Attaque du Capitole: Donald J. Trump entre le marteau et l’enclume
Par Mohsen Redissi - Il vient de subir un cinglant revers. Trois des juges de la Cour suprême qui ont voté pour la restitution des documents présidentiels sont des juges nommés par ses soins pendant son mandat à la Maison blanche, à l’époque des juges taxés de conservateurs à souhait.
La Cour fédérale du district de Washington a rejeté en novembre la requête de l’ex-président Donald J. Trump de geler la diffusion d’une partie de sa correspondance. En décembre, la Cour d'appel du district de Columbia a rendu son verdict(1) confirmant la décision de la Cour fédérale. Trump est battu à plate couture.
Non content de l’arrêt de la cour d’appel, il porte plainte devant la Cour suprême, son ultime recours, assuré en son for intérieur de trouver le soutien qu’il attend en retour. Elle aussi a confirmé la décision de la cour d’appel ; son statut d'ancien président n'a naguère influencé la décision(2). Des juges inamovibles finissent toujours par delà leur appartenance ou allégeance à voter selon leurs convictions intellectuelles. L’intégrité de la Cour est suspendue à leur jugement. La pérennité des institutions, l’intérêt de l’Etat et la sauvegarde de la Constitution sont les maitres mots de leur raisonnement. Le verdict a sonné le glas pour le clan du l’ex-président.
Ce jugement a poussé la United States House Select Committee on the January 6 Attack, Comité restreint de la Chambre des représentants des États-Unis pour enquêter sur l'attaque du 6 janvier, à demander aux Archives nationales de lui remettre tout document de la présidence Trump relatif à cet événement tragique. Le président du Comité a salué la décision et l’a qualifiée de "victoire pour l'Etat de droit et la démocratie américaine".
Quelques heures à peine après la décision de la Cour, les Archives nationales, organe responsable du tri, du traitement et de la mise en ligne des documents présidentiels, ont mis l’arrêté en exécution. Plus de 700 pages de documents contestés ont été remis au comité chargé de l’enquête. Des leçons que chacun de nous doit retenir: l’estime de la Cour auprès des américains, son indépendance, la pertinence de ses opinions et surtout la neutralité de l’administration fédérale. Le Comité peut procéder aux recoupements entre la parole et l’action, entre la vérité et le mensonge, entre la déposition et l’écrit. Ses enquêteurs doivent remonter le temps pour réécrire les circonstances qui ont conduit des foules armées et déchainées à prendre d’assaut le temple du législatif. L’encre s’est mêlée au sang qui a coulé. L'émeute a fait des victimes, la démocratie est tombée en premier. Des heures interminables d’interrogatoire attendent le président, sa famille et ses collaborateurs.
Le Comité n’a pas donné de date précise pour la remise de son rapport, mais son président espère rendre ses conclusions au début du printemps. Sale temps pour le président. Lui, sa famille et sa garde rapprochée sont impliqués de prés ou de loin dans le scandale. Le Comité veut les voir déposer. Les déclarations des anciens collaborateurs de l’ex-président font déjà la Une des médias.
La présidence n’est pas un long fleuve tranquille
M Trump croit toujours avoir le privilège exécutif de bloquer la publication de dossiers présidentiels compromettants, lui qui n’est plus président; une doctrine destinée à protéger la confidentialité de certains documents. Il a échoué dans ses tentatives répétées de maintenir leur contenu secret. La Cour suprême a rejeté sa demande ouvrant la voie au Comité restreint d'enquêter, preuves à l’appui, sur les agissements et les communications du président Trump et de ses équipes avant, pendant et après l’émeute. Son enquête vise à faire en sorte que rien de tel ne se reproduise. Les membres du comité définissent l’assaut comme « …une perturbation sans précédent du transfert pacifique du pouvoir d'un président à l'autre. »
Le comité a exigé la remise de tout document, appels téléphoniques, réunions, mouvements... de l’ex-président, de son staff le jour de l’agression. La demande concerne également tout plan formulé par Donald Trump et ses conseillers pour arrêter le décompte final des voix des élections présidentielles perdues deux mois plutôt devant son rival Joe Biden.
