Azza Filali - Tunisie : Quarante milliards de dollars, joli pactole !
Quarante milliards de dollars, tel est le montant (estimé) des sommes extorqués au trésor public Tunisien entre 2011 et 2021. A une dizaine de milliards près, évidemment ! Il faut dire qu’à ces hauteurs, les chiffres se brouillent. D’ailleurs, qui pourrait nous révéler le chiffre exact de l’argent ayant quitté le pays entre 2011 et 2021 ? Argent extorqué aux fonds publics par la classe politique, certains hommes d’affaires et les mafieux de tous genres qui sévissent chez nous depuis le 14 Janvier 2011.
Comment notre argent a-t-il mis les voiles ? Les moyens sont multiples, tout comme les brillants esprits qui les ont mis en place. Certains ont dû être d’une simplicité désarmante : un passage en douceur à l’aéroport, par le couloir VIP, valise diplomatique à la main. Ah les jolies valises diplomatiques, elles méritent décidément un hommage, voire quelque médaille pour services rendus à la nation ! Où trouver pareils ustensiles ? Distingués, un brin « vintage », mais respectabilité garantie, discrétion assurée, et surtout contenu laissé à la discrétion du voyageur !
Autre moyen par lequel notre argent nous a quittés : certains compatriotes, emplis d’amour pour le pays, ont tout bonnement gonflé la facture des produits qu’ils achètent à l’étranger (de manière à sortir le plus d’argent possible) ; en parallèle, ils réduisent à la baisse le montant de leurs exportations ! La chose ne demande pas d’avoir une agrégation en mathématiques.
Il ne faut pas non plus oublier les dons, gracieusement adressés par des états étrangers à certaines structures politiques, voire des associations, ou même des individus, pour services rendus. Certains de ces dons auraient échappé au contrôle de la Banque Centrale Tunisienne…
Quant à planquer son argent hors du pays, quoi de plus sensé, avec l’effondrement du dinar ! Aucun « individu » prévoyant n’accepterait de laisser son pécule en dinars : une monnaie qui se dévalue de jour en jour et risque de faire naufrage. Un naufrage imminent. Or que font les rats à l’approche du naufrage ? Ils quittent le navire. Les nôtres procèdent par étapes : d’abord le magot, puis l’intégrité physique. Que deviendrait la seconde sans la première ? Sans compter qu’il vaut mieux garder son butin bien au chaud, en dollars sonnants et trébuchants, bien à l’abri des dévaluations et des coups de semonce du FMI. Et c’est ainsi que l’argent de trésor public Tunisien a changé de nationalité. Le voilà devenu Suisse, Britannique, ou Qatari. Tout sauf continuer à se dévaluer sous le drapeau rouge et blanc. Autre avantage et non des moindres : disposer de sommes faramineuses en dollars, permettrait d’acheter des parts dans les institutions publiques au cas où l’état serait acculé à leur privatisation…
Quand on parle d’argent, il vaut mieux faire court : l’argent, long fleuve toujours en crue, se gagne, se dépense, se « regagne ». Il se vole aussi et voyage pour faire escale là où il fait bon vivre et avoir des comptes bancaires discrets, intouchables. Car ne nous leurrons pas ! L’histoire est ancienne, on nous en a déjà parlé et l’argent parti ne reviendra plus. S’il devait rentrer au pays, il l’aurait fait depuis belle lurette ! Mais, de temps à autre, une rumeur éclate, tel un pétard, pour faire joujou : l’argent volé reviendra. Il y’a une liste de « présumés coupables » qui va être rendue publique, cela va se faire ! Depuis le temps, nous savons bien que les promesses n’engagent que ceux qui les donnent. Quant à nous autres, entre promesses non tenues, et déceptions en pagaille, nous ne croyons plus en rien ni en personne. Seule petite récréation, très salutaire en ces journées plombées : s’entasser, telles des sardines, à la rue d’Espagne, pour vendre quelque marchandise ou acheter des objets bon marché. Sans masque évidemment ! Mais le Tunisien n’a pas d’argent pour s’acheter des masques. Le Tunisien est ruiné, et tout l’argent de son pays a été extorqué par des « personnalités » masquées et vaccinées. Elle n’est pas belle la vie ?
Azza Filali