Rym Ghachem Attia: Une Tunisie souffrante
Ce qui s’est passé dans l’avion le 10 avril 2021 nous donne à voir la grande souffrance de la société tunisienne et son désarroi d’aujourd’hui:
• La dispute violente entre deux jeunes femmes
• Les mamans voilées s’en mêlent et mettent de l’huile sur le feu
• L’autorité (steward) est dépassée, incapable de gérer cette gabegie.
Le fait est général, il est pathognomonique de la Tunisie d’aujourd’hui. Partout, on sent des personnes prêtes à exploser, la légitimité n’est accordée à personne. Le bain de sang serait il la solution ? Ne pourrait-on pas trouver des personnes charismatiques, ayant quelque légitimité ou ascendant et capables de gérer ces crises sociales, économiques et psychologiques d’un niveau infantile. On se croirait en pleine crise d’adolescence, sans limite et sans surmoi.
On peut ainsi faire le lien avec l’ambivalence qui prévaut en matière de vaccination de la population contre la Covid-19. En effet, on dénombre moins d’un million d’inscrits malgré les efforts de communication, mais tout le monde est mécontent ! Chacun se considère comme prioritaire; les soignants, les réanimateurs, les infectiologues, les personnes en relation avec le public, les personnes âgées, les personnes malades, etc. Chacun se sent plus ou moins lésé !
J’ai eu à visiter plusieurs centres de vaccination, l’accueil est impeccable, vraiment en un temps record tout a été mis en place. Mais on continue à critiquer les soignants, les structures et à les agresser. Pourquoi ? La vaccination n’est pas obligatoire, mais elle est indispensable à notre survie sociale et économique: ne cédons pas à la panique que certains voudraient insuffler. Essayons plutôt de trouver les solutions. Mais aussi faut-il que les autorités compétentes jouent le jeu en toute transparence et nous informent en temps utile, que les résultats du suivi épidémiologiques soient analysés et communiqués, qu’on comprenne:
• Qui sont ces 10000 personnes décédées de la Covid-19? Leur profil, les facteurs de risque? Quelles sont les professions à risque?
• Y aurait-il une corrélation avec le groupe sanguin?
• Quels sont les médicaments protecteurs? Y aurait-il des médicaments à éviter?
Oui, il semble que de nombreux scientifiques tunisiens travaillent sur le thème, mais pourquoi ne travaillent-ils pas ensemble? Pourquoi n’avons-nous pas une communication cohérente et collégiale? L’impression que nous avons, est que le tunisien sait travailler seul, mais n’arrive pas à travailler en collectivité; chacun veut avoir raison et se croit expert en tout. Cependant ces mêmes tunisiens brillent à l’étranger, partout dans le monde semble-t-il, dans ce contexte ils sont intégrés à des équipes et ne peuvent pas faire cavalier seul; alors pourquoi pas en Tunisie? Le temps de se serrer les coudes et de laisser nos égos de côté n’est-il pas venu ? Soyons modestes! Arrêtons de vouloir «donner à voir» mais essayons plutôt d’être uniquement ce qu’on est et de travailler humblement.
Il est vrai qu’il est difficile de vivre dans cette ambiance d’agressivité et de rester exemplaire, rester fidèle aux règles et à l’éthique. Cette nuisance ambiante provoque une dépression hostile. On se met à projeter le mal partout, le «complotisme» est à son paroxysme.
Cependant, aujourd’hui le temps est à l’apaisement, le mois de Ramadan est là; il s’agit d’un mois de générosité, de sagesse et de paix. Arrêtons de nous attaquer les uns les autres et de provoquer des disputes. Les ministères ainsi que les institutions continuent à fonctionner malgré ces guerres intestines, mais aucun ne peut mettre en œuvre son pouvoir régalien, aucune autorité n’est exercée sur aucun, nous semble-t-il.
L’impact de cette dite révolution ne deviendra positif que si chacun d’entre nous fait face à ses responsabilités! Il faut qu’on tient debout jusqu’à la fin! Nous nous battrons pour y arriver. Nous le devons à nous-mêmes et surtout à nos enfants et à nos parents.
Pr. Rym Ghachem Attia
Hôpital RAZI Service Pinel