D’après le New York Times dans son édition du 19 janvier 2022, le président sortant a voulu inclure dans la liste des documents bénéficiant du privilège exécutif:
• Des points de discussion proposés pour son attachée de presse;
• Une note manuscrite concernant le 6 janvier ;
• Un projet de texte d'un discours présidentiel pour le rassemblement «Save America» écrit avant l'attaque;
• Un projet de décret sur l'intégrité des élections ;
• Des dossiers de ses collaborateurs: Mark Meadows, son chef de cabinet ; Stephen Miller, son conseiller principal ; et Patrick F. Philbin, son avocat adjoint.
Un paradoxe total, c’est l’attitude d’un président qui veut rassembler une Amérique qu’il a cherché à déchirer par tous les moyens. Il veut renverser les événements en sa faveur en les maquillant. Il a gardé secret un projet de discours en l’honneur de la police pour avoir sauvé le Capitole des mutins et louer le courage des deux officiers décédés au nom de la démocratie. Il a l’intention de faire porter le chapeau au camp adverse.
Trump a également essayé d’arrêter la publication du journal quotidien de la Maison Blanche, la boite noire d’un avion. C’est une reproduction fidèle des mouvements, des appels téléphoniques, des courriels, des voyages, des briefings… d’un président dans une journée. Une pièce à conviction qui ne laisse aucun doute sur son implication dans l’attaque du Capitole.
En 1974, président Richard M. Nixon a refusé avant lui dans l’affaire du Watergate de remettre les bandes sonores du bureau ovale sous le prétexte du privilège exécutif; il a considéré à l’époque les enregistrements et les documents du domaine privé. Le Congrès américain a voté en 1974 la Loi sur la préservation des enregistrements et des documents présidentiels : les documents relatifs à l’affaire doivent être rendus publics en premier. En 1978, il a adopté la Loi sur les archives présidentielles pour couper court à la question. Plus aucune hésitation, les documents présidentiels sont du domaine public(3).
L’arrêt de la Cour suprême de refuser à l’ex-président Donald J. Trump de bénéficier du privilège exécutif marquera-t-il la fin de sa carrière politique.
Le Président Joe Biden refuse également de lui accorder ce privilège. Sa récente retrouvaille avec la foule et ses supporters en Arizona sera-t-elle sa dernière et unique tentative de regagner la confiance de son électorat ? Un simple « Je fais un rêve » ou un rêve américain avec un nouveau slogan pour la future campagne « Save America », Sauvons l’Amérique, deviendra-il une réalité ? Il a promis à la foule venue l’acclamer de reconquérir la Chambre des représentants et le Sénat comme premières étapes en attendant les élections présidentielles de 2024. Les membres du comité chargé d’enquêter sur l’attaque du 6 janvier ont juré de ne retrouver le repos qu’après avoir puni les coupables. Tout semble accabler l’ex-président pour le moment.
Remarque: pour amples informations sur le United States House Select Committee on the January 6 Attack, visiter: https://january6th.house.gov/
Mohsen Redissi
1- Donald J. Trump, in his capacity as the 45th president of the United States, appellant v. Bennie G. Thompson, in his official capacity as Chairman of the United States House Select Committee to Investigate the January 6th Attack on the United States Capitol, et al., Appellees
https://www.cadc.uscourts.gov/internet/opinions.nsf/913002F9EFB94590852587A60075CC4F/$file/21-5254-1926128.pdf (68 Pdf p.)
2- Donald J. Trump, Former President of the United States V. Bennie G. Thompson, in his Official Capacity as Chairman of the United States House Select Committee to Investigate the January 6th Attack on the United States Capitol, et el. (4 Pdf p.)
https://www.supremecourt.gov/opinions/21pdf/21a272_9p6b.pdf
3- Mohsen Redissi, . La bibliothèque présidentielle: une institution américaine. Leaders (21 oct 2021)
https://www.leaders.com.tn/article/32558-la-bibliotheque-presidentielle-une-institution-americaine