Abdelaziz Bouteflika: Proximités tunisiennes
Quelle image garder le plus de l’ancien président algérien Abdelaziz Bouteflika, décédé le 17 septembre dernier à l’âge de 84 ans ? Celle du jeune ministre à 26 ans, en 1962, de l’Algérie indépendante, puis son flamboyant chef de la diplomatie pendant plus de 16 ans (1963-1979), et habile président du Groupe des 77 (1973) et de l’Assemblée générale de l’ONU (1974-1975)? Ou celle du président de la République rappelé en recours en 1999 ? Ou surtout du président réduit par un accident vasculaire cérébral, à partir de 2013, à un règne délégué aux siens, jusqu’à se retrouver poussé par un Hirak volcanique à remettre sa démission en 2019 ? Autant d’images qui se télescopent, pour se terminer sur un clap de fin affligeant.
En rempilant pour sa propre succession d’abord en 2009, Bouteflika était-il déjà dans le mandat de trop? Que dire alors de sa candidature en 2014 et de son intention, sous la pression des siens, en 2019? L’issue en sera tragique.
Un symbole des relations très particulières entre la Tunisie et l’Algérie
• Né le 2 mars 1937 à Oujda, Maroc
• Décédé le 17 septembre 2021 à Zéralda, Alger
• Président de la République algérienne démocratique et populaire 27 avril 1999-2 avril 2019
• Ministre d’État, conseiller auprès du président de la République 8 mars 1979-15 juillet 1980• Ministre des Affaires étrangères 4 septembre 1963-8 mars 1979
• Président de l’Assemblée générale des Nations unies 17 septembre 1974-15 septembre 1975
• Ministre de la Jeunesse et des Sports 27 septembre 1962-4 septembre 1963.
Abdelaziz Bouteflika, de par son rôle auprès de Ben Bella, puis de Boumediene, et de ses hautes charges à la tête de l’État algérien ne pouvait être sans liens particuliers avec la Tunisie. Dès les négociations pour l’indépendance de la Tunisie, Bourguiba, alerté par le chargé d’affaires de Tunisie à Paris, Taher Belkhodja, l’avait repéré, suivant de près ses tractations avec différents chefs du FLN mis en résidence surveillée au château de la Ferté, dans la région parisienne.
Longtemps ambassadeur à Paris, puis ministre des Affaires étrangères, Mohamed Masmoudi se liera d’amitié avec lui. Des années plus tard, tous deux partis en traversée du désert à l’étranger, à Paris, puis dans les pays du Golfe, se retrouveront en compagnons d’exil, bénéficiant de l’hospitalité du président de l’État des Émirats arabes unis, Cheikh Zayed Ben Sultan Al Nahyane, à Abu Dhabi.
L’épouse de Bourguiba, Wassila Ben Ammar, avait une grande affection pour le jeune ministre algérien des Affaires étrangères, Abdelaziz Bouteflika, qui aimait lui rendre visite au palais de Carthage et chez elle à La Marsa. Chaque fois qu’il était à Tunis, en visite officielle ou à titre privé, il s’arrangeait en effet pour retrouver ses nombreux amis tunisiens et partager avec eux d’agréables moments.
Cette proximité personnelle avec la Tunisie et des Tunisiens n’était pas cependant à confondre avec les positions officielles de l’Algérie à l’égard du pays voisin. Il faut dire que les relations bilatérales ont dû passer par monts et vallées, mais avec son regard charmeur et son verbe séduisant, Bouteflika savait trouver les mots qui apaisent et désamorcent les tensions. Fidèle en amitié, il cultivera des liens solides avec de nombreuses personnalités tunisiennes et d’humbles amis, même durant ses longues années d’exil, puis durant son mandat de président de la République.
Un grand respect
Tout au long de ses années au palais d’Elmouradia, siège de la présidence de la République, le président Bouteflika tenait à recevoir avec beaucoup d’honneur les chefs d’État et de gouvernement tunisiens en visite en Algérie. Il avait continué à le faire, jusqu’à ses dernières années, alors qu’il était reclu dans sa résidence médicalisée à Zéralda, dans un geste réservé à quelques rares illustres visiteurs étrangers. C’était pour lui une marque d’estime et un signe de grand respect. Avec Béji Caïd Essebsi, la relation était très cordiale et l’entente parfaite, pendant des décennies, encore plus lorsque tous deux étaient présidents.
Lors des obsèques de Bourguiba en l’an 2000, le président Bouteflika s’empressera de se rendre à Monastir, l’accompagner au premier rang des chefs d’État et de gouvernement étrangers, jusqu’à sa dernière demeure. Empêché par la maladie de rendre un dernier hommage à son ami de longue date Béji Caïd Essebsi, à l’occasion de son décès le 25 juillet 2019, il dépêchera à Carthage le président de l’Assemblée nationale, Abdelkader Ben Salah, présenter en son nom et au nom de l’Algérie leurs condoléances.
A son tour, la Tunisie ne manquera pas de témoigner à l’Algérie sa compassion suite au décès de l’ancien président Abdelaziz Bouteflika. Le président Kaïs Saïed s’en est chargé en appelant son homologue algérien, le président Abdelmajid Tebboun.
Avec sa disparition, toute une page se tourne. Paix à son âme.