Kais Saïed remet les pendules à l’heure : visite de Mechichi en Libye, mandat d’amener contre Khiari et l’activation de l’article 80
Début de dégel ? Espérons-le ! Reprise de dialogue, nécessaire. Détendu, parlant en arabe dialectal, mais ferme, le président Kais Saïed a créé une mini-surprise en recevant aujourd’hui en audience pour la première fois depuis des mois, le chef du gouvernement, Hichem Mechichi, également en sa qualité de ministre de l'Intérieur par intérim, en présence du ministre de la Défense, Brahim Bartagi. L'occasion lui en était offerte à la faveur de la cérémonie de décoration d'éléments distingués des forces armées et sécuritaires. Les deux ministres concernés y étaient conviés. Pendant plus d’un quart d’heure d’affilée, il a profité de cette audience pour délivrer des messages très clairs. L’unicité de l’Etat, le respect des décisions de justice, la primauté de la loi, le respect de la constitution et l’annonce de grands procès en vue !
A l’origine de cette audience, comme l’a d'emblée expliqué le président Saïed, la visite ce vendredi à Tunis du président du conseil présidentiel libyen, Mohamed El Menfi. Le chef de l'Etat voulait s’enquérir, en prévision de cette visite, de la teneur des entretiens conduits le weekend dernier à Tripoli, par le chef du gouvernement. Au cours de son déplacement dans la capitale libyenne, Hichem Mechichi avait en effet rencontré le président El Menfi, ses deux vice-présidents Moussa El Kouni et Abdallah Ellafi, et le chef du gouvernement, Abdelhamid Dbaibah, accompagné notamment du secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, à la Migration et aux Tunisiens à l’étranger, Mohamed Ali Nafti et de l’ambassadeur de Tunisie à Tripoli, Lassaad Agili.
L’évocation de cette visite était l’occasion pour le président Saïed de rappeler que la conduite de la diplomatie tunisienne relève de ses attributions et que la coordination et la synergie en la matière sont de rigueur. Mais, ce n’était qu’une entrée en matière…
Le chef de l’Etat reviendra longuement sur l’affaire du document fuité, appelant le président de la République à activer l’article 80 de la Constitution et de concentrer entre ses mains tous les pouvoirs. Balayant d’un revers de main ce qu’il considère comme une hérésie, il a souligné que ce document ne vaut que pour son expéditeur et ne saurait nullement impliquer son destinataire d’aucune matière. Plus encore, en constitutionnaliste, dans ce « pays qui compte désormais un million et demi d’experts » ironise-t-il, il demeure attaché au respect plein et entier des dispositions constitutionnelles sans le moindre fondement.
Troisième point significatif abordé par le président Saïed, l’impunité. Il déplore vivement que le mandat d’amener émis contre un député (Rached Khiari, sans le nommer), soit retourné sans exécution que l’immunité parlementaire continue à protéger ceux qui refusent de se présenter devant la justice. Menaçant, il révèlera que nombreux sont ceux qui seront bientôt déférés devant la justice, des dossiers accablants étant prêts à être transmis au parquet.
Pour la première fois, ainsi, Kais Saïed reçoit le chef du gouvernement pour ‘’une séance d’audition’’, commente à chaud l’actualité, opposant un démenti formel à de fausses rumeurs, et révèle l’imminence de grands procès en justice. Sur un ton calme, et en dialectal. La suite ? On la connaît pas.