Nabil Triki: L’entreprise ne pourra plus résister davantage
Capitaine d’industrie, de commerce et de services, Nabil Triki, à la tête d’un grand groupe familial, ne cache pas son inquiétude. Rien qu’à travers les produits de confiserie, mais aussi de l’ameublement, de ses marques, il mesure au quotidien l’érosion du pouvoir d’achat. Sans parler du BTP. Cette double peine de ralentissement de l’activité, avec de longues périodes d’arrêt et de baisse de la demande, dans une décélération économique continue, fait peser sur l’entreprise de lourdes conséquences. «Les banques et le gouvernement doivent, d’urgence, faire montre d’une plus grande proactivité», estime Nabil Triki.
Longtemps membre du bureau exécutif de l’Utica, ce quadra rompu aux finances (diplômé de Paris-Dauphine), reste très lié à la réalité du marché, attentif au comportement du consommateur, et soucieux de la résilience de l’entreprise en général. Ce qui l’inquiète le plus, ce sont les faillites annoncées, avec leur train d’ardoises, de perte de revenu et de chômage. Pourtant, il considère que d’ultimes voies de sortie de crise restent ouvertes.
Interview
Quel a été l’impact de la pandémie sur votre groupe? Et quelles sont les activités les plus touchées?
Nos entreprises, à l’instar de l’économie tunisienne, ont été impactées à la fois par deux facteurs principaux. D’une part, l’effet direct du confinement qui s’est traduit par l’arrêt / le ralentissement des activités pendant une longue période. Et, d’autre part, un effet indirect dû au ralentissement général des activités économiques, qui est corrélée à une baisse du pouvoir d’achat chez le consommateur et de la capacité d’investissement chez les entreprises.
La baisse de la demande sur nos différents secteurs d’activité au sein du groupe a été vivement ressentie, notamment dans les secteurs du BTP et de l’ameublement. Le niveau moyen de cette baisse varie d’une entreprise à une autre, mais reste aux alentours de 20% de baisse de l’activité commerciale.
Pensez-vous que les mesures prises par le gouvernement l’ont été à temps ? Ont-elles été effectives?
Elles étaient correctes. Surtout compte tenu de la propagation, de la décélération économique et des moyens de l’Etat. Malheureusement, l’application de ces mesures était bien loin des objectifs tracés. Nous avons manqué de rigueur et d’efficacité pour leur mise en œuvre.
Les banques ont-elles été réactives pour soutenir les entreprises?
La plupart des banques ont déployé des efforts pour prêter main-forte aux entreprises sinistrées. Mais nous avons malheureusement noté des exceptions où certaines banques se sont montrées très rigides et ne se sont pas adaptées à la situation, ou, du moins, leurs actions ne correspondaient pas aux messages et promesses annoncés.
Quels risques peuvent survenir à l’avenir?
Deux risques majeurs, au moins. Ils sont liés à la perte de vitesse économique que nous vivons aujourd’hui. Le premier est relatif à la détérioration du pouvoir d’achat du consommateur. En effet, la plupart des entreprises tunisiennes se trouvent en difficulté aujourd’hui. Sans réelles réformes et une reprise de cap stratégique, la faillite est annoncée pour bon nombre d’entre elles. Une telle situation impactera, d’un côté, certainement le vécu des Tunisiens qui subiront une augmentation vertigineuse du taux de chômage ; et de l’autre, elle fera souffrir les entreprises. Elles devraient alors faire face à une conjoncture très difficile combinant une baisse à la fois d’activité et du pouvoir d’achat des consommateurs, avec en contrepartie une augmentation spectaculaire des charges, du prix des différentes matières premières et des frais de transport.
Le deuxième risque auquel nous faisons face aujourd’hui est plutôt d’ordre financier. La récente dégradation de la notation souveraine de la Tunisie est très inquiétante, voire alarmante. Persister sur cette voie annoncera de vraies difficultés d’accès au capital et un étranglement certain de l’économie.
Qu’attendez-vous en urgence de la part gouvernement?
La mise en place d’actions concrètes pour renverser la tendance. Il faut tout d’abord une montée en compétence pour mettre en application les mesures annoncées. Il faut ensuite encourager au maximum l’investissement qui est actuellement quasiment à l’arrêt. Les moyens ne manquent pas : baisse des taux d’intérêt, particulièrement ceux destinés à l’investissement industriel et agricole, et autres. Il est impératif aujourd’hui d’amorcer la reprise économique et de rentrer dans le cercle vertueux du développement. Mais aussi relancer en urgence la diplomatie économique, particulièrement avec les pays voisins (Libye et Algérie) qui sont considérés comme les poumons de l’économie tunisienne.
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