L’édito de Taoufik Habaieb: Rêver... du possible
Un peuple sans rêve est en proie aux cauchemars. Si l’imagination n’accompagne pas l’âme dans un voyage heureux, c’est l’angoisse qui l’emporte, l’anxiété qui s’installe.
Le moral des Tunisiens est en berne. Réussir à boucler les fins de mois, nourrir sa famille et payer son loyer, ses crédits et ses soins relèvent du quasi-miracle. Ceux qui ont déjà un emploi et un revenu font partie des plus chanceux. Les chômeurs et les démunis sont livrés à leur sort. Alors que la précarité s’aggrave et les inégalités sociales s’approfondissent.
L’ambiance générale est délétère. Insécurité, violence et incertitudes ajoutent à la morosité un sentiment profond d’inquiétude et d’exaspération.
Le discours officiel est dur, tant la révélation de l’ampleur de la malversation est ahurissante. Avec une détermination sans cesse réaffirmée, le président Saïed engage la traque. Un long combat compliqué et exténuant qui s’étalera sur des années pour aboutir.
Les racines du mal sont profondes et étendues. Le démantèlement du système mafieux, s’il désarçonne les malfrats, ne suffit pas à lui seul pour faire rêver les Tunisiens, avides de dividendes immédiats, d’assurance sur le quotidien et de confiance dans l’avenir.
Apaiser, rassembler, mobiliser et redéployer s’imposent. Il appartient au président Saïed d’éclairer les horizons, de fixer le cap et de préciser l’agenda. Bouclage du budget de l’Etat pour l’année 2022, finalisation du plan de réformes et son endossement par les partenaires sociaux en vue de le soumettre aux bailleurs de fonds, le FMI en premier : de hautes priorités en ce mois de décembre.
Pourvoir aux nombreux postes vacants ne saurait attendre davantage. Gouvernorats, ambassades, entreprises publiques et autres fonctions dans la haute administration attendent depuis des mois leurs nouveaux titulaires. Cette redynamisation est également indispensable en faveur de la diplomatie tunisienne...
A la forte charge anxieuse ambiante, répondre par des actions qui rassurent. Le retour de l’Etat est attendu non seulement en faisant preuve de fermeté, mais aussi en jouant son rôle de protecteur. Un Etat fort instaure l’ordre et la sécurité et conduit à la fois vers le bien-être individuel et collectif.
Aux gestes concrets, joindre la parole sincère. C’est la seule démarche rassurante, mobilisatrice. Les Tunisiens cherchent à savoir comment leurs dirigeants vont sortir le pays de sa crise, contenir la flambée des prix, créer des emplois et accélérer la relance.
Des sacrifices seront nécessaires. Il ne faudrait pas les cacher. Les dire en toute franchise, en expliquant les résultats escomptés et à quelles échéances, est essentiel. La vérité aura au moins le mérite d’éclairer la voie. C’est ce qui redonnera confiance et suscitera espoir. Le pays en a grandement besoin.
Sans prétendre à l’éden, les Tunisiens ont le droit de retrouver un minimum de quiétude. Mieux : de rêver... du possible. En espérant d’ores et déjà, une bonne et heureuse année 2022.
Taoufik Habaieb