Tunisie : Un Etat en proie à la panique
Par Monji Ben Raies - La Tunisie est au bord de la panique. Il n’y a plus que les riches qui peuvent encore s’acheter du pain.
La spéculation, entre tradition et dérégulation
La spéculation est à son sommet ; énergie, métaux, agriculture, les matières premières sont de plus en plus visées par les spéculateurs, au point que le volume des produits financiers dérivés de ces secteurs est 20 à 30 fois supérieurs à la production physique. Traditionnellement, les spéculateurs sur les matières premières étaient des intermédiaires entre les fermiers et leurs partenaires commerciaux, négociants en grains et entreprises agro-alimentaires, qui fournissaient un appui financier et organisaient le marché. Le prix était fonction de la valeur anticipée des récoltes. Le rôle des spéculateurs était alors de servir de relais entre les acheteurs et les vendeurs et de fournir des liquidités au marché. Longtemps, les marchés dérivés des matières premières pouvaient être considérés comme une partie utile au système alimentaire global. Dans le cadre de la dérégulation qui s'est produite au cours des dix dernières années sur les marchés financiers et agricoles, les marchés de produits dérivés sont montés en puissance et ont contribué à une volatilité accrue des prix des matières premières, interconnectant et entremêlant les marchés domestiques de produits alimentaires avec les prix du marché mondial des matières premières et exposant les fermiers aux aléas des marchés globaux.
Ces spéculateurs, ne voient dans les matières premières, notamment agricoles (blé, sucre, maïs, soja, …), que des valeurs refuges et un gage de rendements financiers et n'ont aucun intérêt dans le marché physique, auquel ils sont indifférents. Ils ne sont d’ailleurs pas des intervenants dans le secteur agro-alimentaire et ils connaissent même très peu les marchés agricoles ; mais il n’en demeure pas moins que, pour mener à bien leur stratégie, ils créent une pénurie en stockant et retenant un produit en quantité telle qu’il disparait du circuit général de distribution, afin de forcer la demande et d’influencer l'évolution du prix de ces produits agricoles et agroalimentaires, à la hausse en les vendant au moment le plus opportun. La Tunisie est confrontée à des pénuries alimentaires et à des hausses de prix qui touchent certaines denrées de première nécessité. Les prix de la plupart des produits subventionnés, comme l’huile végétale, le sucre, ne cessent d'augmenter et/ou de disparaitre des étals pour se vendre sous le manteau, à la tête du client. Ces dernières années, les prix n'ont cessé d'augmenter en Tunisie du fait de grands distributeurs qui stockeraient des marchandises de première nécessité pour faire monter les prix. Mais, au-delà de la manipulation des marchés, les monopoles créent des goulets d’étranglement dans chaque secteur clé du marché et incitent au développement et au florissement de l’économie parallèle et tout autant spéculative.
Nécessité d’une restructuration en profondeur du système agricole et des circuits de distribution
Le pouvoir d’achat des ménages tunisiens s’érode chaque jour davantage sous le coup d’une inflation galopante, dont le taux avoisine les 6%. Réduire l’inflation, nécessiterait notamment une restructuration en profondeur du système agricole et des circuits de distribution et une réduction de la marge des intermédiaires et de leur nombre. Toute la chaîne de fixation des prix pose problème, en Tunisie, et non pas seulement la volonté du revendeur. Il faut par conséquent prendre des mesures maintenant, sinon le chaos risque de se répandre dans tout le pays et l’engloutir. Il faut certes pour ce faire, un Etat fort capable de s’occuper des égoïstes, des opportunistes, des charlatans et des corrompus, les pirates de ce temps. La question n’est alors pas de savoir si nous devons combattre ces pirates, mais de quelle façon ? Il faut donc voir les choses telles qu’elles sont et non pas telles que l’on voudrait qu’elles soient. Cette menace est à prendre au sérieux. Les pirates qui écument l’Etat sont des centaines et à tous les échelons du système. Ils sont organisés et ils ont des chefs et des hommes de main. Ce sont des mafias qui minent les secteurs clés de l’Etat les plus lucratifs en matière d’argent, de profit et de pouvoir. Ils sont bien plus expérimentés en économie et en politique que tous nos gouvernants, y compris notre icone de la féminité qui a été érigée en cheffe du gouvernement.
