Abdellatif Chaabane
Avec 1026,2 MD de primes émises en 2009 (+6.7% par rapport à l’année précédente), le marché tunisien des assurances continue sa progression, sur fond de profondes réformes structurantes. L’assurance-vie, malgré une part de marché qui demeure encore faible (13.1%) connaît un accroissement de 22% et s’apprête, sous l’effet de la filialisation des compagnies et des incitations mises en place, à se développer davantage. La mobilisation des fonds propres grimpe de 375.5 MD à 459.9 MD (+28.6%), suite à l’augmentation de capital de nombre de compagnies (Comar, Gat, Lloyd Tunisien). Les placements cumulés sont en hausse (2292 MD, soit +11.9%) et le résultat global du secteur dégage un bénéfice de l’ordre de 120.4 MD (exercice 2008). Autant d’indicateurs, mais aussi de mutations qui s’amorcent, soumis à l’éclairage de M. Abdellatif Chaabane, président du Comité Général des Assurances.
Vous venez de publier le rapport annuel du secteur des assurances pour 2009.Quel bilan tirez–vous ?
Le marché des assurances en Tunisie est un marché mature et en pleine évolution : il compte 19 entreprises résidentes et 4 compagnies off-shore ; 15 entreprises résidentes opèrent sous le statut de société anonyme et 4 sont constituées en société à forme mutuelle.
La plupart des compagnies opèrent en multi-branches et certaines d’entre elles sont spécialisées dans une activité particulière : 3 en assurance-vie, 1 en assurance de crédits à l’exportation, 1 en réassurance et 1 en assurance de crédits commerciaux locaux.
Le marché est également composé d’un réseau dense d’intermédiaires en assurance (818 en 2009), opérant pour la quasi-totalité en agents (721) mandataires des compagnies, et ce à côté de 64 bureaux de courtage ainsi que 33 producteurs d’assurance-vie.
Un autre maillon, non moins important de cette chaîne de prestations assurantielles : les experts. Près de 876 experts et commissaires d’avaries de qualifications diverses sont inscrits pour pratiquer l’évaluation des dommages après sinistre.
L’examen des principaux indicateurs des 5 dernières années (05-09) fait ressortir une croissance régulière du chiffre d’affaires global du marché à un taux annuel moyen de 9,4 %.
Cependant, le chiffre d’affaires en 2009 est passé à 1026,2 MD contre 961,9 MD en 2008 permettant ainsi un accroissement annuel de 6,7 %.
Toutefois, le marché reste influencé, comme pour la plupart des pays émergents, par la branche automobile qui génère en moyenne 46,3 % des primes et dont le chiffre d’affaires progresse selon un rythme supérieur à la moyenne du secteur (soit 9,1 % contre 6,7 % pour le secteur).
Avec un chiffre d’affaires réalisé en 2009 de l’ordre de 178,3 MD, l’assurance des risques industriels conserve sa 2ème position dans l’activité globale du secteur (17,4 %).Quant à l’assurance-vie, bien qu’elle ait enregistré en 2009 une progression importante de l’ordre de 22 % par rapport à 2008 , sa part dans le marché reste encore faible (13,1%).
Du côté des indemnisations, le secteur a dépensé en 2009 près de 600,3 MD contre 505,7 MD en 2008, profitant à plusieurs activités dont notamment les dommages automobile pour 279,5 MD (46,6 %), l’assurance-groupe maladie pour 123,9 MD (20,6 %) et l’assurance incendie et risques divers pour 102,1 MD (17 %) .
En termes de Fonds Propres, l'année 2009 a enregistré une mobilisation de 459,9 MD de fonds propres, sans tenir compte du résultat net de l’année concernée, contre un total de 357,5 en 2008, soit une croissance importante de 28,6%, et ce, suite notamment à l’augmentation du capital d’un certain nombre de compagnies qui se traduit par une croissance du total du capital social des sociétés non mutuelles de 165,6 MD en 2008 à 235,6 MD en 2009.
En tant qu’investisseur institutionnel, le secteur a atteint en 2009, des placements cumulés de 2292 MD progressant ainsi de 11,9 % par rapport à 2008.
En effet, le total de ces placements des actifs en représentation des provisions techniques, permet à l’ensemble des compagnies du marché des assurances un taux de couverture de leurs engagements de 112,2 % en 2009 contre 111,5 % en 2008.
Enfin, la gestion de l’activité d’assurance en 2009 a dégagé un résultat global bénéficiaire de 129,2 MD contre un bénéfice au titre de 2008 de 120,4 MD.
