Hommage à Abdelhafidh Sellami: Le chirurgien, fondateur de la faculté de médecine de Sfax
Par Dr Bechir Haddouk. Ancien professeur de médecine. Ancien chef de service hospitalo universitaire Radiologie - Ma première rencontre avec feu le doyen Abdelhafidh Sellami, remonte à un matin des mois de mars ou avril 1974. Il venait d’arriver à Sfax, quelques jours, auparavant, auréolé d'une double mission : préparer le démarrage de la faculté de médecine qui venait d'être décidé par le gouvernement et hisser l'hôpital régional Hédi Chaker au statut d'hôpital universitaire CHU)
Le profil du défunt
Etudiant à la faculté de médecine de Montpellier, il y fit de brillantes études couronnées par les concours d'externat, puis d'internat des hôpitaux.
Intégrant le service de chirurgie générale du professeur Marchal, en qualité d'interne des hôpitaux, il y exerça les fonctions de chef de clinique. IL se distingua dans cette fonction par la qualité de ses actes opératoires et de son encadrement des stagiaires et internes du service. Son enseignement de l’Anatomie humaine était couru par les auditeurs. Tout cela lui valut la confiance et l'estime de ses maitres de la faculté.
Sa mission de doyen fondateur de la faculté de médecine
Nommé maitre de conférences agrégé en chirurgie générale en 1973, il fut chargé par le ministère de la santé de la lourde mission de procéder à la mise en route de la première année de médecine programmée pour la rentrée universitaire d'octobre 1974
Méticuleusement, avec un enthousiasme débordant et contagieux, il sut s'assurer le concours et la bienveillance des autorités sanitaires, académiques et administratives du pays, sans négliger ses attaches montpelliéraines qui furent d’un secours essentiel dans le succès du démarrage du premier cycle de l’enseignement médical. IL convient dans ce contexte de souligner l’appui déterminant de la faculté de Montpelier en la personne de feu le Doyen Benezech qui n’a pas été économe en aides pédagogiques.
Cette aide ne peut occulter le soutien et l'encouragement prodigué par les doyens Essafi, Hassouna Ben Ayed et Mongi Ben Hmida de la faculté de Tunis qui ont contribué au bon déroulement des programmes d’enseignement.
Pragmatique, le doyen Sellami n'a pas fait la fine bouche lorsqu’on lui demanda de se contenter de locaux provisoires dans l’enceinte du lycée Habib Maazoun avenue Habib Bourguiba. L'important était de relever le défi, les locaux adéquats et dédiés viendront par la suite.
La construction de la faculté et sa structuration
Il en assura le suivi dès la genèse de ses plans architecturaux, de ses exécutions, jusqu’à son inauguration.
Il veilla ensuite sur son équipement et à la mise en place de son administration. Progressivement, il s'occupa de la pourvoir en personnel enseignant nécessaire. Faisant feu de tout bois, il fit appel à la coopération technique française qui lui détacha les premiers maitres de conférences agrégés de sciences fondamentales nécessaires à l'enseignement du premier cycle des études médicales (biophysique, biochimie, physiologie, anatomie humaine). Il ne négligera pas, non plus, à l’occasion de l’ouverture du premier concours d’agrégation, en 1976, de réclamer et d'obtenir des postes pour la faculté. C'est à ce concours que furent nommés quatre maitres de conférences agrégés (en radiologie, gastro entérologie, pédiatrie et cardiologie). Ils constituèrent le premier noyau du conseil scientifique de cette nouvelle faculté.
Son action à l'hôpital
Nommé chef du service de chirurgie générale, il succéda avec brio à la délégation de médecins belges qui exerçait dans le cadre de la coopération technique tuniso-belge.
Avec la même énergie et le même enthousiasme, il étoffa peu à peu l’équipe de son service, en ayant à cœur de promouvoir l’émergence d’autres spécialités chirurgicales (orthopédie, neurochirurgie, réanimation médicale), pour le bénéfice des patients de la région et du sud tunisien, en général. Parallèlement, il aida ses confrères exerçants à l’hôpital à développer ou à créer d’autres services de spécialités médicales (service de pédiatrie, service de cardiologie, service de médecine interne, service d’oncologie médicale, service de rhumatologie, service de réanimation médicale …).
Sur le plan sanitaire, un autre combat fut mené et gagné, en symbiose avec les membres du conseil de santé et des autorités régionales. En effet, il fut revendiqué et obtenu la construction d'un deuxième CHU qui fut baptisé Habib Bouguiba. Ainsi, Sfax est doté d'un hôpital de spécialités médicales (Hedi Chaker) et d'un hôpital de spécialités chirurgicales (H. Bourguiba). Ce dernier fut pourvu d'un plateau technique le plus complet et le plus performant en son temps : imagerie médicale, radiothérapie, explorations fonctionnelles, médecine physique, isotopes, laboratoires de biologies médicales, d'anatomie pathologique...
Il fut un peu le chef d’orchestre d’un ensemble d’enseignants et chefs de services habités par la même flemme d’exceller dans l’enseignement qu’ils dispensaient et dans les soins qu'ils prodiguaient.
Le riche bilan de toute une vie de patriote
Avec le soutien du conseil scientifique de la faculté et du conseil de santé des hôpitaux et durant toute la durée de son décanat qui s'étendit sur une quinzaine d'années, il est indéniable d'affirmer que feu le doyen Sellami est parti avec l'intime conviction du devoir accompli envers son pays, sa ville et la grande famille soignante. Il a contribué à les nantir d'une faculté performante et de deux hôpitaux universitaires rayonnants, dont ils peuvent être fiers.
A ce propos, il me plait de rapporter cette anecdote : à la première promotion d'internes en médecine susceptibles de concourir au résidanat en médecine, il s'est élevé avec force contre l'idée condescendante avancée par le doyen de Tunis de l'époque, qui voulait la régionalisation du concours de résidanat (de crainte que les étudiants de Sfax et Sousse ne puissent rivaliser avec les étudiants de Tunis). Le concours national, fut maintenu sa confiance, en la valeur de la formation de nos étudiants ne l'a pas démenti. Les candidats de Sfax furent classés parmi les tous premiers des concours (résidanat, assistanat et agrégation.). Ils ont honoré leur doyen et leurs professeurs. Un grand nombre de cadres universitaires de Tunis, de Sousse et même à l'étranger sont des diplômés de la faculté de Sfax.
Repose en paix très cher ami et néanmoins collègue.
Ta famille universitaire et médicale gardera de toi, un souvenir, à jamais, vivace !
Dr Bechir Haddouk
Ancien professeur de médecine
Ancien chef de service hôpital universitaire Radiologie