Inès Ayadi - Covid 19: Rattraper, endiguer et accélérer la vaccination
Spécialiste en économie de santé, Inès Ayadi a acquis, lors de ses passages dans divers cabinets ministériels, une bonne connaissance du secteur. Que ce soit en tant que chargée de mission auprès de ministres successifs de la Santé ou auprès du ministre des Affaires sociales, elle est à la fois témoin et acteur des politiques publiques déployées ces dernières années. Ines Ayadi est docteur en sciences économiques de l’Université de Paris-Dauphine et de la faculté des Sciences économiques et de Gestion de Sfax, spécialiste en économie de santé. Proche conseillère du ministre Faouzi Mehdi à la Santé, elle fait partie activement de la task-force mise en place pour la lutte contre la Covid-19. Avec le recul, quels sont les retards constatés à l’allumage ? Des hésitations au départ? De mauvaises appréciations et décisions ? Et où se situent les blocages ? Sans détour, Inès Ayadi a répondu aux questions de Leaders.
Interview.
Quels sont les principaux enseignements tirés?
La Tunisie a été prompte à faire face dès le 30 janvier 2020 à la pandémie. Un plan de prévention et de riposte a été élaboré. L’objectif était de dépister le virus rapidement et de réduire sa prolifération, tout en se préparant à la prise en charge des patients.
Si la première vague a été maîtrisée, c’était grâce à des mesures précoces drastiques (confinement général) prises par le gouvernement. La stratégie de prise en charge s’est appuyée sur l’hôpital et le SAMU. Mais elle a totalement ignoré les services de proximité publics et privés.
En outre, et aussi déplorable soient-elles, la levée du confinement et la réouverture des frontières sont accompagnées par un relâchement total de la vigilance et le non-respect des gestes barrières.
Une deuxième vague était prévisible et il fallait s’y préparer. Malheureusement, les commandes d’équipements de protection individuelle (EPI) et de réactifs nécessaires aux tests n’ont été passées que fin juillet seulement. De plus, les laboratoires de biologie relevant du secteur privé ont été autorisés, en deuxième phase, à effectuer des tests PCR, mais cela a permis une plus large couverture territoriale ainsi qu’une réduction du délai d’attente des résultats.
Face à la résurgence de la deuxième vague, la première ligne de santé de base a été activée pour une prise en charge précoce. Au niveau du secteur public, la capacité d’oxygénothérapie est limitée et il a fallu la renforcer au fur et à mesure. Par ailleurs, la coordination entre les deux secteurs public et privé était restée relativement limitée.
Les textes d’application de la télémédecine ne sont pas encore publiés, ce qui a retardé l’intégration de la consultation à distance.
Quels enseignements majeurs en tirer tant pour renforcer le dispositif santé que pour la gestion de pareille pandémie?
D’abord, l’importance d’investir dans le secteur de la santé pour répondre efficacement aux crises. La mise en œuvre des choix stratégiques de la politique nationale de la santé est une urgence pour avoir un système de santé efficient. Ensuite, il faut s’adosser à une stratégie de sécurité sanitaire à même de garantir la continuité des services et des réserves d’urgence (médicaments, lits, respirateurs, EPI, etc.). La gestion de l’épidémie doit également privilégier la proximité et un processus participatif multisectoriel.
Le secteur de la santé publique a démontré qu’il est le garant de l’équité dans l’accès aux soins. La décision de réquisitionner des services dédiés pour la prise en charge des patients atteints de la Covid-19 au niveau des structures sanitaires publiques a permis d’éviter le débordement et d’assurer la continuité des autres services de soins. La mutualisation des efforts et des ressources est la solution optimale en temps de crise.
Quels objectifs se fixe désormais le ministère pour la prise en charge et la vaccination?
Alors que la vaccination contre la Covid-19 vient de commencer le 13 mars 2021, l’apparition de nouvelles mutations (principalement britannique) nécessite une vigilance extrême et une application rigoureuse des mesures barrières (port du masque, distanciation, lavage des mains et aération). A l’échelle nationale, la stratégie vaccinale vise à vacciner 50% de la population générale dès 2021, en commençant par tous les groupes de population à risques pour les complications graves de la Covid-19.
Elle permet de diminuer le fardeau de la maladie, de réduire les conséquences psychiques, sociales et économiques négatives liées à cette pandémie et de maintenir les capacités du système de santé.
La stratégie nationale repose sur les principes suivants: un accès équitable à des vaccins gratuits, efficaces, sûrs et de qualité approuvés par les données scientifiques en temps opportun et une prise de décision personnelle fondée sur des données transparentes et compréhensibles.
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