La cuisine source d’économie, de santé et d’équilibre psychologique
Par Ridha Bergaoui - Les mutations socio-économiques que connait la Tunisie ont entrainé des changements importants dans nos comportements et nos habitudes alimentaires. Le développement des industries agro-alimentaires et les grandes surfaces ont entrainé l’abandon des pratiques traditionnelles de préparation et conservation des aliments la « Oula ». Le consommateur a de nos jours recours aux produits prêts à cuisiner et même prêts à consommer.
L’emplacement des bureaux loin du logement, associé aux difficultés de transport poussent la plupart des travailleurs à déjeuner sur place en dehors du foyer. Les jeunes, par mimétisme et sous l’effet de la publicité, raffolent des aliments transformés (chips, barres chocolatées, boissons énergisantes ou allégées…).
Surpoids, obésité et pathologies cardio-vasculaires
Une alimentation déséquilibrée, trop riche en calories, en graisses et sucre conduit au surpoids et à l’obésité. Associée à un régime excédentaire en sel, elle favorise l’apparition de pathologies cardio-vasculaires graves et du diabète type 2, pouvant mener à une invalidité et une mortalité précoce. La sédentarité, le manque d’exercices et le stress contribuent également à la détérioration de l’état de santé général.
Manger sain et faire régulièrement de l’exercice aident à se maintenir en bonne santé. Garder un Indice de Masse Corporelle (IMC = poids en kg/taille² en m), compris entre 19 et 25, permet de garder le poids optimal adéquat correspondant à sa taille.
Manger plus sain et varié pour booster ses défenses immunitaires
La pandémie de la Covid-19 nous a bien montré que notre seule arme face à la maladie est notre système immunitaire. Ceux qui sont sortie indemnes, ce sont ceux qui possèdent un système immunitaire fort, capable de venir à bout du virus.
« Que l'alimentation soit ta première médecine », disait Hippocrate. De notre alimentation dépendent nos défenses immunitaires. De nombreux aliments permettent de renforcer et booster notre immunité. Une alimentation riche en minéraux et oligo-éléments, vitamines, acides gras essentiels et antioxydants permet de lutter contre les infections, de ralentir le vieillissement et d’éviter même les cancers. Un bon apport en fer est nécessaire pour éviter et combattre l’anémie. Le zinc est indispensable aux cellules immunitaires.
Une alimentation équilibrée permet de maintenir une microflore intestinale en bon état, de faciliter le transit digestif et d’être en bonne forme.
Une alimentation correcte nous permet d’être moins vulnérables aux différentes infections. Varier son alimentation, manger des produits naturels et sains, beaucoup de fruits et de légumes et utiliser de l’huile d’olive permet d’éviter les carences et d’avoir une alimentation riche en éléments nutritifs et en antioxydants pour renforcer notre immunité, combattre les stress et prévenir les infections.
Savoir cuisiner, source d’économie, de santé et d’estime de soi
Il est bien évident que cuisiner à la maison revient beaucoup moins cher que de manger dehors. Par ailleurs en cuisinant on à l’avantage de choisir les différents composant des plats qu’on prépare et de ne retenir que les produits de qualité. Bien laver et éplucher ses légumes, fruits, viande et poisson, bien se laver les mains et observer les règles élémentaires de l’hygiène corporelle et vestimentaire sont des pratiques incontournables lorsqu’on prépare à manger à la maison. Ceci n’est pas le cas dans les arrières boutiques des gargotes et des fast-foods où les conditions de propreté et d’hygiène laissent souvent à désirer. En ces moments où tout le monde se plaint du coût de la vie et de la détérioration du pouvoir d’achat, faire la cuisine permet d’équilibrer son budget tout en s’alimentant d’une façon saine et correctement.
