Mohamed Moncef Barouni: Djerba, Jendouba, Miami, Mascate… Récit de parcours
«Connaissez-vous la composition de la formule 2HB, pionnière et efficace en Afrique?» Calé dans un fauteuil de style, le président ivoirien Houphouët-Boigny recevait ce jour-là en 1984, dans son palais de Yamoussoukro, le vice-président mondial, chargé de l’Afrique, de la Jeune Chambre économique (JCI), le Tunisien Mohamed Moncef Barouni. Surpris par la question à laquelle il ne savait pas répondre, Barouni sera sauvé par le président. «Il y a 2HB en Afrique : Habib Bourguiba et Houphouët-Boigny. Tous deux ont accompli des réalisations majeures, remporté les meilleurs succès et libéré le continent africain de nombreuses maladies ainsi que de la pauvreté et de multiples problèmes».
Mohamed Moncef Barouni, l’enfant de Djerba, né à Jendouba (le 10 mai 1948), dans une famille de commerçants établis à Jendouba, était alors jeune avocat. Engagé au sein de la Jeune Chambre économique, depuis à peine quelques années, en 1977, il occupait déjà le deuxième poste mondial, avant de briguer avec brio la présidence en 1986 et s’installer à Miami, en Floride, aux États-Unis d’Amérique. De retour à Tunis, il créera la Chambre de commerce tuniso-américaine (Taac, 1989), la première du genre, avec Salah Hannachi, Roger Bismuth, Hédé Bouchamaoui et Moncef Mzabi, notamment. Toujours pionnier, Me Barouni constituera la première société d’avocats en Tunisie (Avocats associés) avec Adel Kaaniche, Naim Ben Hariz, Ahmed Ben Mansour et d’autres confrères. Nouveau départ dans sa vie, il acceptera l’invitation du ministre omanais des Wakfs pour s’installer à Mascate en qualité de conseiller juridique. Récemment de retour à Tunis, il garde des liens amicaux et professionnels au Sultanat d’Oman.
Sacrée saga. Mohamed Moncef Barouni y revient avec beaucoup de modestie dans un récit autobiographique intitulé ‘’Min Fikh Edhat’’, paru chez Cérès Éditions. Humble, discret, modéré, il ne dit pas tout, mais révèle des traits marquants de son parcours.
Le moule familial sera déterminant. Son père Hmida était patriote dans l’âme. Moncéfiste, il donnera à son fils le prénom du Bey aimé Mohamed Moncef Bey qui sera détrôné et mourra en exil à Pau. Youssefiste, il optera pour Salah Ben Youssef, contre Bourguiba, ce qui lui vaudra la prison dès 1956. La famille sera alors contrainte de se replier sur Djerba. La leçon est apprise : rester patriote et s’éloigner de la politique.
De l’autre côté du prétoire
Bac en poche, en 1966, Mohamed Moncef Barouni était choisi pour suivre une formation militaire à Saint-Cyr. Il préfèrera faire droit et l’ENA. Quatre années plus tard, il raflera en juin 1970 le prix présidentiel en droit et réussira le diplôme du cycle moyen de l’ENA, lui ouvrant droit au cycle supérieur. Son stage d’avocat, il l’effectuera au cabinet de son professeur, Me Abderrahmane Abdennebi, tout en poursuivant le cycle supérieur de l’ENA. Un changement majeur de sa carrière ne tardera pas à intervenir. Un grand avocat du barreau, Me Salah Rahal, alignant près de 50 ans d’exercice à Béja, lui proposera de rejoindre son cabinet. Cela voulait dire interrompre les études à l’ENA, renoncer à une bourse alors bien alléchante de 90 d par mois, rembourser bourses et frais de stages, et abandonner toute perspective dans la haute administration publique. Moncef Barouni sautera le pas.
Chaperonné par Me Rahal et adoubé par les magistrats de Béja et ses confrères, il apprendra les ficelles du métier et surtout l’éthique de la profession. Deux ans après, Mohamed Moncef Barouni décidera de voler de ses propres ailes, en s’installant en 1974 dans sa ville natale de Jendouba qui ne comptait à l’époque que deux avocats installés en cabinet. Ce fut une grande réussite professionnelle et du pur bonheur familial.
De Jendouba, la route du destin le conduira à Miami pour diriger la Jeune Chambre internationale, en tant que premier président issu du monde arabe. Son chemin traversera les continents, le mènera à travers près d’une centaine de pays, lui fera nouer de solides amitiés à travers le monde. Les valeurs fondatrices de l’enfant de Hachane, ce village ancré au cœur de l’île de Djerba, seront alors encore plus nourries par son expérience internationale, sa connaissance d’ethnies, de cultures, de religions et de traditions différentes.
Min Fikh Edhat
de Mohamed Moncef Barouni
Cérès Edition, 2021, 132 pages, 18 DT
www.ceresbookshop.com