La différence entre eux et nous
J'étais à la recherche d'un sujet pour mon blog quand un e-mail, m'a aiguillé sur un thème qui me tient beaucoup à coeur. Son auteur, une dame étrangère installée depuis longtemps dans notre pays, me remercie de lui avoir fait découvrir "un pan de l'histoire de la Tunisie", qu'elle ignorait, faisant allusion à l'article intitulé "Biladi ou la naissance de la presse populaire en Tunisie."
Une réaction qui contraste avec l'indifférence des lecteurs tunisiens comme si le vie ou la mort d'un journal qui avait battu tous les records de vente dans les années 70, ne les concernait pas, comme si son fondateur, un véritable personnage de roman, entré dans le journalisme dès l'âge de 16 ans, devenu célèbre à 20 ans, poète précoce (il avait déclamé un poème devant Bourguiba alors qu'il avait à peine 15 ans), avant de créer le premier journal populaire tunisien qui sera une source d'inspiration inépuisable pour les tabloids qui paraîtront dès les années 80 du siècle précédent, ne suscitait chez eux aucune curiosité.
Faut-il attendre que nos créateurs, qu'ils soient artistes, écrivains ou poètes, soient morts pour qu'on daigne s'intéresser à leur oeuvre ou leur tresser des lauriers, d'une manière parfois exagérée, sans doute par mauvaise conscience commme si on cherchait à se racheter. Ce peu de considération pour nos aînés et même pour nos contemporains ne date pas d'aujourd'hui. Il est atavique : que de fois, des intellectuels ou des savants tunisiens, se sentant méconnus, mal compris ont dû s'exiler et mourir loin de la terre de leurs ancêtres. L'exemple le plus connu étant celui d'Ibn Khaldoun.
Essayez donc, aujourd'hui, d'évoquer devant un jeune ou moins jeune l'expérience des coopératives des années 60, les évènements de Bizerte, les figures marquantes de la résistance, certains personnages étrangers comme Churchill, de Gaulle, Dag Hammarskjoëld ou Kennedy. Autant parler de la préhistoire. L'internet a fait naître beaucoup d'espoirs à ses débuts. Voilà le remède miracle qui allait nous sauver de l'ignorance et de l'inculture. Il fallut très vite déchanter. L'internet est réduit à sa seule dimension ludique.
Quant à facebook, il nous a fait entrer de plain-pied et pour reprendre le mot d'un communicateur connu, dans la civilisation du blablabla. Dès lors, il ne faut pas s'étonner que l'histoire d'un journal avec en toile de fond des évènements historiques méconnus des années 80 suscitent de l'indifférence chez nous et de l'intérêt chez les étrangers. C'est toute la différence entre eux et nous.
Hédi Behi