Asma Sehiri Laabidi: Une vision nouvelle pour la mer
Leaders: Vos nouvelles fonctions sont-elles pour vous une haute charge administrative ou une fonction politique?
• Interview : Une vision nouvelle
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• La saison bleue
Dossier établi par Taoufik Habaieb
Photos : Mohamed Hammi
S’il s’agit d’une fonction de politique politicienne, évidemment, c’est non. Elle ne m’aurait pas intéressée du tout. Plutôt, une fonction où la dimension de politiques publiques est importante.
Asma Sehiri Laabidi: De quels moyens disposez-vous?
De très peu. Pour le moment, nous sommes en phase d’incubation, hébergés dans des locaux appartenant à la présidence du gouvernement, au Centre Urbain Nord. Bientôt nous aurons nos propres bureaux.
Les marins savent naviguer avec les moyens du bord, en attendant de recevoir les renforts. Nous sommes en phase de démarrage, avec une petite équipe d’une dizaine de personnes composée notamment de trois officiers de la Marine nationale, un CSP et un autre haut cadre (d’autres de la Garde nationale viendront bientôt nous rejoindre).
De création récente, le SGAM ne dispose pas encore d’un budget approprié. Mais une enveloppe a été dédiée. Les moyens sont très limités face à l’ampleur de la tâche et à sa complexité. Mais je suis persuadée que la coopération internationale y apportera une contribution utile.
Quelles sont les grandes menaces urgentes auxquelles fait face la mer en Tunisie?
La pollution marine, l’érosion et la surpêche viennent en tête. On ne peut pas parler des aspects économiques et sociaux sans résoudre les problèmes écologiques.
La recherche et le sauvetage en mer revêtent, de leur côté, une grande importance. La Tunisie œuvre à mettre son système conforme aux dispositions de l’Organisation maritime internationale.
Il y a aussi, et c’est essentiel, nos priorités en matière d’économie bleue.
En fait, tout doit s’inscrire dans une gouvernance nouvelle au niveau des différents intervenants pour que l’autorité maritime soit exercée pleinement, en la mettant en œuvre et en la rendant opérationnelle.
Et une nouvelle vision?
Absolument ! La pierre angulaire sera la stratégie nationale pour la mer et le littoral portant sur une politique maritime intégrée. C’est pour nous une grande priorité. D’ores et déjà, nous avons entamé les échanges et débats à ce sujet à la faveur d’un premier atelier inclusif, tenu en février dernier. Trois jours durant, nous avons abordé divers aspects et convenu de la démarche à adopter. La phase diagnostic sera cruciale et un comité de pilotage a été mis en place.
La société civile est-elle représentée?
Nécessairement. Sa contribution sera précieuse.
Comment comptez-vous associer les parties prenantes?
D’abord, à travers la commission de coordination de l’action de l’État en mer. Un texte réglementaire vient de l’instaurer en fixant ses attributions, sa composition et ses modalités opérationnelles. Il s’agit des différentes missions assumées en mer, hors celles de la défense nationale, pour les guider et les renforcer.
Toutes les parties prenantes ont déjà été associées à l’élaboration des textes fondateurs. Qu’il s’agisse du décret gouvernemental n° 2019-144 du 18 février 2019 portant création à la fois d’une commission ministérielle et d’un secrétariat général des affaires maritimes, ou encore de la commission de coordination, rien n’a été pris sans une adhésion générale et collective. Le rôle du secrétariat aux Affaires de la mer est alors conçu et perçu comme celui de facilitateur, d’accélérateur et d’appui.
Quelles réponses immédiates aux problématiques de la pêche?
C’est une préoccupation majeure, à travers ses diverses et complexes composantes. Dans son aspect social, la couverture actuelle du régime de pêche de la Cnss est mise en discussion. La pêche traditionnelle reste à promouvoir, celle hauturière est à encourager de manière substantielle. Nous devons créer des instruments d’accompagnement simples, faciles à activer et efficaces. Mais aussi réfléchir à d’autres sources de revenus pour les pêcheurs comme le tourisme de pêche…
Quel sera, d’après vous, l’index de performance du secrétariat général aux Affaires maritimes?
Faire avancer en toute priorité la réglementation et la législation qui s’imposent d’urgence. Mais aussi finaliser la stratégie nationale. Tout le défi sera d’y aller dans la sérénité et le consensus, certes, mais aussi dans une course contre l’instabilité politique, au moins d’ici à 2022. Tout changement risque en effet de nous pénaliser. Mais nous sommes tous déterminés à y aller vite et bien.