Deux journalistes marocains remportent Le Prix maghrébin Néjiba Hamrouni de l'année 2021 pour l'éthique journalistique
L’Association Vigilance pour la démocratie et l’État civique annonce aujourd’hui que Soulaimane Raissouni, rédacteur en chef du journal marocain « Akhbar al-Yaoum », et le journaliste d’investigation Omar Radi, actuellement détenus en raison de leurs positions critiques à l’égard des autorités marocaines, ont remporté le Prix Najiba Hamrouni de l’année 2021 pour l’éthique journalistique.
Un jury composé d’universitaires, de défenseurs des droits de l’homme et de journalistes a recommandé que ce prix soit décerné à Raissouni, en grève de la faim depuis le 8 avril dernier et à Radi qui a interrompu sa grève de la faim, à la fin du mois d’Avril en raison de la "dégradation de sa santé". Cette recommandation a été faite dans un esprit de solidarité pour soutenir leur droit à un procès équitable », où ils comparaissent en liberté, «par respect de la présomption d’innocence," et aussi «parce qu’ils font partie d’une élite de journalistes respectueux de la déontologie du journalisme et soucieux de l’intérêt général" au Maroc.
L’Association Vigilance lance un appel - au nom de la fraternité maghrébine - à Slimane Raissouni pour qu’il mette fin à sa grève de la faim, une grève très préjudiciable à sa santé, et parce que les membres de sa famille, et ceux qui sont assoiffés de liberté et de justice et qui aspirent à une presse indépendante et d’un excellent niveau dans les Etats du Maghreb, ont un grand besoin de lui et des journalistes de sa stature.
Elle exige également des autorités marocaines leur libération et exprime sa profonde préoccupation face aux attaques croissantes contre la liberté d’expression et de presse et les châtiments exemplaires à l’encontre des journalistes marocains qui révèlent le déclin des droits de l’homme dans leur pays et ce qui en découle comme la propagation de la corruption, les poursuites policières et judiciaires, les procès inéquitables et les accusations montées de toutes pièces visant à discréditer et réduire au silence de nombreux journalistes, blogueurs et militants et à répandre la peur et l’autocensure dans la société.
Raissouni, détenu depuis le 22 mai 2020, et Radi, arrêté le 29 juillet 2020 n’ont été épargnés ni par la vague de poursuites judiciaires et policières ni par les campagnes de dénigrement et de diffamation que des journaux et des sites d’information aux ordres d’organismes de sécurité ne cessent de diffuser, selon des sources marocaines émanant d’organisations de défense des droits de l’homme. Raissouni, l’auteur des éditoriaux du journal « Akhbar Al Ayoum», qui met en garde contre le danger de la tyrannie politique et de la corruption, a été en effet accusé " d’outrage à la pudeur» d’une personne «en recourant à la violence et à la séquestration».
Radi, qui avait déjà été condamné à quatre mois de prison avec sursis en mars 2020, pour un tweet critiquant un juge, est accusé de "porter atteinte à la sûreté de l’État", d’"espionnage", de "viol" et d’"outrage aux bonnes mœurs." Des sources marocaines et internationales émanant des organisations de défense des droits de l’homme confirment que ces accusations,"sans fondement", ont été montées de toutes pièces pour punir deux journalistes courageux, indépendants et respectueux de l’éthique de leur profession.
Il convient de souligner que Raissouni a été le rédacteur en chef d’Akhbar Al Yaoum, après la condamnation en 2019 par une cour d’appel marocaine de son fondateur et directeur, Taoufik Bouachrine, à 15 ans de prison, à la suite des accusations d'"agression sexuelle et de traite de personnes » portées contre lui." À cet égard, les organisations marocaines et internationales des droits de l’homme ont rapporté que le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire avait confirmé que le procès de Bouachrine ne répondait pas aux « normes internationales du procès équitable" et qu’il avait exigé du gouvernement du Maroc de le libérer immédiatement et de lui accorder une indemnisation.
En 2019, la journaliste Hajar Raissouni, qui faisait partie de l’équipe du même journal, avait été condamnée à un an de prison ferme après avoir été accusé d'"avortement illégal" et de "relations sexuelles hors mariage." Elle a été libérée après une grâce royale, à la suite d’une campagne marocaine et internationale pour sa libération. Après les persécutions subies par les journalistes les plus en vue d’Akhbar al Yaoum et son asphyxie financière par le blocage des ressources publicitaires, ce quotidien, qui est le dernier journal indépendant du Maroc, a été contraint à cesser de paraître au mois d’avril dernier.
Le Prix Najiba Hamrouni pour l’éthique journalistique, créé par l’Association Vigilance en 2017, vise à honorer un journaliste (une journaliste), un blogueur (une blogueuse), ou un média maghrébins, auquel (à laquelle) un jury composé d’une élite de femmes et d’hommes partisans des droits humains (universitaires, avocats, militants des droits de l’homme, journalistes, etc.,) reconnaît le respect de la charte d’honneur du journalisme.
L’Association Vigilance estime que cet hommage, à l’occasion de la commémoration du décès de la journaliste Najiba Hamrouni (29 mai 2016), réputée, au moment où elle dirigeait le Syndicat national des journalistes tunisiens (2011-2014), pour sa défense de l’éthique de la profession journalistique, contribuera à sensibiliser aux avantages de l’adhésion à la Charte d’honneur des journalistes, adoptée en 1984 sous l’égide de l’Association des Journalistes Tunisiens, et aux répercussions positives de cette charte sur le poids de la presse et des journalistes dans les sociétés maghrébines.
Il convient de noter que Le Prix Najiba Hamrouni a été décerné en 2018 à la journaliste marocaine Fatima Al Ifriqui, en 2019 au site d’information algérien Tour sur l’Algérie TSA, et en 2020 au site d’information tunisien Nawat.