Mohamed Sahbi Mrabet: Le pétrolier visionnaire (Album photos)
Toute une vie professionnelle dédiée à l’énergie : Mohamed Sahbi Mrabet, qui vient de nous quitter à l’âge de 78 ans, en est lui aussi une belle illustration. Ingénieur chimiste de formation, avant de décrocher son doctorat, il avait fait partie de cette promotion de jeunes étudiants tunisiens dépêchés pour poursuivre leurs études supérieures en Italie, après la brouille avec la France, des suites des évènements de Bizerte. Mohamed Sahbi Mrabet sera admis à la Polytechnique de Milan, un haut lieu de la science et du savoir.
L’épopée STIR
De retour à Tunis en 1967, auréolé de son diplôme et parlant couramment l’italien, c’est tout naturellement à la raffinerie de la Stir qu’il sera affecté. Implantée à Bizerte avec le concours du groupe pétrolier italien ENI (qui avait succédé à Agip), la mission de Mohamed Sahbi Mrabet était de se préparer avec ses camarades tunisiens à prendre la relève des équipes techniques et managériales italiennes. Mission réussie, avec comme première prise en main le département Programmation et contrôle de la production. Cette entité clé avait pour mission l’optimisation de la fonction économique de la raffinerie à travers le choix de la palette des pétroles bruts les mieux adaptés à l’approvisionnement du marché tunisien en produits pétroliers. Sahbi Mrabet a brillamment rempli cette mission par l’introduction notamment des outils informatiques disponibles à l’époque (programmation linéaire), ce qui a permis à la Stir d’atteindre un niveau de rentabilité suffisant pour lui assurer les bons résultats qu’elle a connus. Devenu un acteur incontournable dans le domaine du raffinage, Sahbi Mrabet a contribué à la formation d’un très grand nombre d’ingénieurs du secteur pétrolier tunisien.
Les promotions se suivront : directeur conseiller auprès de la direction générale puis directeur général adjoint. Il participera au développement de l’entreprise et clôturant ainsi avec réussite le programme de tunisification de la Stir qui était l’objectif fixé par les autorités tunisiennes.
L’ensemble du secteur énergétique
Quinze ans de raffinerie à Bizerte et défi de tunisification relevé, Sahbi Mrabet était bien préparé à assumer des responsabilités nationales plus élevées et plus larges dans un domaine qu’il maîtrisait parfaitement. C’est ainsi qu’il sera nommé en 1982 à la tête de la direction générale de l’Energie au ministère de l’Economie nationale, l’entité de tutelle du secteur. Il y restera cinq ans, promenant une vision à 360°, supervisant l’ensemble des acteurs publics et des partenaires étrangers, contribuant à l’élaboration de nouvelles réglementations, faisant avancer les divers chantiers... Un travail intense et déterminant pour l’économie nationale.
Retour à l’usine
En 1987, la Tunisie accélérait ses industries chimiques développées à Gabès, initiées par Ali Boukhris au sein du Groupe chimique tunisien. On avait besoin de grosses pointures pour implanter de nouvelles unités et il fallait trouver des chimistes dotés d’une grande expérience industrielle. Mohamed Sahbi Mrabet présentait un excellent profil. Et le voilà nommé P.D.G. de la première usine tunisienne de fabrication d’engrais phosphatés azotés DAP (engrais de Gabès), produit qui a fait du groupe un exportateur majeur sur le marché mondial.
Le transport pétrolier, puis la distribution
Après Bizerte et Gabès, il était temps de retrouver Tunis. Mohamed Sahbi Mrabet, spécialiste de la tunisification de grandes entreprises, est alors désigné en 1990 P.D.G. de la société de transport du brut saharien par pipeline (Trapsa) suite au retrait de la compagnie Elf Aquitaine. Ce retour au secteur pétrolier sera accéléré. Deux ans après, il est nommé P.D.G. de la Sndp où il mettra en œuvre un programme de modernisation et d’assainissement financier, contribuant ainsi à faire de la société un acteur majeur dans le secteur de la distribution de produits pétroliers par l’amélioration du réseau à travers l’ensemble du pays. A son départ en 1994, il avait redressé les comptes et pavé une large voie de développement.
Le hasard voudra que l’actuel P.D.G. de la Sndp, Nabil Smida, soit également à présent le président de l’Association tunisienne du pétrole et du gaz (ATPG). C’est à double titre qu’il rend un vibrant hommage à l’illustre défunt. «Si Sahbi a été un illustre pétrolier, maîtrisant parfaitement tous les maillons de la chaîne. Issu de la raffinerie (Stir), directeur général de l’Energie, transporteur (Trapsa) et distributeur (Sndp), il a capitalisé une rare et précieuse expertise qu’il a mise au bénéfice du secteur et du pays. Sa compétence professionnelle, son talent managérial et ses valeurs humaines ont fait de lui une référence. Il nous manquera.»
Parmi les nombreux autres hommages posthumes reçus par la famille du défunt, celui d’Ali Maaloul, ancien directeur technique à la Trapsa, nous en révèle d’autres facettes. «C’était pour moi, écrit-il, plus qu’un patron, un véritable ami. Il m’a fait confiance et j’ai toujours trouvé auprès de lui aide et soutien. Il était à l’écoute du personnel de l’entreprise. Il était un bon négociateur et un grand gestionnaire. Il était apprécié des associés et des partenaires de la compagnie. C’était un visionnaire et il avait de grandes ambitions pour la société. Avec Si Sahbi, la Trapsa a réalisé de grands projets qui ont permis d’améliorer les différentes installations et développer ses activités. Il était un grand patron plein d’attention et un bon patriote. Il a toujours agi dans l’intérêt de la Tunisie.»
Puisse Dieu lui accorder Son infinie miséricorde.