A la recherche de l’Homme providentiel
Il est temps d’apporter une touche de réalité dans ce théâtre qu’est la gouvernance de l’Etat. Le sommet de l’Etat est bouffi par trop d’incompétence et trop d’inactivité et de vains bavardages. Les ministres se confondent avec les murs de leur ministère, attendant leur sortie, après avoir fait leur temps. Pourtant est-il si difficile de trouver une personne adéquate, ayant fait siennes les valeurs de la démocratie et de la République, qui pourrait résoudre le dur conflit qui oppose l’Etat à ces pirates et exprimer une véritable volonté politique, sans démagogie, populisme ni complaisance. Mais faudrait-il le vénérer ou le craindre pour autant ? Non, certes pas ! La Tunisie doit-elle accepter de s’agenouiller devant des hors la loi ? Il y a des hommes qui refusent de devenir des tyrans et de faire des passe-droits l’ordinaire quotidien. Certains se laissent porter par les circonstances, mais les hommes de valeur, eux, plient les circonstances à leur gré. Ils posent leur empreinte sur la nature et le temps, et la nature et le temps se chargent de réaliser leurs vœux. Ils défient les éléments et savent aussi s’interroger et remettre en cause leur propre nature. Leur idéal est la raison et le bien-être du peuple, qui passe avant leur dessein et leur gloire. Ceux qui ont un peu vécu, savent qu’une seule et unique plaie peut empêcher une Nation de grandir, la guerre civile. Des tribus et des clans d’un même espace, qui s’affrontent plutôt que d’unir leurs forces. Voilà le mal qui ronge la Tunisie et le cœur même du pouvoir. Tant qu’au sein de l’Etat il n’y aura qu’intrigues, quêtes de victoires personnelles ou pitoyables vengeances, la Tunisie ne pourra atteindre le sommet. Il faut que nos gouvernants mettent leurs opinions de côté et que pour une fois, ils se laissent guider par l’amour de la Tunisie, afin de rallier le peuple à une cause commune. Nous devons unir nos forces pour que la Tunisie puisse devenir une puissance qui illuminera toutes les contrées, à commencer par l’Afrique. Il peut n’y avoir qu’un seul homme en charge du destin de la Tunisie, un autocrate élu, éclairé imbu du respect des droits et du droit, épris de vertu et honnête, comme il peut y avoir pour l’assister une assemblée d’hommes et de femmes intègres ayant pour raison l’idéal défini, le bien commun.
L’économie tunisienne est phagocytée par des circuits parallèles dévastateurs et gangrénée par la corruption. L’administration fonctionne en fonction des directives des lobbies et non conformément aux lois de l’Etat. La crise profonde qui dure a fait perdre à l’Etat son autorité, à l’économie son immunité et au peuple sa dignité. L’économie n’assure plus le minimum vital aux pauvres, ni une vie digne à ce qui reste de la classe moyenne paupérisée. Faute d’homme providentiel, elle n’a pu résister aux assauts des pilleurs de biens publics, des corrompus, des opportunistes et des contrebandiers qui se sont infiltrés dans tous les recoins de l’Etat. L’emploi, la liberté et la dignité réclamés sont devenus le chômage, l’anarchie et la condescendance pour ne pas dire le mépris international. Comment ne pas mépriser un peuple qui a laissé disparaitre, en dix ans d’anarchie, de négligence et d’oisiveté, ce qui fut acquis en plus de cinquante ans. Il faut croire que le degré de maturité du peuple tunisien est loin d’être à la hauteur des exigences de la véritable démocratie. Compte tenu de ce très modeste degré de maturité politique, les intérêts de la Tunisie et de son peuple seraient mieux servis par une dictature éclairée que par une démocratie gangrénée.
Une centrale syndicale vorace de pouvoir
Un Etat fort n’est pas un Etat soumis aux quatre volontés d’une centrale syndicale vorace de pouvoir, qui croit pouvoir faire la pluie et le beau temps en Tunisie. Son secrétaire général n’est pas le César tunisien qui décide de la ‘’restructurabilité’’ de telle ou telle entreprise publique ou de sa cession au secteur privé, tout comme la Tunisie n’a pas à obéir à des diktats, d’autant s’ils proviennent d’instances financières dont la seule raison d’être est de prêter de l’argent à des Etats comme la Tunisie, qui en a besoin. Pour qui se prend cette centrale pour organiser une série de rencontres avec différents ministères pour garantir la réussite de ce projet de restructuration de la Pharmacie centrale et sept autres entreprises. Cette organisation nationale semble prendre l’Etat à la gorge et lui dicter ses conditions pour le laisser vivre, tout en souhaitant maintenir une menace pour tout le système économique et financier tunisien. Est-ce tolérable pour un Etat fort ?
