Mokhtar el khlifi : Des tunisiens inventent la roue ?
Nous avons appris que Monsieur Kais Saïed a donné ses instructions au Ministre des communications pour mettre en place les plateformes électroniques, dans toutes les régions du pays.
Il semble que ce soit-là sa conception du Dialogue national qui devrait normalement se faire directement avec toutes les forces vives du pays y compris sa jeunesse.
Il est attendu que le citoyen serait appelé à exprimer son point de vue notamment sur le projet de «représentation basique» devant se substituer à la «représentation parlementaire» actuelle basée sur les partis politiques et les élections.
Il semble donc que M. le Président ait adopté les propositions de certains de son entourage qui nous ont donné, dans les médias, une idée de cette nouvelle procédure qui écarte en fait toutes les forces vives du pays, partis, organisations nationales et société civile.
Est-ce normal ? Sont-elles toutes corrompues ?
Les partis politiques sont les plus intéressés de plus prés puisqu’on leur reproche d’avoir été à l’origine des dérapages de divers ordres qui ont été à l’origine du blocage de l’activité parlementaire. Leur existence semble être en jeu rien qu’à voir ce qu’endure le PDL et sa Présidente.
Cette démarche me semble contestable à plus d’un titre.
Les plateformes électroniques, si sophistiquées soient-elles, ne peuvent se substituer au dialogue direct.
Le passage en force de la « représentation parlementaire » à la « représentation basique » est un changement radical dans le processus démocratique qui va réduire les partis à leurs adhérents et qui pourraient en définitive les pousser à fermer boutique.
Je ne pense pas que les partis politiques ne soient plus indispensables à la vie démocratique d’autant plus que la nouvelle procédure n’a rien de démocratique puisque l’électeur primaire ne se retrouve plus en fait en haut de la pyramide qui elle-même a perdu de sa légitimité et donc de son pouvoir face à un exécutif qui sort renforcer dans ce nouveau système. Ajoutez à cela une option pour un Régime Présidentiel.
L’actuel Président donne l’impression qu’il est un Monsieur «propre» et qu’il aime la fraction défavorisée de ce peuple. Mais pensons à l’avenir.
C’est là un système nouveau dans le monde sorti fraichement de la réflexion d’un groupe restreint de personnes.
On est en droit de se poser la question de savoir, si dans les conditions actuelles où notre pays traverse une très grave crise financière et économique aux conséquences sociales incommensurables, il est opportun de s’engager dans cette longue voie discutable et dont la réussite n’est pas garantie.
Ceux qui disent que les démocraties occidentales sont malades et qu’elles se doivent de changer de mode de gouvernance, je ne pense pas que ce soit à nous de trouver le remède à leur place alors qu’elles ont les moyens intellectuels et matériels de s’en charger bien avant nous. Pourquoi devrions-nous faire ce travail avant eux nous qui ne cessons de suivre leurs exemples?
Soyons modestes. Ce n’est pas à nous d’inventer la roue.
Je persiste à écrire que nous ne sommes pas satisfaits, à juste titre, du rendement de notre parlement et de nos partis politiques qui commencent, d’ailleurs, à le reconnaitre publiquement et à se remettre en cause, mais qu’il y a d’autres voies pour y remédier.
Aidons d’abord les partis, à identifier toutes les failles qui ont conduit à ces dérapages puis trouvons avec eux les solutions.
Les aménagements à apporter pourraient résulter du travail d’une commission groupant les partis, les représentants de l’administration et des experts. Les aménagements retenus pourraient faire l’objet d’un texte de loi auquel tous les partis devraient s’y conformer et s’y soumettre sous peine d’être interdits de se faire représenter au parlement et de participer aux élections de 2024.
C’est ma foi, la voie la plus sûre, la moins périlleuse et la plus rapide pour résoudre le problème du retour à un nouveau Parlement expurgé de certains de ses composants.
Le plus urgent n’est-il pas de nous consacrer aux épineux problèmes financiers et économiques avant que nos créanciers nous imposent leurs solutions et affectent notre souveraineté ?
A mon humble avis, les problèmes de nos partis sont connus.
• Un cadre juridique inapproprié à actualiser d’urgence.
• Une absence de suivi des activités des partis et des associations par les services concernés.
• Leurs statuts ne comportent pas de programmes politiques et économiques précis permettant de les distinguer des uns des autres ce qui peut rendre la migration d’un parti à l’autre plus difficile.
• Une absence de démocratie au sein de leurs structures. Ce sont les mêmes têtes que le,particulièrement jeune, voit, alors qu’il peut y avoir d’autres personnalités qui pourraient émerger. Chacun s’accroche à son poste en vue d’accéder un jour au Pouvoir. Ce n’est pas l’intérêt national qui le préoccupe en premier lieu du moins pour certains.
• Pas de références au respect de la Constitution, aux règles de la République, à la loi et à la laïcité de l’Etat bien qu’inscrite dans la constitution.
• Les partis qui tiennent à faire référence dans leurs statuts à la religion, qui ont des dossiers en cours devant la justice ou qui sont poursuivis pour non observation de la loi électorale ne doivent pas faire partie du Parlement ni participer aux élections de 2024 tant qu’ils n’auraient pas été blanchis par la justice.
• Pas de condamnation de toute forme de violence verbale ou matérielle.
• Les partis n’exigent pas de leurs dirigeants un bulletin No 3 ni une déclaration des biens.
• Pas d’interdiction expresse de la corruption.
• Pas d’interdiction des financements extérieurs directs ou indirects et des financements en provenance des groupes de pression. A ce niveau, l’Etat se doit d’accorder une subvention aux partis au prorata du nombre effectif des adhérents à partir d’un seuil.
Les aménagements à apporter, le plus vite possible, au cadre juridique des partis politiques restent insuffisants s’ils ne sont pas complétés par un aménagement de la loi électorale et de l’environnement juridique des élections (Isie, Instituts de sondages, mode de scrutin etc.)
Dans cette lourde mission le Président gagnerait à instaurer le dialogue avec tout le monde car il est le Président de tous les tunisiens et se doit, à ce titre, de jouer plutôt le rôle d’un arbitre et de ne pas donner l’impression qu’il fait partie de la course au Pouvoir.
Pour nos problèmes financiers et économiques, la raison et la bonne gouvernance commandent à notre Président et à son Gouvernement de s’entourer d’une équipe composée des nombreuses compétences qui ont servi cet Etat vu leurs expériences ainsi que de nos experts en matière comptables, fiscales et monétaires pour lui donner leur avis ou lui proposer des mesures. Il est inutile de lister des noms car ils sont connus et respectés de tous et sur eux ne pèse aucun soupçon de corruption.
Pourquoi se priver de l’avis de ces compétences sans doute prêtes à servir le pays, bénévolement, je pense?
Il est à souligner que cela ne diminue en rien la valeur du Gouvernement mais permet plutôt de gagner un temps précieux car nous devons accorder de l’importance au temps.
A bon entendeur salut.
Mokhtar el khlifi