La loi de « relance économique » sera-t-elle non-promulguée? La Banque centrale de Tunisie met en garde contre ses conséquences
Des recours en inconstitutionnalité sont déposés. Faute de non aboutissement, Kais Saïed usera-t-il de ses prérogatives pour ne pas promulguer la loi relative à la relance de l’économie et la régularisation des infractions de change ? Un message très clair lui est adressé à cet effet par la plus grande institution financière et la plus indépendante du pays, la Banque centrale de Tunisie (BCT). Qui en justifie les raisons. Fait inédit dans ses annales, le conseil d’administration de la BCT, réuni ce vendredi matin à titre extraordinaire a décidé de demeurer en session « dans l’attente du sort des procédures constitutionnelles et juridiques en cours concernant ce projet de loi » (n° 104 de 2020) approuvée par l’Assemblée des Représentants du Peuple le 12 juillet 2021. Décryptage immédiat de ces « procédures constitutionnelles et juridiques en cours » : la promulgation ou non par le président de la République. Un recours à peine déguisé lancé par l’Institut d’émission au chef de l’État.
La Banque centrale estime en effet, « Tout en soutenant la nécessité d’adopter une politique de relance de l’économie » que « ce projet impacte directement les principes et les mécanismes d’action de la BCT ainsi que la réalisation des objectifs dont elle est directement responsable, conformément à la législation en vigueur. » Il « comporte, souligne-t-elle, des mesures de nature à entraver la bonne conduite de la politique monétaire et à affecter les engagements internationaux de la Tunisie et sa capacité à continuer de mobiliser les fonds extérieurs nécessaires, outres ce qu’il soulève comme problématiques de mise en application. »
Tout est dit ! Reste un regret : le manque de concertation préalable, déploré sous une forme feutrée mais sans ambiguïté. « Le Conseil appelle à une plus grande coordination entre les différentes parties prenantes en ce qui concerne les mesures économiques et financières, eu égard à la sensibilité actuelle de ce domaine, et ce dans le cadre d’une approche globale adaptée au contexte économique et financier de notre pays. »
Ce que la Banque centrale ne dit pas directement c'est que certaines dispositions du projet de loi feront entrer la Tunisie de nouveau dans la liste au moins grise du GAFI. Mais, aussi que les financements généreux de l’accès à l’habitat ne sont pas disponibles, et que l’octroi à chaque Tunisien la possibilité de détenir un compte en devise est aussi populiste que chimérique…