Les mouvements sociaux de protestation se multiplient, qui risquent de menacer la stabilité de l’Etat déjà au bord du gouffre. L’Etat est exsangue de ses compétences et de sa population active. La cadence des mouvements de contestation a augmenté et ils prennent d’autres formes, spécifiques, originales et nocives. Ainsi, quinze mille immigrants clandestins, ont débarqué sur les côtes italiennes, dont 9500 y sont arrivés après le 25 juillet 2021 pour y être expulsés et refoulés vers la Tunisie. Le solde du compte courant du Trésor est devenu instable et non plus simplement sensible aux variations des flux financiers liés notamment aux recettes de l’Etat, fiscales et autres comme ont pu l’affirmer de façon récurrente certaines autorités monétaires incompétentes et fallacieuses, à ce niveau, pour préserver leurs profits et leurs avantages matériels et faisant fi de l’Etat. Les indicateurs révèlent aussi que le service de la dette extérieure cumulée s’est élevé à 45,5% des réserves en devises, dénotant l’extrême insoutenabilité de la dette extérieure tunisienne. Les réserves en devises, en baisse constante, sont évaluées à seulement 120 jours d’importations. Bien qu’ayant connu une inflation remarquable, les billets et monnaies en circulation, associés au volume des liquidités injectées par la BCT dans le système bancaire et financier, ne permettrait de couvrir que le paiement de 3 mois de salaires des fonctionnaires. Les transferts de la diaspora représentent toujours la première source stable de devises de la Tunisie avant les exportations agricoles, les investissements directs étrangers et le tourisme en dépit de la hausse des recettes en provenant pour cette année. Il est d’ailleurs à souligner que les autorités tunisiennes n’ont pu élaborer à ce jour de document relatif au budget de l’année 2022, ni effectué de présentation des orientations du plan économique, social et financier, malgré la nomination d’un ministre chargé de cette fonction. A croire que le gouvernement, dans le brouillard, navigue à vue, au jour le jour, sans réelle visibilité sur ce que sera demain.
L’insurrection du Jasmin s’est fanée
L’insurrection du Jasmin s’est fanée, elle qui devait aller beaucoup plus loin que la simple destitution d’un ‘’despote’’ ou le changement de régime politique. L’horizon des évènements de ce changement devait être une libération de la société, avec des effets économiques possibles, sans commune mesure avec le passé. Cette transition qui devait être relativement courte (2-4 ans), aurait dû déboucher sur une progression moyenne de l'économie sur une période de 10 ans, avec le bénéfice de l’intégration au marché mondial, l’essentiel concernant le renforcement de l’économie de marché et de la concurrence. Ce changement accéléré aurait pu valoir pour notre pays, auparavant englués dans la rigidité, le dirigisme ou la faiblesse d’intégration de son économie planifiée, de rejoindre officiellement le camp des pays développés en une génération au plus et de rattraper en une seule génération une grande part du retard qui nous sépare du G7. Forte de cette ambition, la Tunisie aurait pu au moins aspirer à ce chemin, et, de manière tout à fait réaliste, devenir une devancière économique, un pays de savoir, une économie intégrée et prospère. Cela nécessitait autre chose que les excès et la paranoïa du monde politique dont les victimes sont le peuple, son avenir et sa qualité de vie. Comparativement à la prospérité dont tout Tunisien aurait pu ou dû rêver, l’économie a fait moins bien qu’avant 2011 et leste chaque tunisien et les générations futures d’une dette de près de 22 Mds de dinars supplémentaire. La Tunisie triplement millénaire a résisté vaillamment aux invasions, mais aujourd’hui se relève mal de l’inculture économique qui touche toutes les strates de décision jusqu’aux plus hauts sommets de l’Etat. L'Etat pouvait et n’a pas fait. L’Etat peut encore mais ne fait pas. L’effondrement économique de la Tunisie s’accompagne d’occasions manquées de réformer et de rebâtir et les chiffres nous démontrent tout le manque à gagner qu’un peu de bon sens aurait pu réaliser en Tunisie. Demain sera déjà un autre jour avec ses nouveaux combats, plus cruels, comme celui de ne pas être en mesure de sauver l’économie en faillite sans d’immenses dégâts sociaux, de suivre un cycle très long qui se mesure en décennies entre l’austérité et l’étouffement, quand le défi sanitaire et du changement climatique diminueront considérablement le potentiel tunisien.
