Azza Filali - Tunisie : C’est indigne !
Moi, citoyenne tunisienne trouve que la manière dont mes concitoyens sont traités est indigne et inacceptable.
C’est indigne que la campagne de vaccination soit aussi mal gérée. Ce qui s’est passé au premier jour de l’Aid est inacceptable et insulte la dignité de tous les Tunisiens : des gens qui font la queue devant un centre, sans savoir quand ils vont passer, d’autres qui prennent un ticket et qui au bout d’une longue attente découvrent que le numéro figurant sur leur ticket a déjà bénéficié du vaccin.
C’est indigne que des journées « portes ouvertes » soient organisées avec autant d’improvisation et de laisser-aller. Certes, il paraît qu’elles se sont bien passées dans certains centres, mais les images provenant d’autres centres, images de cohue, de querelles tournant à l’émeute, ces images sont inacceptables.
C’est indigne que les citoyens tunisiens soient aussi mal informés par leurs dirigeants. Nous pensions avoir atteint l’âge adulte, celui où nous sommes informés de ce qui nous arrive autant que les dirigeants qui « nous gouvernent ».
C’est indigne qu’aucun des trois présidents n’organise un point de presse pour préciser la situation sanitaire dans le pays et nous informer des dispositions vaccinales pour les prochains jours. Nous sommes fatigués d’être ballotés par des rumeurs surgies de ça et de là. Réduits à chercher comment va notre pays à travers les post de Facebook.
C’est indigne que nous n’ayons aucune information des activités des trois présidents. Ont-ils oublié qu’ils sont responsables devant un peuple qui les a élus, et qu’à ce titre ils doivent nous rendre des comptes ? De quel droit sommes-nous interdits de circulation alors que le chef du gouvernement passe d’agréables week-ends à Hammamet, sans aucun état d’âme tandis que des Tunisiens cherchent désespérément un lit de réanimation ou des concentrateurs d’oxygène pour leur proche, malade !
C’est indigne que nous soyons obligés de composer avec le mutisme du chef de l’état qui considère que nous ne méritons pas une allocution dans laquelle il préciserait où nous en sommes. Devons-nous nous contenter des phrases fulminantes qu’il profère face à ses visiteurs, phrases qui ressemblent étrangement à ce que les citoyens se disent entre eux ? Où donc est la présidence de la république ? Que devient l’institution présidentielle, désormais curieusement silencieuse et désertée ?
C’est indigne que nous ne soyons pas informés de la santé de nos dirigeants. Le président du parlement est malade, et les rumeurs tricotent, chacune y allant de sa version. Dans les pays qui respectent leurs concitoyens, des bulletins de santé sont diffusés à intervalles réguliers, lesquels bulletins peuvent être rédigés avec la réserve, nécessaire au maintien du secret médical et assurant la discrétion due au patient. Mais ces bulletins de santé doivent nous parvenir. C’est notre droit ! Sommes-nous condamnés à nous abreuver de rumeurs aussi fumeuses que changeantes ? Est-ce vraiment-là ce que nous méritons ?
C’est indigne qu’en temps de crise sanitaire suraiguë, on limoge un ministre de la santé pour le remplacer par un autre qui a déjà un ministère à sa charge et qui semble n’avoir accepté que sous l’insistante « pression » du chef du gouvernement. Faut-il vraiment admettre que tous les moyens sont bons pour régler ses comptes et que la situation sanitaire catastrophique du pays soit non pas une urgence mais un moyen, parmi d’autres, de faire encore et toujours de la politique ? En somme, la politique politicienne l’emporte chez nos dirigeants sur la vie des citoyens et leur état de santé.
C’est indigne que notre pays soit tombé aussi bas ! Indigne que nous soyons en tête de liste des pays Africains en terme de taux de contamination et de décès par le Covid. Inacceptable que la situation sanitaire n’ait pas amené ces messieurs à s’unir, même pour quelques semaines, afin de passer un cap.
C’est indigne que nous soyons traités de la sorte ; que nous soyons infantilisés, ballotés entre une décision et son contraire ! Indigne que les citoyens soient devenus la dernière roue de la charrette pour des politiciens qui ne reculent devant rien pour satisfaire leur soif de pouvoir et de biens…
L’indignation est l’arme du pauvre, celui qui n’a pas d’autre moyen de crier sa colère et sa détresse, en voyant son pays s’effondrer chaque jour un peu plus, devant ses yeux. L’indignation ne sert à rien, même pas à se donner bonne conscience. Mais il est des moments où le silence devient intolérable. Un silence irrespirable, qui nous ôte toute dignité et arrange bien nos chefs, délivrés de toute nécessité de nous rendre des comptes, ce qui leur permet de continuer à improviser notre destin et celui du pays.
Azza Filali