L’édito de Taoufik Habaieb: Une année 2022 de... 18 mois
Longue, harassante, à multiples rebondissements, parsemée d’embûches: l’année qui commence nous promet bien des surprises.
Une année à doubles grandes échéances: la réforme du système politique et la mobilisation du financement extérieur. Le président Saïed entend doter la Tunisie d’une nouvelle constitution, d’un nouveau parlement, d’un nouveau gouvernement, d’une nouvelle classe politique et, au surplus, faire aboutir un accord avec le FMI ouvrant la voie à d’autres bailleurs de fonds.
Les contacts avec Washington ont bien repris. Les signaux perçus de La Kasbah comme du siège du FMI incitent à l’optimisme. Le cadrage macroéconomique et budgétaire (assuré cette fois-ci par le gouvernement) est bouclé. Les grandes réformes et le plan de relance ont été débattus avec l’Ugtt et l’Utica. Un premier draft du mémorandum d’entente avec le Fonds est en cours de finalisation. Le time-line fixé jusqu’à la validation de l’accord par le conseil d’administration du Fonds ne dépassera pas la fin du premier trimestre 2023. Ce sera un véritable bol d’oxygène. Sans pour autant guérir nos maux.
Une année de lourds sacrifices. La loi de finances et le budget de l’Etat, bouclés au forceps, portent les stigmates d’une grave crise. Aux Tunisiens, ménages et entreprises, on impose plus de taxes. D’eux tous on exige des sacrifices encore plus lourds à endurer.
Une année de ralentissement de l’administration. A peine installé début octobre dernier, le gouvernement Bouden voit son échéance expirer dans un an. L’administration publique, désormais habituée à l’instabilité politique, fera le dos rond, en attendant les nouveaux gouvernants.
Une année d’effervescence électorale et de confrontations. D’ici au scrutin du 17 décembre prochain pour des législatives anticipées, la Tunisie vivra en campagne électorale continue. Le cortège des alliances et ruptures, des confrontations et des surenchères, dans une course effrénée au pouvoir, ébranleront l’ensemble du territoire. L’ampleur n’en sera que plus grande si se confirme un mode de scrutin uninominal qui ne devra retenir qu’un seul élu par circonscription, réduite à l’échelle de la délégation. La bataille entre rivaux sera encore plus âpre et ses fêlures plus longues à replâtrer.
Une année de 18 mois. Le verdict définitif des urnes, après l’épuisement des recours, ne sera prononcé, au mieux, que vers la mi- janvier 2023. Il va falloir convoquer la nouvelle assemblée, attendre la désignation d’un chef de gouvernement ainsi que la formation de son équipe et la présentation de son programme devant le parlement. La prise de fonctions prendra des semaines. Mars, avril et arrive le ramadan... Le premier semestre sera rapidement épuisé.
... Alors que risques, menaces et fragilités persistent. Ce calendrier politique ne saurait épargner au pays des difficultés économiques et financières, l’aggravation du chômage et la précarité, des menaces terroristes et des troubles sociaux latents. Comme si autant de maux ne suffisaient pas, la pandémie, loin de s’atténuer, continuera à sévir. Avec ses multiples variants, elle impose vaccins, vigilance et renforcement de la prise en charge. Partout, l’avalanche est à craindre.
Et pourtant, il va falloir s’en sortir! En plus des multiples foyers de tension, les dissensions claniques sur fond de course électorale sont les plus toxiques. Source de dislocation, elles mettent en péril l’unité nationale et privent la nation de son liant le plus solide.
Tout l’enjeu est de bannir les clivages pour cimenter la nation. S’il faut se limiter à un seul vœu, en ce début d’année, ce sera celui de la solidarité et l’union nationales. La Tunisie en a tant besoin.
Bonne et heureuse année 2022.
Taoufik Habaieb