Revoir tout l’écosystème économique et social du pays
Pour une relance socio-économique vraiment efficace, certains verrous doivent être levés. Il faudrait en effet, revoir tout l’écosystème économique et social du pays. Encore de nouveaux textes juridiques, après tant d’autres qui n’ont eu aucun impact sur la production et exportation, ayant peu attiré les investisseurs étrangers, excepté dans le segment des hydrocarbures, mais avec une chute du secteur depuis 2011. Car l’attrait de l’investissement à forte valeur ajoutée ne saurait résulter de lois mais d’une réelle volonté politique allant vers de profondes réformes, une stabilité du cadre juridique et monétaire permettant la visibilité du pays. Le temps est révolu, des relations personnalisées entre chefs d’États ou de ministres à ministres dans les relations internationales, où prédominent désormais les réseaux décentralisés ; il faut préciser que dans la pratique des affaires politiques et économiques, il n’existe pas de sentiments mais uniquement des intérêts souvent contradictoires, et que tout investisseur est attiré d’abord par la maximisation de son profit, qu’il soit Américain, Chinois, Japonais, Russe, Turc ou Européen. Il appartient ainsi à un État régulateur du marché, dont la stratégie s’apparente à celui d’un chef d’orchestre, de concilier les coûts privés et les coûts sociaux. C’est par la méconnaissance des nouvelles règles qui régissent le commerce international que s’expliquent les nombreux litiges internationaux, avec des pertes se chiffrant en dizaines de millions de dollars.
La question des entreprises publiques, entre démarche administrative et bureaucratie
L’économie tunisienne a connu différentes formes d’organisation des entreprises publiques. Auparavant, la forme d’autogestion était privilégiée avec de grandes sociétés nationales. Lors de leur restructuration, comme conséquence de la crise de 1986 qui vit le cours du pétrole s’effondrer, des réformes timides ont été entamées mais qui sont restées inachevées. En affichant clairement la dominance de la démarche administrative et bureaucratique au détriment de la démarche opérationnelle économique, ces changements périodiques d’organisation provoquaient la démobilisation des cadres du secteur économique public, et même des investisseurs locaux et étrangers. On assistait à un gaspillage des ressources financières ainsi qu’à un renforcement de la dynamique rentière, qui bloquaient le transfert technologique et les techniques managériales, sachant que la croissance de par le monde repose sur des entreprises initiées aux nouvelles technologies, se fondant sur l’économie de la connaissance, à travers des réseaux décentralisés. L’évolution des relations économiques internationales montre que ce qui était stratégique hier, peut ne pas l’être aujourd’hui, ni demain. Ainsi la Tunisie a-t-elle les meilleures lois du monde, mais elles sont rarement appliquées, l’Etat ne maîtrisant pas les circuits de commercialisation mondiaux. Seules quelques grandes firmes contrôlent les circuits du commerce mondial, et il est presque impossible aux opérateurs tunisiens de pénétrer le marché sans un partenariat gagnant/gagnant. L’essentiel, ce ne sont donc pas les lois, mais de s’attaquer au fonctionnement même du système, afin de déterminer les points de blocages qui freinent l’épanouissement des entreprises créatrices de richesses, qu’elles soient publiques, privées, locales ou internationales.
L’investissement, porteur de croissance et créateur d’emplois, est victime de nombreux freins dont les principaux restent l’omniprésence de la bureaucratie et de la corruption qui freinent la mise en œuvre des transactions, ainsi que l’extension de la sphère informelle qui contrôle plus de 48% de la masse monétaire en circulation. Le terrorisme bureaucratique représente à lui seul plus de 50 % des freins à l’investissement, et son élimination implique l’amélioration de la gouvernance et une plus grande visibilité, transparence et cohérence dans la démarche de mise en œuvre de la politique socio-économique.
