La transition écologique et sociale peut et doit nous faire changer de voie: Penser et agir à contre-courant, le commencement de la sagesse
Rien n’est permanent sauf le changement (Héraclite D’Éphèse)
Par Pr Samir Allal - Contrairement à ce que l’on entend souvent, il existe des pistes concrètes pour sortir de la situation calamiteuse en Tunisie et du son système productif actuel. Tirant les leçons des échecs du passé, c’est finalement plus crédible que le statu quo...
Une des postures politiques les plus courantes aujourd’hui est d’affirmer l’absence d’alternative au système économique actuel. Cette absence permettrait de justifier la pusillanimité des partis «modernistes» et «démocratiques», contraints à trouver des accommodements impossibles avec l’islam politique, et le néolibéralisme.
Cet enfermement intellectuel dans le cercle vicieux de l’absence d’alternative, qui implique elle-même l’inutilité de la contestation profonde du système économique, n’est peut-être pas la seule raison de la faiblesse de la gauche démocratique.
Les mécontents et les «perdants» du système actuel, ne pouvant imaginer d’alternatives, s’en remettent soit à la bienveillance des gagnants que leur proposent les néolibéraux, soit à l’offre «identitaire et sécuritaire» que leur propose l’islamo-nationalisme de la droite radicale et conservatrice.
Pourtant, le point de départ de cet enfermement n’a jamais été aussi faux. La crise profonde, sanitaire, sociale, écologique et économique que traverse le capitalisme dans son exigence d’accumulation et de reproduction du capital a permis le développement de propositions envisageant une modification profonde de la logique économique. Les propositions que je soumets à discussion depuis le début de pandémie sur ce site et ailleurs, sont loin d’être de douces utopies.
Elles s’inscrivent dans la réalité concrète, prenant en compte l’évolution de la société tunisienne, les besoins sociaux et environnementaux du pays et l’impératif démocratique. Leur point de départ n’est pas, extérieur à la société, mais provient du sein même de la société tunisienne.
Du «toujours plus» au mieux-être
La crise actuelle sanitaire, politique, économique, sociale et environnementale a été engendrée à mon avis par différentes causes, qui si elles ne sont pas traitées en même temps, vont entraîner de nouveaux épisodes récessifs dans les années à venir.
La source de nos difficultés réside dans nos graves erreurs de politiques économiques et les dysfonctionnements du capitalisme financier. C’est une crise du capitalisme débridé avec sa version néo-libérale qui nous met constamment sous pression compétitive.
Cette crise est un coup de semonce qui nous alerte, d’une part, sur l’impréparation de la société face aux risques sanitaires, et d’autre part, sur la nécessité de ralentir, les manifestations de plus en plus violentes du changement climatique, avec le risque de nous plonger dans des pénuries et des désordres inimaginables.
Pour sortir de cette crise plurielle (économique, sanitaire et écologique), il nous faut changer de voie le plus rapidement possible, notamment en prenant à bras-le corps la question des inégalités économiques, sociales et territoriales, et en investissant massivement dans la transition écologique. Cette autre voie, c’est dès aujourd’hui qu’il nous faut l’emprunter.
Et pour y arriver, il nous faut rompre avec le type de développement que nous avons connu et rompre avec une croissance débridée indifférente aux dégradations de l’environnement.
Notre objectif doit être la mise en place d’une économie soutenable bas carbone, plus résiliente, ce qui nécessite de sortir du libéralisme, et d’adopter une stratégie alliant la lutte contre les changements climatiques et la réduction des inégalités sociales et environnementales. L’impulsion doit être forte. C’est un changement majeur de paradigme.
Dans chaque crise, il y a presque toujours l’idée de changement nécessaire, ce qui lui confère un aspect positif. Je rappelle que l’étymologie grecque du mot « crise » : krisis, renvoyant au moment clé d’une décision, à la nécessité de changer.
Nous devons donc comprendre que cette crise systémique nous invite à changer de paradigme, à faire des choix importants. Nous ne pouvons plus continuer selon la logique et les comportements actuels.
Pr Samir Allal
Université de Versailles/Paris-Saclay