »
Il y a quelques années, je voyageais en train entre Lausanne et Genève. A mes côtés, vint prendre place un passager remarquable par sa grand de taille, sa tenue chic, sa mallette… Il a vite compris que j’étais tunisienne comme lui. On a commencé à parler de la situation inquiétante du pays sous la Troïka etc. Pour lui, tout allait bien pour les Musulmans d’Europe : « On a nos circuits, nos affaires marchent bien, on n’a besoin de personne… » C’est avec les moyens et les discours de ce genre de Musulmans que Brahim a pu arriver jusqu’à la basilique de Nice et ôter la vie à trois personnes sans hésiter ni craindre la moindre défaillance, le moindre obstacle à sa mission.
6. Le terrorisme low cost
Après le terrorisme aux moyens coûteux (avions, explosifs, fusils, etc.), on assiste à un terrorisme peu coûteux : un ou plusieurs couteaux, un plan détaillé, un appareil téléphonique.
La cible ? Un berger, un enseignant, des personnes en prière, des touristes, un convoi de policiers ou de soldats etc. Une telle violence, une telle inhumanité sont le fruit d’un endoctrinement féroce.
7. Où est l’Etat?
Ce sera dans un autre texte !
Gleya Maatallah
Enseignante universitaire
Présidente de l’Association Méditerranéenne pour la Pédagogie et la Citoyenneté