Aujourd’hui, de grandes transformations sont amorcées. Quels en sont les chantiers prioritaires et comment pourraient-elles profiter à l’assuré ?
Il faut rappeler à ce niveau, que le secteur des assurances a été l’objet d’un courant réformateur qui a démarré depuis 2000 et se poursuit jusqu’aujourd’hui en vue d’améliorer la qualité des prestations d’assurances rendues aux assurés et de mettre le secteur à niveau des standards internationaux.
En effet, bien que les réformes engagées préparent pour un environnement plus favorable au développement du service, il demeure évident que l'entreprise d'assurance, doit en premier lieu, moderniser sa gestion, renforcer ses assises financières, maîtriser son savoir-faire, et surtout améliorer de plus en plus ses prestations et les adapter aux besoins de sa clientèle.
A cet égard, un vaste programme de mise à niveau est entamé depuis 2 années et s’articule autour de trois principaux axes à savoir : l’amélioration des prestations surtout au niveau de la conception des produits d’assurance et le raccourcissement des délais d’indemnisation, la modernisation des méthodes de gestion internes et des systèmes d’information des compagnies d’assurances et enfin le développement des ressources humaines.
En outre et malgré les efforts déployés en matière de modernisation de la législation nationale régissant le secteur des assurances et de réassurances et son harmonisation avec les standards internationaux et notamment les nouvelles exigences des normes de solvabilité II, quelques aspects au sujet desquels des projets en cours sont en train d’être finalisés, méritent encore d’être développés davantage en vue de leur donner plus d’efficacité, en particulier en matière de:
- Renforcement de l’assise financière des compagnies d'assurance et l’instauration du principe de l’adéquation engagements pris-niveau des fonds propres.
- Amélioration du cadre actuel pour l’exercice de l'assurance vie et de capitalisation,
- Amélioration des conditions d’exercice de l'activité d'intermédiation en assurance,
Une fois amorcées, ces réformes ne seront que tout bénéfice pour les assurés. En effet, l’amélioration de la qualité des services se traduira par des délais plus courts, une proximité accrue des services d’où un taux de satisfaction plus élevé et en retour, un développement soutenu du secteur .
Quelles sont les perspectives du secteur pour les années à venir et avec l’ouverture des services, pensez-vous que de grandes enseignes internationales s’installeront d’une manière ou d’une autre ?
Le secteur des assurances a été libéralisé au niveau de la présence commerciale en vertu de la loi numéro 2008-08 du 13 février 2008 relative à la modification et l'achèvement du code des assurances, et ce, à travers l’abolition de l’exigence de la carte de commerçant, la suppression de la restriction à la participation majoritaire étrangère dans le capital des entreprises d'assurance tunisiennes et la consécration du principe de réciprocité, qu’il s’agisse d’un investisseur étranger ou local. En effet, leurs contributions sont soumises aux mêmes procédures d'agrément préalable à laquelle sont soumises les participations locales.
Parallèlement, la possibilité d’implantation des sociétés étrangères ainsi que les grandes enseignes internationales, reste ouverte sous la forme d'une succursale ou d’un bureau de représentation conformément aux dispositions de l’article 67 du code des assurances et de l’article 147 de la loi n° 2009-64 portant promulgation du Code de prestations des services financiers aux non-résidents.
Quant aux services de réassurance, ils sont entièrement libres et ce pour les considérations suivantes:
- La suppression de la cession obligatoire à une compagnie nationale,
- La libéralisation des opérations de réassurance depuis 1993 (opération courante),
- La suppression de la restriction à la participation majoritaire étrangère au capital
- La nationalité tunisienne des actionnaires ne constitue plus une condition de l'octroi de l’agrément. Seules les qualifications et les compétences des membres du Conseil d'administration ou des membres du conseil de surveillance, des directeurs généraux et directeurs sont prises en compte.
Parallèlement, la possibilité d’implantation des sociétés de réassurance étrangères reste possible dans le cadre de la loi n° 2009-64 portant promulgation du Code de prestations des services financiers aux non-résidents.
En finalité, les perspectives d’ouverture sont prometteuses. Elles ne peuvent que se traduire par un effet de synergie pour le secteur local qui pourra profiter de l’installation de grandes enseignes internationales. Celles-ci seraient encouragées aussi par :
- Un contexte des plus favorables en matière de législation et des encouragements fiscaux ;
- Un facteur humain qualifié et motivé ;
- Une position géographique qui met le pays à la croisée des continents,
- Une infrastructure de plus en plus renforcée et développée que ce soit en matière des communications ou de télécommunication.