Tunisie: Un néo-colonialisme autre!
Par Abdelkader Maalej - Nul n’ignore que le colonialisme, déguisé en protectorat établi en 1881 en Tunisie, était essentiellement dû à la faillite encourue par le pays suite à la malversation au vol et à la dilapidation des deniers de l’Etat par un groupe de malfrats entourant le Bey de Tunis Sadok bey (1813- 1882) dont surtout Mustapha ben Smaîl (décédé en 1909), Mustapha Khasnadar (1817-1881), Mahmoud ben Ayed (1810-1880 ) et j’en passe.
En venant s’installer en Tunisie qui, selon eux, devait devenir une partie intégrante rattachée pour toujours à leur métropole, les français s’étaient fixé pour objectifs l’appropriation des meilleures terres arables et l’exploitation à leur profit des quelques gisements de phosphate et plus tard de pétrole et de toutes les ressources naturelles disponibles en Tunisie. C’était donc une occupation à but lucratif et économique.
Malheureusement ce schéma de colonialisme est aujourd’hui en train de se reproduire mais d’une façon inversée. Ce ne sont plus les Français qui affluent vers la Tunisie; mais les Tunisiens qui se ruent vers la France. L’exode des cerveaux tunisiens est dû à l’effondrement, on ne sait pour combien de temps encore, de l’économie tunisienne et son incapacité de fournir un emploi décent aux centaines de milliers de jeunes et moins citoyens tunisiens formés à l’université tunisienne à un prix qui a couté au pays les yeux de la tête. Ainsi nos meilleurs cadres en médecine informatique et ingénierie exercent maintenant en France et ailleurs. Les médecins tunisiens sont parmi les meilleurs en France. Il en est de même des informaticiens et des ingénieurs. C’est dire que les Tunisiens contribuent largement au bonheur des français. Ce qui est davantage inquiétant c’est que l’hémorragie se poursuit à un rythme de plus en plus accéléré. Tout dernièrement pas moins de 900 médecins tunisiens ont été admis au concours de recrutement de médecins organisé en France dépassant en nombre tous les candidats venus d’autres pays.
Jadis les Français raflaient toutes les ressources naturelles de la Tunisie; aujourd’hui ils en raflent les ressources humaines davantage plus chères puisque c’est toujours l’homme qui crée la richesse. Bourguiba, le fondateur de l’Etat tunisien n’avait-il pas toujours misé sur ce qu’il appelait la matière grise ?
La Tunisie est-elle actuellement capable de récupérer ses ressources humaines. Pratiquement il serait impossible de le faire à moins que tous les Tunisiens exerçant en France ne décident un jour de regagner massivement leur pays. Mais cette éventualité est impossible à imaginer. Comme le stipule un adage connu ما لا يدرك كله لايترك جله
Alors que faire ? La situation est certes très délicate, mais nous ne devons pas baisser les bras. Une stratégie doit être minutieusement établie. Dans toutes ses négociations économiques et sociales avec la France surtout quand il s’agit de la lutte contre l’émigration clandestine la Tunisie doit au nom de l’égalité et de la justice dont se prévaut l’interlocuteur français user de cette carte maitresse. La Tunisie ne doit pas négocier en position de quémandeur d’aide. Ayant payé les lourds frais de la formation des compétences tunisiennes la Tunisie doit administrer la preuve qu’elle a le droit avant toute autre partie de bénéficier de ses ressources humaines qui lui ont coûté très cher.
Il faut donc que justice doit être faite. Dès lors que les Tunisiens contribuent à faire le bonheur des autres et surtout les Français, ces derniers doivent au moins moralement nous rendre la pareille, en contribuant au développement de la Tunisie qui ne doit pas accepter de jouer le rôle de gendarme chargé de la sécurité d’un pays européen. La chose n’est pas bien sûr aisée mais si les Tunisiens se ressaisissent,ils arriveront tôt ou tard à gagner ne serait ce que partiellement la bataille, puisque c’en est une. Un exemple me vient à l’esprit. En football quand une équipe veut bénéficier des services d’un joueur formé au sein d’une autre équipe elle est tenue de verser à cette dernière le coût de la formation du joueur concerné. A bon entendeur salut.
Abdelkader Maalej