Béchir Ben Yahmed
La célébration, ce 17 octobre, du 50ème anniversaire de Jeune Afrique, « l’hebdomadaire icône du continent » suscite évocations, témoignages et débats. En un demi-siècle, avec sa perspicacité, son ingéniosité et sa détermination, Béchir Ben Yahmed, son fondateur, a fait pour l’Afrique beaucoup plus que l’OUA et l’UA réunies, n’hésitent pas à affirmer nombre de ses fidèles lecteurs. Quelle a été l’œuvre majeure de Jeune Afrique durant le demi-siècle écoulé ? Quelle est aujourd’hui la plus grande fierté, et la plus grande frustration de son fondateur ? Et quels sont ses projets ? En exclusivité, Béchir Ben Yahmed répond aux questions de Leaders.
Quelle est d’après-vous l’œuvre majeure de Jeune Afrique durant le demi-siècle écoulé?
Nous nous sommes efforcés de faire un hebdomadaire pour tout le continent.
En 1960, lorsque Jeune Afrique a été lancé – avant l’OUA – l’idée que les Africains au nord du Sahara, arabisés et blancs, pouvaient avoir une communauté de destin avec les Subsahariens noirs et en grande partie chrétiens (protestants et catholiques) ou animistes, cette idée n’avait pas droit de cité, n’était même pas acceptée comme utopie.
L’existence et la réussite de Jeune Afrique ont contribué puissamment à la faire exister d’abord, à la transformer en réalité tangible.
Fondée par un Africain du nord qui, en 1960, ne connaissait presque rien de l’Afrique subsaharienne, Jeune Afrique a été peu à peu accepté par nos frères subsahariens qui le considèrent aujourd’hui comme leur journal.
C’est là pour moi un grand motif de satisfaction et même de fierté.
Je suis tout aussi fier d’être parvenu à faire exister dans l’harmonie, au sein de Jeune Afrique, des Noirs et des Blancs, des musulmans, des chrétiens et des juifs.
Mon autre fierté, c’est d’avoir lutté avec constance, depuis 1960, contre le Parti unique et ses méfaits, alors même qu’il était de rigueur dans (presque) tous les pays africains.
Nous avons lutté avec la même constance contre la dictature et les dictateurs et avons payé cette opposition par des décennies d’interdiction et des dizaines de saisies.
Je pense que nous avons été la plupart du temps du bon côté, celui des causes justes même au moment où c’était impopulaire de les soutenir.
Quelle est aujourd’hui votre plus grande fierté? Et quelle est votre plus forte frustration ?
Ma plus grande frustration est de voir que le continent africain n’a pas encore pris le chemin du développement et de la démocratie. Et surtout que les systèmes éducatifs et de santé y fonctionnent si mal, sauf exception.
Or nous savons tous que si les jeunes d’aujourd’hui ne sont pas bien éduqués et bien soignés, leurs pays ne se développeront pas demain.
Vous vous consacrez désormais à La revue. Mais quels sont vos autres projets?
La revue est devenue un mensuel et il n’en est qu’à ses débuts. Il faut donc s’en occuper beaucoup, bien et longtemps pour le hisser au niveau de l’excellence internationale que j’ambitionne pour lui.
Peut-être aurai-je, si Dieu le veut, la force et le temps d’écrire ce que j’aurai vu, entendu et appris au cours des cinq ou six dernières décennies : le témoignage d’un acteur dont le parcours professionnel a débuté avec les années 1950.