Une réforme du système nécessaire
Le système financier doit être au cœur des réformes, pour attirer l’investisseur, afin de sortir le secteur privé de la léthargie et de la marginalisation. Les banques publiques, qui accaparent 90 % des crédits octroyés, ont été ponctionnées par les entreprises publiques du fait des assainissement répétitifs par le trésor public, ces trente dernières années, sans compter les réévaluations répétées durant les dix dernières années, entraînant des recapitalisations répétées des banques malades de leurs clients. Enfin comme frein à l’investissement, l’absence d’un marché foncier cohérent et l’inadaptation du marché du travail à la demande, renvoyant à la sempiternelle réforme du système socio-éducatif et de la formation professionnelle, usines à fabriquer de futurs chômeurs. Dans un tel contexte, prenons garde aux utopies.
Un faible taux de croissance conjugué à une inflation qui va perdurer
Un taux de croissance se calcule par rapport à la période précédente. Du fait que plus de 85 % des matières premières sont importées, et du faible taux d’intégration par les entreprises publiques et privées, avec la dévaluation du dinar, l’inflation sera forcément de longue durée. Malgré cette dévaluation, le blocage étant d’ordre systémique, contrairement à l’illusion monétaire, cela n’a pas permis de dynamiser les exportations. Malgré toutes les restrictions qui ont paralysé l’appareil de production avec des impacts inflationnistes, les réserves de change sont en baisse continue. Cette faiblesse du taux de croissance se répercute sur le taux de chômage incluant les sureffectifs des administrations, entreprises publiques et l’emploi dans la sphère informelle.
L’urgence d’une nouvelle politique socio-économique
Pour éviter des remous sociaux, tous les gouvernements ont généralisé les subventions, source de gaspillage croissant des ressources financières du pays. C’est là un dossier très complexe que le gouvernement n’a pas décidé de revoir. Il faut dire que sans maîtrise du système d’information et la quantification de la sphère informelle, produit de la bureaucratie et favorisant les délits d’initiés, dont l’extension d’ailleurs décourage tout investisseur, et qui permet la consolidation de revenus non déclarés, en temps réel, toute réforme risquerait d’avoir des effets pervers. Il y a urgence d’une réorientation de toute la politique socio-économique, passant par de profonds ajustements économiques et sociaux, donc par de profondes réformes structurelles devant synchroniser la sphère réelle et la sphère financière, la dynamique économique et la dynamique sociale. L’on devra éviter l’illusion des années 1970-1990 de l’ère mécaniste, étant à l’ère du virtuel et de l’immatériel dans laquelle les sociétés sont en réseaux à travers un monde turbulent et instable comme une toile arachnéenne.
Le retour à la confiance grâce à une vision stratégique clairement définie
Le retour à la confiance, sans laquelle aucun développement n’est possible, passe impérativement par une vision stratégique clairement définie. Ce sont autant de facteurs fondamentaux. Ainsi, faute de réforme adéquate, l’instabilité du taux de change et le dérapage accéléré du dinar freinent l’attrait de l‘investissement à moyen et long terme ; le défaut de programme économique et le manque de visibilité stratégique risquent d’amplifier les actions spéculatives, tant dans la sphère réelle (stockage de produits durables) que par l’achat de devises.
Ainsi, la Tunisie a d’abord besoin d’une stratégie de sortie de crise, évitant les actions conjoncturelles, le replâtrage et le juridisme devant s’attaquer à l’essentiel, c’est-à-dire le bon fonctionnement de la société dans son entier.
Certes la situation sera de plus en plus difficile sur le plan économique entre 2022 et 2025, mais la Tunisie a les moyens de la surmonter avec du réalisme, de la vérité, de la transparence, évitant les discours démagogiques populistes, se fondant sur une vision idéologique dépassée.
Des réformes, sans vision stratégique, sans une nouvelle gouvernance, de profonds changements structurels conciliant efficacité économique et nécessaire cohésion sociale, une profonde moralité de ceux qui dirigent la Res Publica, aura un impact mitigé, une goutte d’eau dans un océan de noirceur.
Monji Ben Raies
Universitaire, juriste internationaliste et politiste;
Enseignant et chercheur en droit public et sciences politiques;
Université de Tunis El Manar
Faculté de droit et des sciences politiques de Tunis
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