Cuisiner développe en nous la créativité, de la fierté et de la confiance en soi. Savoir cuisiner c’est être autonome et ne dépendre de personne pour se nourrir et manger des plats qu’on aime. Cuisiner des plats réussis et appréciés par les autres est une source de joie et d’orgueil. Cela nous rapproche des autres et nous rend plus confiant. Savoir qu’on est capable de faire de bonnes choses nous stimule pour faire encore mieux. Cuisiner pour se faire plaisir et faire plaisir aux autres développe en nous le sens du partage et de la générosité.
Cuisiner n’est pas si difficile, il suffit d’un peu de volonté
Cuisiner n’est ni difficile, ni nécessite des dons et compétences particuliers. Moyennant un peu de bonne volonté, et s’il le faut un petit carnet pour prendre écrire des recettes et certaines astuces, il est facile d’apprendre à préparer de petits plats de tous les jours. Des émissions à la radio et sur toutes les chaines de télévision, sont disponibles, surtout tout le long de ce mois de ramadan. Il y a même des chaines spécialisées dans la cuisine et les pâtisseries et qui diffusent toute la journée des recettes et des démonstrations de grands chefs cuisiniers. Apprendre de bouche à oreille et à travers les pages des réseaux sociaux est également possible grâce aux groupes spécialisés. Il y a même moyen de suivre une formation personnalisée dans l’un des nombreux centres de formation répartis à travers tout le pays.
Cuisiner en famille
La cuisine n’est pas du domaine exclusif des femmes. De nombreux chefs étoilés des restaurants de luxe sont des hommes. De nos jours la femme a plusieurs charges. Elle travaille dehors autant que l’homme et supporte tous les tracas des déplacements et du transport. Elle doit également s’occuper des enfants et de la maison. Avec tout ce travail fastidieux et parfois pénible, préparer les repas et laver la vaisselle n’est pas forcément une activité reposante ni très agréable.
Toute la famille doit contribuer à la préparation des repas. Conjoint et enfants ont le devoir d’aider et de participer à préparer les repas et faire le ménage en cuisine.
Passer du temps à la cuisine doit être perçu comme un moment de paix, de convivialité, de solidarité durant lequel on se raconte sa journée et on fait des blagues. Ces moments de complicité aident beaucoup à renforcer les liens affectifs et la cohésion de la famille. Ces moments uniques permettent de se confier et de déstresser des problèmes de la journée et des tracasseries diverses quotidiennes.
Pour les anniversaires, au lieu d’acheter un gâteau qu’on paye parfois plus de cent dinars pourquoi ne pas préparer, en famille, un gâteau fait maison ? Ce gâteau sera certainement esthétiquement moins beau, il sera néanmoins beaucoup moins cher, plus sain, meilleur et surtout fait avec amour, plein d’affection, de tendresse et d’attention.
Encourager les enfants à aider à cuisiner
La présence des enfants dans la cuisine et leur participation aux travaux de préparation des légumes, de la mise de la table, de la préparation des gâteaux leur est très profitable. Dans la cuisine ils découvriront les odeurs, les gouts et saveurs ainsi que les couleurs des différents aliments et seront moins exigeants plus tard à table. Ils sauront identifier les différents composants des aliments et pourront acquérir le sens du poids et des volumes. Ils apprendront les petits gestes et seront plus habiles pour manipuler les objets avec leurs petits doigts.
Afin de renforcer ce lien de l’enfant avec les aliments, il est même conseillé de l’impliquer durant tout le processus allant du choix des plats à préparer, lors des courses au marché et la sélection des différents ingrédients, enfin le déballage des achats et leur rangement.
Participer à la préparation des repas rend les enfants plus confiants et plus sûrs d’eux-mêmes. Ils apprendront également qu’il est nécessaire avant de manipuler des aliments d’avoir les mains propres et respecter les règles élémentaires d’hygiène. Ils sauront comment prévenir les risques et les dangers en cuisine. Ils seront formés pour éviter de se blesser par les couteaux et objets tranchants ou de se bruler par les liquides chauds et le feu.
