Mohamed Derbel - Loi de finances 2022 : Soyons cléments mais exigeants !
Après une grossesse difficile une loi de finances ou plutôt un décret-loi de finances vient de naître 4 jours avant la fin d’année 2021. Après le 25 juillet, on s’attendait à une loi qui ne ressemble pas à ses sœurs mais l’air de famille saute aux yeux.
Comme d’habitude, à la lecture des objectifs recherchés tu vibres d’impatience pour lire la disposition, mais trop vite tu es déçu !
Si certaines dispositions émanent d’une bonne intention de promouvoir et s’ouvrir sur des secteurs jusque là ignorés, d’autres dispositions sont décalées du contexte économique par leurs goûts d’inachevés.
«En l’absence d’une vision économique & sociale consensuelle au moins décennale et d’une planification anticipative, aucune loi de finances ne pourrait répondre aux attentes d’un peuple»
Faut-il en vouloir à ceux qui ont conçu cette loi de finances sans se concerter avec les professionnels ? Faut-il en vouloir à la dernière décennie qui a laissé ses plumes partout ? Faut-il en vouloir au Covid qui a aggravé la situation ? Faut-il….. ?
«Il ne faut en vouloir à personne ! il faut qu’on se ressaisisse, admettre nos erreurs et les corriger !»
Si Nous voulons un vrai départ réussi, si nous voulons un vrai changement pour le mieux évidement, si nous voulons une meilleure Tunisie, commençons par corriger nos mauvaises habitudes et arrêtons de dire « On ne pouvait pas faire mieux ! ».
Même en l’absence d’un CAP économique, la loi de finances 2022 aurait pu décompliquer et apporter des solutions courtermismes.
• Est-ce qu’on n’aurait pas pu digitaliser le processus d’apurement des bons de commande fiscaux au lieu de priver les sociétés de commerce international et les sociétés de services exportatrices d’acheter en suspension de la TVA ? Un avantage ô combien important pour eux ! (Art 52)
• Est-ce qu’on n’aurait pas pu penser aux sociétés de services qui ont des pénalités de retard dans l’exécution des marchés publics et leur accorder le même avantage donné aux sociétés de construction et de travaux publics ?(Art 72)
• Est-ce qu’on n’aurait pas pu mettre des conditions suspensives pour les fraudeurs qui auront à blanchir leurs argents occultés et à occulter jusqu’au 30/06/2022 en ne payant que 10% ? (Art 66)
• Est-ce qu’on n’aurait pas pu instaurer le nouveau régime des forfaitaires rejeté par l’ARP en 2011 à l’instar de la « vérification ponctuelle » qui sera adoptée à partir de 2022 alors qu’elle se faisait rejeter elle aussi depuis plusieurs années à chaque fois que le ministère des finances la proposait ? (Art 51)
• Est-ce qu’on n’aurait pas pu accorder des avantages pour redynamiser l’écosystème de la bourse de Tunis qui en a vraiment besoin ?
• Est-ce qu’on n’aurait pas pu réinstaurer le dégrèvement physique pour encourager le réinvestissement au sein de l’entreprise ? Un avantage dont la suppression est déplorable !
• Est-ce qu’on n’aurait pas pu rattraper le retard dans la mise en œuvre des caisses enregistreuses pour lutter efficacement contre la fraude et l’évasion fiscale ?
• Est-ce qu’on n’aurait pas pu limiter l’assiette de la TVA au titre de la vente des voitures de tourisme d’occasion acquises par les concessionnaires automobiles auprès des personnes morales et des personnes physiques soumises à la TVA, à la différence entre le prix de vente et le prix d’achat afin d’orienter le commerce des voitures de tourisme d’occasion vers le secteur organisé et lutter contre le commerce parallèle qui affecte ce secteur ?
• Est-ce qu’on n’aurait pas pu habiliter l’administration fiscale pour attribuer d’office un identifiant fiscal aux personnes en défaut de dépôt de la déclaration d’existence afin de lutter contre l’informel ?
• Est-ce qu’on n’aurait pas pu encourager les entreprises à assurer le transport de leur personnel en leur accordant l’exonération de cet avantage et éviter à la fois des contentieux fiscaux lourds et solutionner en partie le grand problème du transport public ?
• Est-ce qu’on n’aurait pas pu libérer l’initiative entrepreneuriale en réduisant la condition de minimum de fonds propres notamment pour les industriels ?
• ….etc
Je pense que « Oui » s’il y avait un vrai espace pour le faire.
Le conseil national de la fiscalité, n’a jamais été un espace efficace de dialogue économique et fiscal et ne le sera jamais avec son modèle actuel !
Le mix de très bonnes dispositions fiscales avec d’autres moins bonnes sur les plans conceptuel & applicatif a créé cette effervescence générale, certains critiquent la loi de finances puisque rien qu’un seul article ne leur plait pas et d’autres la critiquent alors qu’ils ne l’ont même pas lu ! Mais chose est certaine quand les professionnels la critiquent, il faut les écouter et en prendre bonne note pour qu’on réussisse ensemble la prochaine étape de l’histoire de la Tunisie.
Télécharger les principales dispositions du d-loi de finance 2022
Mohamed Derbel
Expert-Comptable-
International Liaison Partner- BDO Tunisie