Régénérer les villes d’Histoire : défendons un projet d’avenir pour Testour !
Par Samia Kassab-Charfi - La chose est assez rare pour être soulignée : un haut responsable du Conseil municipal, élu en juin 2018, inscrit sa vision personnelle du renouveau de Testour dans la candidature portée à un projet ambitieux, de grande envergure. Non pas tant dans l’étendue des restructurations escomptées que dans le détail, la précision des actions de rénovation et surtout la prise en compte de l’impact de cette remise à neuf sur l’attractivité, et donc sur la relance économique, de la ville.
Il peut sembler téméraire, tandis que nous sommes confrontés, chaque jour un peu plus, à la tourmente d’une épidémie qui refuse de régresser, de penser à l’après-Covid. Pourtant, cette politique – car il faut bien l’appeler ainsi – a été amorcée depuis 2 ans et demi déjà, d’abord par esprit patriotique et avec un sens accru de la responsabilité citoyenne, ensuite pour poursuivre et prolonger les actions entreprises par des ONG et des partenaires internationaux (dont l’Ambassade de France, l’Ambassade d’Espagne et le Goethe Institut ; la ville de Lescar , l’Agglomération de Pau et l’AFRAHT, pour ne citer que ceux-là) engagés dans la défense et la préservation du patrimoine culturel et architectural de lieux de mémoire. Enfin et aussi pour donner le change à des détracteurs sclérosés dans des attitudes passéistes et exclusivistes, refusant de redorer le blason composite, pluriconfessionnel et pluraliste de la cité.
Membre impliquée de l’Association de Sauvegarde de la Médina de Testour, j’ai été immédiatement interpellée par la teneur et l’enjeu de ce projet qui vise à valoriser aussi bien le patrimoine matériel qu’immatériel de Testour. Testour exaltée dans sa composante la plus prestigieuse, la plus noble : ville de «convivence», beau terme issu de l’espagnol « convivencia », ville de traces, de savoir-faire, ville où chaque quartier signale, par des indices qui s’effacent malheureusement, un patrimoine ancien précieux.
C’est ce patrimoine que le Maire actuel, fort d’un esprit d’ouverture et d’une conscience aiguë de la nécessité de préserver ce profil pluraliste et son fondement multiculturel, veut mettre en tête de ce projet, fidèle à un mode de gouvernance où passion, volonté, persévérance et maîtrise des dossiers détermine ce parcours. Fort de son expérience et des longues années passées à l'étranger, M. Mensi a en effet apporté un souffle nouveau, engageant toutes ses forces pour sauvegarder une ville andalouse malmenée et souvent laissée en marge des restaurations.
Ce Projet de Régénération des Centres Anciens (PRCA), concrétisant la collaboration de l’Agence Française de développement et de notre Ministère de l’Equipement (dont l’engagement crucial doit être salué ici, au passage), est l’occasion de construire des partenariats dans le cadre de la coopération décentralisée. La mission de Restauration du fameux café Andalous, pratiquement à l'abandon – si l’on excepte une légère réfection réalisée il y a 25 ans environ – s’accomplira en partenariat avec l’Agence de la sauvegarde du Patrimoine et la Valorisation culturelle, dans un objectif de dynamisation du tourisme intérieur – culturel et écologique – et de valorisation des richesses, qui vont de l’Artisanat jusqu’à la promotion des produits du terroir.
Réactiver la Testour andalouse en préservant son cachet historique passe évidemment par la programmation culturelle – et nous n’ignorons pas à quel point la commémoration culturelle, le partage esthétique ont subi ces derniers temps une relégation désastreuse due aux impératifs nouvellement imposés par la crise sanitaire. Dans l’esprit du projet, la tenue d’événements culturels tels que les Journées Habiba Msika sont indissociables des différents festivals dont Testour peut s’enorgueillir. D’abord celui du Malouf, dont l’importance au sein de la tradition musicale tunisienne n’est plus à prouver et qui motivera en l’occurrence la création, au sein de la Maison de la Culture rénovée, d’un Conservatoire. Ensuite le Festival des Grenades, qui transforme la ville chaque année en lieu de partage de saveurs, d’échanges, de communion autour de ce fruit emblématique de la cité qui, désormais, a inscrit sa forme pulpeuse à l’entrée même de la Ville – fruit qui, également, est en résonance avec l’autre cité emblématique de l’histoire andalouse en Espagne – Grenade. Il faut à cet égard souligner un phénomène d’imbrication des savoir-faire et des patrimoines lors de ce Festival des grenades, puisque de nombreuses artisanes – ce féminin est essentiel ! – y exposent leurs productions, confitures et miels, associations savantes d’herbes aromatiques et de condiments, dégustations de spécialités culinaires andalouses, etc. À toutes ces célébrations rendant hommage aux fruits de na terre et à la dextérité des artisanes, sera également – grande nouvelle – associé dorénavant un Festival de Flamenco que tous les mélomanes attendent avec impatience.
S’il est un fait majeur, hélas, qui dépare nos centres urbains et défigure souvent le paysage des rues de nos villages, ce sont les manquements liés au maintien de la voirie et l’inexistence d’une logistique de tri des déchets. De ce point de vue, le Projet PRCA prévoit la création d’une zone industrielle verte 0 déchet, de même qu’un planning révisionnel du plan d'urbanisme, révision destinée àdesserrer l'étau autour de la vieille ville.
Ainsi, et pour ne pas rater le rendez-vous de cette campagne écoresponsable de restauration et modernisation, Testour déposer afin Février 2021, auprès du Ministère de l'Équipement et de l'Agence Française du Développement,sa candidature au Projet de Régénération des Centres Anciens.
Tandis que des problèmes socioéconomiques majeurs, dus aux disparités entre les régions, perdurent depuis des décennies, il faut espérer que les autorités soient bienveillantes, d'autant plus que ce projet intègre des monuments de poids dont la maison de Habiba Msika, les vieux quartiers Andalous, le souk avec ses petites échoppes et ses tisserands et brodeurs de jbeyeb ainsi qu’une petite synagogue très typique, vieille de 4 siècles, qui en dit long sur le vivre-ensemble entre Juifs et Musulmans durant les 4 siècles où ils vécurent ensemble, dans les mêmes rues de la ville.
Nous voulons ici lancer un Appel en faveur de sa sélection, lancer un Appel pour que Testour, première ville andalouse qui demeure avec un cachet attractif et unique au Maghreb, de l'aveu même des spécialistes et des experts, soit retenue afin de pouvoir bénéficier de ce projet de réhabilitation cher à une commune dont le Maire n'a cessé de travailler depuis plus d'un an et dont les Associations – spécialement l’Association de Sauvegarde de la Médina de Testour, avec Si Rachid Soussi, partenaire de poids de la mairie – sont fédérées selon un pacte commun tacite : celui de maintenir le souffle d’une cité qui est un haut lieu de mémoire tunisienne, et de prolonger ce souffle par des réalisations qui attestent de notre conscience citoyenne.
Samia Kassab-Charfi
Université de Tunis