Les enfants sont très ingénieux et ont les capacités et les ressources nécessaires pour s’adapter et bien se débrouiller. Les parents doivent être bienveillants et tolérer les petites bêtises ou les maladresses et accepter parfois les petits dégâts matériels.
Apprendre à cuisiner à l’école
Initier les jeunes à l’éducation culinaire dans les écoles et les établissements préscolaires est aussi important que leur apprendre à lire, écrire et compter. Bien connaitre les différents aliments et leurs caractéristiques nutritionnelles permet à l’enfant d’être plus rationnel dans ses choix alimentaires et éviter le surpoids et l’obésité. Des cours et des ateliers de cuisine doivent être organisés dans toutes les écoles pour apprendre aux jeunes à cuisiner de petits plats, se sentir autonomes et acquérir de la confiance en soi. L’enfant est un consommateur à part entière qui a ses préférences particulières et ses caprices. Il ne mange que ce dont il a envie, sous l’influence de la publicité et des copains, ou ce dont il a été habitué en étant tout petit.
Donner l’occasion aux jeunes d’apprendre à cuisiner à l’école permet également de prolonger cet apprentissage à la maison et d’aimer cuisiner et participer à la préparation des repas en famille.
Ces cours représentent une occasion pour ces jeunes de travailler ensemble, de faire preuve de créativité et de surmonter des challenges. Ils permettent accessoirement de gagner en motivation et de combattre l’abandon scolaire.
Au travail, se munir de son «box lunch»
Pour le repas de midi, il est préférable d’éviter les fast-foods et les casse-croutes. A part la perte de temps que cela représente à faire la queue dans ces gargotes, les aliments sont généralement de la très mauvaise qualité. Les produits utilisés sont de bas de gamme. L’utilisation des frites grasses, des variantes et des conserves en mauvais état est générale. Les conditions d’hygiène laissent beaucoup à désirer.
Il vaut mieux préparer son sandwich à la maison, ou se munir d’une portion du diner de la veille et un peu de pain et mettre le tout dans sa « box lunch » comme repas à la pause de midi. Vous vous garantissez ainsi une collation saine et économique. Il serait préférable de prendre son repas dans une salle aménagée et adaptée réservée par la direction de l’entreprise. Le plaisir de se retrouver entre copains, la bonne humeur et la convivialité représenteront dans ces conditions un atout supplémentaire.
Certains trouvent gênant d’amener son déjeuner au travail. Cette pratique est très courante dans les pays dits « civilisés » surtout si le nombre de salariés de l’entreprise est réduit et qu’il n’y a pas de cantine ou de restaurant d’entreprise. Souvent le personnel ramène non seulement sa « box lunch » mais également un thermos plein de café ou de thé selon les traditions du pays.
Pour les enfants, à la place d’un gouter de boisson industrielle ou de biscuit bourrés d’additifs chimiques et trop sucrés, leur donner un fruit bien nettoyé et prédécoupé ou un biscuit -gâteau sec fait maison est beaucoup plus sain et préférable.
Conclusion
Eviter autant que possible le grignotage et la restauration en dehors du foyer est gage de bonne santé. Les aliments industrialisés, riches en graisses, sucre et sels et pleins d’additifs et composés chimiques de toutes sortes sont incompatibles avec une alimentation saine et un bon état de santé.
Participer à la préparation des repas et se mettre à table et apprécier des plats cuisinés en famille est un plaisir, un moment de convivialité et de partage important en ces temps où les soucis et le stress ne manquent nullement.
En ces moments de crise et de marasme, où tout le monde se plaint du coût de la vie et de la détérioration du pouvoir d’achat, faire la cuisine à la maison permet d’équilibrer son budget, de s’alimenter correctement et de garder le moral et la bonne humeur.
Eviter de trop manger et surtout manger varié et équilibré est la garantie d’une bonne santé. « Il faut manger pour vivre et non pas vivre pour manger » disait Socrate.
Ridha Bergaoui
Professeur universitaire