Taoufik Charfeddine recadre le député Affès et marque ses balises pour la gestion des crises et l'administration régionale
Il aura été le seul membre du gouvernement Mechichi à remettre en place un député qui dépasse les bornes. Alors que de nombreux ministres, voire des chefs de gouvernement ont accepté de se faire insulter sous la coupole, « pour ne pas créer des vagues », le ministre l’Intérieur, Taoufik Charfeddine, ne s’est laissé pas faire. Mentionné par le député d’Italf al Karama, Mohamed Affes, élu de Sfax, dans un incident routier survenu entre le ministre, alors avocat, et un chef de poste de la Police, et présenté comme victime de mauvais traitement et d’abus de pouvoir poussé à faire jouer de ses relations pour s’en sortir, Taoufik Charfeddine a tenu à rétablir la vérité. Quitte à recadrer le député, fermement. Son message s’adresse en fait à d’autres élus qui entendent se prévaloir d’une proximité avec le ministre et le ministère à des fins qui n’échappent à personne.
Si cette mise au point a constitué un « fait divers » de la réponse du ministre aux interventions des élus de la nation, en trois quart d'heure, lors des débats budgétaires, lundi à l’ARP, deux positions stratégiques méritent attention.
Ne pas attiser la violence urbaine
La première concerne le traitement par les forces de l’ordre et l’administration régionale des mouvements sociaux et divers débrayages dans le pays. Taoufik Charfeddine n’optent pas pour la force. Il se dit compréhensif du contexte général tendu, des facteurs déclencheurs de la colère et de la légitimité de nombre de revendications. S’interdisant de verser de l’huile sur le feu, il prône un traitement progressif, par le dialogue, la dissuasion, la sécurisation des édifices publics, sites de travail et voie publique. Le ministre affirme que l’usage de la force face aux manifestants et protestataires risque de susciter de graves affrontements à l’issue périlleuse. Cette école de pensée qui se développe parmi les stratégies sécuritaires dans les démocraties est soutenue par les contextes de climats insurrectionnels, et jaugée à l’aune d’un savant dosage entre précautions, fermeté et bon usage de la force publique.
L’indépendance des agents dans les régions
La deuxième position stratégique adoptée par le ministre Charfeddine porte sur le corps de l’administration régionale. Sans jambage, il a reconnu qu’aucun critère rationnel précis ne prévaut quant à la sélection et désignation des chefs de secteurs (Omdas) et que nombre de délégations demeurent sans délégué, en raison des pressions de partis politiques en vue d’y nommer leurs affidés. Pour ce qui est des gouverneurs, aucune filière de formation n’y prépare les candidats. Se déclarant convaincu de la nécessité de préserver l’ensemble du corps des allégeances politiques et de veiller à son indépendance, il annoncé deux mesures. Il s’agit d’abord d’élaborer en projet de loi un statut particulier des agents de l’Administration régionale, ce qu’avait initié son prédécesseur, Hichem Mechichi, désormais son chef de gouvernement. Et ensuite, de recommander la création au sein de l’ENA d’une filière de formation pour les délégués, secrétaires généraux de gouvernorat et gouverneurs.
Le statut particulier pour les régionaux gagne à s’accompagner d’un deuxième similaire pour les forces de sécurité intérieure et la protection civile. Mechichi l’avait évoqué, Charfeddine est appelé à le faire aboutir.