Olivier Poivre d’Arvor: L’amoureux d’Alexandrie (Album Photos)
Zeitoun Felfel, comme on l’appelle dans les souks d’Alexandrie, est un amoureux invétéré, téméraire et irréductible. Là où il pose ses valises, Olivier Poivre d’Arvor (OPDA), qui était jusqu’en août dernier ambassadeur de France à Tunis, se laisse séduire et entre en passion. De ses deux années passées à Alexandrie, de 1988 à 1990, en tant que directeur du centre culturel français, il tirera, trente ans après, un livre passionnant intitulé Le roman d’Alexandrie (éditions Tchou). OPDA avait alors la trentaine à peine, jeune philosophe, essayiste, féru de théâtre, étouffait en France et cherchait à partir. Le Quai d’Orsay lui offre alors ce qui sera son premier poste à l’étranger. Son destin le conduira ensuite à Prague puis Londres, dans les mêmes fonctions, gagnant en grade, avant de diriger France Culture et d’atterrir à Tunis.
Dans «la principauté de La Marsa», comme dans les états-majors politiques et les palais officiels et partout, on connaît beaucoup plus l’ambassadeur omniprésent, dynamique, très nouveaux codes, réseaux sociaux compris, que l’écrivain. Pourtant, Olivier Poivre d’Arvor est l’auteur de plus d’une douzaine de livres, essentiellement des romans, et co-auteur avec son frère, Patrick Poivre d’Arvor, d’une autre douzaine également. Leur Laurence d’Arabie, un beau livre illustré, restera une référence.
Conduisant sa Peugeot 504, fier de son affectation en Egypte, Olivier Poivre d’Arvor se dirigera à Venise pour prendre un bateau, le 25 août 1988, devant le déposer sur l’autre rive. Pourquoi Alexandrie ? Découvrez comment le Quai d’Orsay procède aux nominations : une tranche d’humour comme sait le raconter l’auteur. Voilà donc ce jeune représentant de la culture française dans la ville où Napoléon l’avait précédé en 1798 vivre son aventure, savourant chaque instant avec délectation et bonheur.
Carte postale, mémoires, récit de voyage...Tout à la fois, sous une plume alerte, fine, imagée. D’Alexandre le Grand, le fondateur de la ville en l’an 331 avant J.-C., à Mohamed Ali (1805-1849), l’occupation anglaise (1882), l’avènement de Nasser (1952), les nationalisations de 1956, sonnant le départ des communautés étrangères, à l’inauguration de l’université francophone Léopold-Sédar- Senghor en 1990, le lecteur est habilement introduit dans l’histoire, sur fond d’Oum Kalthoum et de Farid Latrache. Le récit devient encore plus vivant lorsqu’Olivier Poivre d’Arvor évoque ses amis alexandrins : Omar Shérif, Youssef Chahine, de grandes figures des familles locales, des communautés grecque, arménienne et autres... Du beau monde. Ou encore lorsqu’il raconte ses agapes dans les restaurants de la ville, huppés ou modestes, fruits de mer et kebab. Et surtout en décrivant une société locale plurielle et diverse, avec ses us et coutumes et ses secrets de vie. Un genre nouveau, passionné, passionnant.
Le pied marin, Olivier Poivre d’Arvor aime la mer et humer ses airs. Président du Musée national de la marine, il est nommé depuis décembre dernier ambassadeur des pôles et des enjeux maritimes. Sans se détourner de l’écriture, il a au moins deux nouveaux romans en chantier. En consacrera-t-il à la Tunisie ? Fort probablement. Un roman, les mémoires attendront !
Le roman d’Alexandrie
de Olivier Poivre d’Arvor
Editions Tchou, novembre 2020, 206 pages, 12,95 € TTC