L’édito de Taoufik Habaieb: Se réinvestir avec détermination
La refonte institutionnelle ne saurait nous faire oublier deux grandes priorités. La première est, avec le programme de sortie de crise économique et financière, la relance de tous les chantiers à l’arrêt. La seconde est le compostage de notre billet d’entrée au nouveau monde qui se configure, pour ne pas disparaître des radars.
Cent jours après l’entrée en fonction du gouvernement Bouden, aucun programme n’est encore révélé. Le document censé être présenté au FMI ne pourrait s’y substituer. Son ambition se limite à combler un gap budgétaire et tenter de redresser des courbes financières. Se contenter de 3% de croissance ne suffira pas pour amorcer l’emploi et susciter la relance. Ni porteur d’une vision d’avenir, ni exhaustif, ce plan de réformes n’esquisse pas la démarche à suivre pour s’atteler aux grands choix, répondre aux urgences autres que financières et rattraper le temps perdu. Les dix dernières années d’instabilité politique et de gestion erratique nous ont légué de lourds dégâts.
Les chantiers laissés à l’abandon sont nombreux et complexes : infrastructure routière, rénovation urbaine, réhabilitation des quartiers informels, des installations éducatives, culturelles et sportives, s’ajoutent à la modernisation du parc de transports publics. Au plan social, la précarité ne trouve pas de réponse. Les personnes âgées survivent grâce à la solidarité des familles. L’enfance attend son protecteur. Et le monde rural est oublié. Les services publics de soins de santé, d’éducation et de transport se dégradent. Un sentiment général d’abandon et de démission s’installe.
Quelle que soit l’ampleur des missions à assumer, l’Etat ne doit pas capituler. Reprendre en main les commandes de tant de dossiers, aplanir les obstacles, fixer des délais d’exécution et remobiliser l’administration publique s’imposent au gouvernement. Plus encore, renouer avec notre riche expérience en anticipation des besoins, planification et programmation de nouveaux projets. Certes, les crédits d’investissement inscrits au budget de l’Etat se tarissent, mais tant de financements extérieurs déjà approuvés peinent à trouver une exécution aboutie.
L’innovation est notre salut. La recherche appliquée, la biotechnologie, le numérique et les technologies, comme l’industrie 4.0 et l’agriculture moderne, nous ouvrent de larges voies. C’est notre gisement d’excellence et de profit, et notre pont avec le monde.
La protection de l’environnement est malheureusement délaissée. En pleine lutte mondiale contre le réchauffement climatique, notre engagement pour la préservation de nos ressources naturelles, mais aussi de la santé de la population, est un devoir. Longtemps avant l’émergence des mouvements écologiques et de l’économie verte, notre pays avait acquis le label de Tounes Al Khadhra. Qu’en reste-t-il aujourd’hui ?
Il suffit de tout reprendre en main. Les Tunisiens y seront très attentifs. Le référendum du 25 juillet prochain ne se prononcera pas seulement sur les réformes du système politique. Il exprimera, par son taux de participation, le niveau de confiance que les Tunisiens accordent à leurs dirigeants. Le gouvernement n’a plus que moins de six mois pour reconquérir l’adhésion de la population.
La reconnexion avec le monde extérieur vient en soutien et servira aussi de catalyseur. La Tunisie gagne à s’amarrer de plain-pied à l’univers recomposé. Peser de tout notre poids dans la région et au sein de la communauté internationale, prendre position sur les grandes questions et porter notre voix sur les causes communes : c’est ce qui nous remettra en selle.
Hyper-interconnecté, ce nouveau monde est porteur à la fois de dépendances et d’opportunités. Atténuer les influences négatives et accroître nos bénéfices accélèreront notre marche vers le progrès. Nous avons tant d’atouts à faire prévaloir, tant de valeur ajoutée à apporter, tant de produits et services à exporter... Le génie tunisien est précieux. Il est prisé.
C’est à l’Etat de se réinvestir avec détermination dans toutes les missions qui lui sont dévolues. Les Tunisiens s’y rallieront alors.
Taoufik Habaieb
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