OCDE : La reprise sera lente en Tunisie et les réformes structurelles sont la clé de la stabilité macroéconomique
« Après une forte contraction en 2020, le PIB devrait croître à un rythme annuel de 3 à 3¼ pour cent en 2021 et en 2022, estime l’OCDE dans une note de perspectives économiques consacrée à la Tunisie, publiée ce lundi. Alors que l’économie avait enregistré un solide rebond au troisième trimestre 2020, le durcissement des mesures d’endiguement de l’épidémie à la suite d’une augmentation du nombre de cas d’infection a particulièrement affecté les secteurs de services à forte intensité de main-d’œuvre. L’ampleur du chômage pèsera sur les revenus des ménages, freinant la consommation privée. La confiance des investisseurs reste faible en l’absence de progrès importants sur le front des réformes structurelles et des incertitudes entourant le financement du déficit budgétaire, qui atteint un niveau élevé. Le retrait progressif des mesures de freinage de l’épidémie dans les principaux partenaires commerciaux de la Tunisie stimulera les exportations de marchandises, mais la persistance des risques sanitaires continuera à peser sur l’activité touristique et la création d’emplois, jusqu’à ce que les vaccins soient massivement déployés, à la fois en Tunisie et chez ses grands partenaires commerciaux. »
Pour l’OCDE, les mesures de freinage de l’épidémie pèseront sur les secteurs de services et la reprise sera lente en Tunisie. « La lenteur du déploiement de la vaccination et la nécessité en découlant de maintenir les restrictions de déplacement au second semestre de 2021, souligne la note, vont brider l’activité dans les secteurs de services à forte intensité de main-d’œuvre. L’augmentation du nombre de faillites d’entreprises, au fur et à mesure de la suppression des aides, va maintenir le chômage à un niveau élevé, pesant de ce fait sur le revenu des ménages et freinant la consommation privée. »
« L’incertitude qui entoure le climat politique, y lit-on, freine l’investissement privé. Les grandes réformes structurelles devraient toutefois progresser quelque peu du fait du dialogue amorcé récemment avec les partenaires sociaux, tandis que la confiance des investisseurs devrait se redresser graduellement vers la fin de 2021. Une amélioration de la situation sanitaire chez les principaux partenaires commerciaux de la Tunisie soutiendra les exportations de biens et de services au cours du second semestre de 2021. L’emploi et la consommation privée se redresseront lentement avec la levée progressive des restrictions. Compte tenu d’une demande intérieure en demi-teinte et d’un chômage élevé, les tensions inflationnistes resteront contenues, mais devraient s’exacerber en 2022, sous l’effet de la reprise et de la réduction des subventions à la consommation d’énergie. »
« Abstraction faite de la situation sanitaire, indique l’OCDE, la montée des tensions politiques et des troubles sociaux fait planer un risque sérieux sur la reprise. Étant donné les besoins de financement, estimés à quelque 18 % du PIB en 2021, un plan à moyen terme crédible de réduction du déficit budgétaire, ainsi que des progrès dans le domaine des réformes structurelles, ont une importance fondamentale pour éviter toute nouvelle détérioration de la confiance des investisseurs et pour permettre aux bailleurs de fonds multilatéraux d’aider le pays à refinancer une dette publique élevée. Un relèvement des taux d’intérêt plus rapide que prévu dans les pays avancés pourrait déclencher des sorties de capitaux et une forte dépréciation de la monnaie, accentuant le risque d’un défaut de remboursement de la dette souveraine et d’une crise financière. En effet, la dette en devises du secteur public comme du secteur privé est importante, le taux des prêts non performants était déjà élevé avant la pandémie et les effets de rétroaction négative entre le secteur public et les banques sont puissants, une part non négligeable de la dette publique, y compris celle souscrite par les entreprises publiques, étant détenue par les banques tunisiennes. Par ailleurs, des hausses plus marquées des prix des produits de base risqueraient de pousser à la hausse l’inflation, le solde des paiements courants et le déficit des finances publiques, étant donné que la Tunisie est importateur net de pétrole et de produits pétroliers et que les subventions énergétiques demeurent importantes. En revanche, une reprise plus rapide dans les économies européennes aurait pour effet de dynamiser les exportations. »
Comme de nombreuses institutions internationales, l’OCDE souligne que « les réformes structurelles sont la clé de la stabilité macroéconomique.» «Il est crucial, indique la note de perspectives économiques, pour réduire les déséquilibres macroéconomiques et les risques qu’ils entraînent, que le dialogue national soit à la hauteur en matière de réformes structurelles. Toute amélioration de l’efficience de la dépense publique devrait passer par une réforme de l’emploi public et des entreprises publiques, et par un redéploiement des ressources vers les investissements nécessaires dans l’éducation, la santé et les infrastructures. La suppression d’un certain nombre d’exonérations d’impôts, un meilleur respect des obligations fiscales et la mise en place d’une fiscalité sur la propriété immobilière pourraient permettre de lever plus de recettes fiscales, dans des conditions de plus grande équité. Le remplacement progressif de subventions énergétiques, régressives et inefficaces, par un soutien ciblé des revenus en faveur des ménages vulnérables, permettrait d’atténuer l’impact négatif de l’ajustement budgétaire. Enfin, la suppression de certains obstacles administratifs à la création et au développement des entreprises, le renforcement de l’application du droit de la concurrence, la levée de certains obstacles aux échanges et de meilleures infrastructures portuaires dynamiseraient l’investissement et la création d’emplois dans le secteur formel. »