Les Tunisiens seront-ils Antivax ?
Résistance par principe au vaccin, crainte d’effets secondaires, évocations de mauvais souvenirs vécus, mise en doute, ou théorie du complot : partout dans le monde, une marge de la population reste réfractaire à l’inoculation d’un vaccin dans le corps. Une opposition qui prend des taux variés d’un pays à l’autre, allant jusqu’à 50% de la population, selon les récents sondages d’opinion. Qu’en sera-t-il en Tunisie ?
Des études récentes menées par l’Observatoire national des maladies nouvelles et émergentes (Onme), dirigé par le Pr Nissaf Ben Alaya, ont détecté ce phénomène. Les résultats n’ont pas été rendus publics, mais tracés de près, confie-t-on à Leaders. Il appartiendra à la campagne de communication qui sera déployée de réduire cette résistance, sinon la vaincre. La vaccination reste en effet volontaire, selon le libre choix de chacun.
L’analyse de la littérature internationale en la matière est intéressante. Dans un excellent ouvrage intitulé « Antivax, la résistance aux vaccins du xviii e siècle à nos jours (Paris, éditions Vendémiaire, 2019, les professeurs Françoise Salvadori et Laurent-Henri Vignaud ont remonté l’histoire pour analyser l’argumentaire des opposants, découvrant de multiples associations. «C’est un phénomène très ancien, écrivent-ils, on peut même dire contemporain de la découverte de la vaccine par Edward Jenner (1749-1823), dans le Gloucestershire, à la fin du xviiie siècle. Si la vaccine a immédiatement enthousiasmé les chefs d’Etat et sauvé de nombreuses vies humaines, elle a suscité d’emblée (comme l’inoculation de la variole avant elle) des débats passionnés sur ses dangers et surtout ses échecs, la nécessité d’une revaccination mettant longtemps à s’imposer.»
«Mais c’est surtout l’obligation qui a hérissé une partie des populations, ajoutent-ils. Quand les États sanctionnent les manquements à l’obligation, au cours de la deuxième moitié du XIXe siècle, les mouvements antivaccinaux s’organisent et même s’unissent dans une Ligue internationale contre les vaccinations en 1880. L’Angleterre, confrontée à une résistance qui culmine avec les émeutes de Leicester en 1885, finit par lâcher l’obligation. À la veille de la Première Guerre mondiale, le généralissime Horatio Herbert Kitchener (1850-1916) rappelle fièrement que le soldat britannique est « libre de son corps » (sic) ! Chassé-croisé : en 1902, après de longs débats, la France vote la grande loi de santé contenant l’obligation de la vaccine, quand l’Angleterre fait définitivement machine arrière». Instructif.