Moncef Ksibi:Un grand commis de l’Etat qui a excellé aussi dans le privé
On a connu une cheville ouvrière de la haute administration tunisienne, longtemps aux commandes successives à la Kasbah. On a découvert ensuite un manager talentueux dans le secteur touristique. Mohamed Moncef Ksibi, décédé récemment, aura incarné le service de l’Etat et le sens de la modernisation du fonctionnement de ses services et ses prolongements, là où il avait été affecté. Juriste, énarque, parfait bilingue à la plume raffinée et au texte précis, pur produit du Premier ministère, il a été pendant de longues années au cœur du système public.
Du Conseil des ministres au suivi des activités des différents départements ministériels, de la Fonction publique à sa réforme, des établissements publics aux relations avec l’Assemblée nationale, des projets de textes législatifs et réglementaires aux discours et correspondances, il gardait l’œil attentif et apportait la touche raffinée, dans un parfait esprit d’équipe.
Dans un émouvant hommage, Mounir Ben Miled nous révèle l’autre facette de Moncef Ksibi.
Au terme d’un parcours brillant d’études supérieures, Moncef Ksibi obtient la licence en droit, et puis simultanément le diplôme de l’ENA (Ecole nationale d’administration). En 1977, il obtient le certificat d’aptitude à la profession d’avocat (C.A.P.A.). En 1985, l’Institut supérieur de la défense nationale lui attribue le diplôme de participation à sa deuxième promotion.
Ces réussites lui ont valu d’être sollicité et d’intégrer très tôt le Premier ministère où il a suivi une carrière professionnelle exemplaire à partir de 1970, en intégrant la Direction des affaires économiques, puis chef de service et directeur adjoint en 1975 et directeur en 1980 et chef de cabinet de 1980 à 1986 du ministre auprès du Premier ministre chargé de la Fonction publique et de la Réforme administrative. Il assumait le secrétariat permanent des réunions du Conseil des ministres.
Après avoir obtenu en 1985 le grade de secrétaire général du Premier ministère, il est nommé en 1986 conseiller auprès de la Trapsa. De 1988 à 2005, il est président-directeur général de la Société Tourisme et Congrès, propriétaire de l’Hôtel Abou Nawas Tunis.
C’est au cours de cette période que j’ai connu Moncef Ksibi en étant membre du conseil d’administration représentant la municipalité de Tunis. L’arrivée de ce haut cadre de l’Etat à la tête de cette société sans expérience dans le domaine touristique et encore moins dans l’hôtellerie a surpris tous les membres du Conseil à l’époque, moi en premier lieu.
Dés le début et de par son calme, sa méthodologie, son intégrité et surtout son ouverture à tous les conseils, il a pu gagner rapidement la confiance et la sympathie de tous les membres du Conseil.
C’est à partir de cette période qu’est née une amitié sincère et durable entre nous. J’ai été frappé par sa modestie malgré son parcours professionnel et sa détermination dans l’apprentissage des ficelles de ce secteur totalement nouveau pour lui qu’est l’hôtellerie.
Moncef Ksibi a vite pris conscience du poids de sa responsabilité et du rôle délicat qu’il est appelé à assumer en tant que gestionnaire à double mission :
La 1ère et la plus délicate était de terminer un chantier qui était dans un état grave : coordination très moyenne des corps de métiers, financement bloqué du fait que les banques doutaient carrément du projet.
La 2e était de réfléchir sur la gestion de ce mastodonte, vu que sa rentabilité était mise en cause.
Moncef a vite convaincu les membres du Conseil de la nécessité d’augmentation du capital et à obtenir les prêts bancaires nécessaires. Il a su assurer le suivi du chantier avec une meilleure coordination entre les corps de métiers.
L’ouverture de l’hôtel s’est effectuée sans incident grâce au concours et aux soins de la C.T.K.D. en tant que gestionnaire pour compte de l’hôtel dont le nom Abou Nawas lui appartenait. Le contrat de gestion de la Société Tourisme et Congrès et la Société Abou Nawas était l’œuvre de Moncef Ksibi, ce qui a permis de sauver le projet et de garantir sa rentabilité ainsi que la pérennité de la société.
Il acceptait les conseils. Il me sollicitait pour tout problème concernant l’hôtellerie, pour devenir lui-même, en peu de temps, en plus de sa fonction de gestion de la société, un hôtelier. Il a très vite assimilé la philosophie de l’hôtellerie, à savoir que le client est roi, la nécessité de se remettre en cause et d’avoir l’ingéniosité de renouvellement, d’amélioration et de mise à niveau du produit en fonction des besoins du client à tel point qu’il allouait 5% du chiffre d’affaires de l’hôtel à ce chapitre.
En ce qui me concernait, ma mission officielle s’est terminée avec lui en mai 1995 en tant qu’administrateur représentant la municipalité de Tunis. Sur insistance de Si Moncef, il a réussi à convaincre les membres du Conseil pour me garder comme conseiller d’assistance en matière de technique et de gestion hôtelières.
Moncef Ksibi a réussi à assurer le remboursement intégral des crédits, et mieux que cela, il a pu réaliser un rêve que peu d’hôteliers pouvaient faire : distribuer des bénéfices-dividendes aux actionnaires durant plusieurs années tout en maintenant la société et l’hôtel dans un parfait état. Ce qui a permis aux actionnaires de vendre les actions de l’hôtel à plus du double de leur mise.
Par ce résultat édifiant, il a démontré son efficacité à tous ceux qui ont douté de ce projet, les banques en premier lieu. Il a fait montre, comme tout au long de sa carrière, d’un haut sens des responsabilités, de sérieux, d’intégrité exemplaire ainsi que de compétence et de sens de l’adaptation à toute nouvelle situation.
Mounir Ben Miled