Rafaâ Ben Achour et Hajer Gueldich - La sanction de l’Union africaine contre la Tunisie: Signification et portée
Par Pr. Rafaâ Ben Achour et Pr. Hajer Gueldich - Le paiement par les Etats membres de contributions aux organisations internationales est un devoir statutaire prescrit à la charge de chaque Etat membre selon un barème bien établi en fonction des facultés contributives de chacun. En cas de défaillance de paiement ou de retard déraisonnable, l’Etat membre risque de se voir appliquer les sanctions prévues par l’acte constitutif qui peuvent aller de l’interdiction de la prise de parole, à la suspension du droit de vote voire la suspension de la participation de l’Etat aux réunions et activités de l’organisation.
C'est ainsi, que dans le cadre de l’ONU, et en vertu de l’article 19 de la Charte, «Un Membre des Nations Unies en retard dans le paiement de sa contribution aux dépenses de l'Organisation ne peut participer au vote à l'Assemblée générale si le montant de ses arriérés est égal ou supérieur à la contribution due par lui pour les deux années complètes écoulées. L'Assemblée générale peut néanmoins autoriser ce Membre à participer au vote si elle constate que le manquement est dû à des circonstances indépendantes de sa volonté».
Dans le cadre de l’Union africaine le principe de la sanction est également prévu par l'article 23 §1 de l’Acte constitue en ces termes: «La Conférence détermine comme suit les sanctions appropriées à imposer à l’encontre de tout Etat membre qui serait en défaut de paiement de ses contributions au budget de l’Union : privation du droit de prendre la parole aux réunions, droit de vote, droit pour les ressortissants de l’Etat membre concerné d’occuper un poste un poste ou une fonction au sein des organes de l’Union, de bénéficier de toute activité ou de l’exécution de tout engagement dans le cadre de l’Union».
Suite à la réforme institutionnelle de l’UA, décidée par le Etats africains en janvier 2016, de nouvelles mesures ont été décidées. La mise en œuvre de ces mesures commence partir de cette année 2020.
C’est dans ce contexte que dans la décision (EX.CL/Dec.1101), adoptée lors de la 37e session ordinaire du Conseil exécutif des 13 et 14 octobre 2020 que le Conseil exécutif a décidé, dans d’infliger un avertissement à l’adresse de la Tunisie, pour retard dans paiement de sa contribution ordinaire consistant dans la privation de la prise de parole pendant 6 mois. Dans cette décision, La Tunisie n’est pas le seul pays concerné. Sont concernées également : le Nigéria, la Guinée équatoriale, le Mozambique, le Bénin, la Mauritanie, la République Centrafrique, Djibouti, la Gambie, les Comores, la Cap Verde, le Cameroun, le Niger, le Sénégal, la Tanzanie, Eswatini, la Guinée Bissau et Sao Tome Principe. Cela fait 18 Etats membres sur les 55 Etats membres de l’Union africaine.
Justifiant le retard de paiement de la contribution tunisienne, le Ministre des affaires étrangères a déclaré, devant l’ARP que son ministère n’a pas pu obtenir les fonds nécessaires de la part du Ministère des finances. Ainsi, la Tunisie n’a pas pu s’acquitter de ses engagements, au titre de 2020, car le Ministère des finances n’a pas versé a somme, somme toute modique de18 millions de dinars au budget du MAE.
Il s’agit là, d’une négligence grave et lourde en conséquence. La Tunisie sera privée de faire entendre sa voix dans les réunions de l’UA pendant six mois. C’est une négligence qui porte atteinte à la crédibilité de notre pays vis-à-vis de l’ensemble des organes de l’Union au moment où on affirme, à qui veut bien entendre, que la Tunisie doit promouvoir et renforcer ses relations avec l’Afrique.
Nous formulons l’espoir de voir la Tunisie s’acquitter au plus vite de sa contribution pour éviter les désagréments politiques et juridiques de telles négligences
Annexe: Extraits de la Décision Assembly/AU/Dec.635(XXVIII) de janvier 2017
«les États membres qui ne s’acquittent pas de leurs obligations et qui n’ont pas versé au moins 50% de leurs contributions statutaires à la fin du deuxième trimestre (6 mois) de chaque exercice financier pour lequel la contribution est due, sont réputés être en arriéré de contribution, en fonction des cycles budgétaires des Etats membres;
a. la période au terme de laquelle les Etats membres sont considérés en arriérés de contribution est de six (6) mois pour le court terme, d’un (1) an pour la période intermédiaire et de deux (2) ans pour le long terme ;
b. les sanctions sont appliquées en trois étapes, à savoir: des sanctions d’avertissement pour les arriérés à court terme, des sanctions intermédiaires pour les arriérés à moyen terme et des sanctions complètes pour les arriérés à long terme ;
c. les sanctions d’avertissement, qui privent les États membres de leur droit à la parole au cours des réunions de l’UA, sont appliquées à ceux qui accusent des arriérés de paiement à court terme;
d. les sanctions intermédiaires comprennent toutes les sanctions prévues à l’article 23(1) de l’Acte constitutif, aux articles 5, 26, 35 (2.a) du Règlement intérieur de la Conférence, à l’article 78 (6) du Règlement financier de l’UA et à l’article 18 (8) des Statuts de la Commission, et la suspension du droit des États membres à:
i. être membre d’un bureau de tout organe de l’Union ; Ext/Assembly/AU/Dec.3(XI)
ii. accueillir tout organe, institution ou bureau de l’Union;
iii. avoir leurs ressortissants désignés membres des missions d’observation électorale, des missions d’observation des droits de l’homme, ou être invités à toute réunion organisée par l’Union ;
iv. avoir leurs ressortissants recrutés comme personnel élu et non-élu y compris les consultants, les volontaires, les stagiaires, etc.;
e. les sanctions complètes comprennent toutes les sanctions prévues aux paragraphes (c) et (d) sus-indiqués, celles énoncées à l’article 35 (2.b) du Règlement intérieur de la Conférence et ainsi que la suspension du droit de ces États membres à prendre part aux réunions de l’Union.
Pr. Rafaâ Ben Achour et Pr. Hajer Gueldich