Tunisie : De la censure à la liberté de presse
Par Abdelkader Maalej - Tout au cours de cette décennie qui vient juste de s’écouler on n’a pas cessé de radoter dans tous les plateaux radio diffusés et télévisés que la seule chose gagnée depuis le 14 janvier 2011 n’est autre que la liberté de presse et d’expression. Quant à la situation politique et surtout économique elle n’a pas cessé de se dégrader et elle est maintenant catastrophique; le pays disent d’aucuns et non des moindres est au bord du gouffre. Après la crise sanitaire qui n’est pas encore révolue voilà maintenant la guerre rageant entre la Russie et l’Ukraine deux pays pourtant voisins parlant la même langue et ayant été pendant un bon moment de l’histoire et jusque la chute du mur de Berlin deux pays faisant partie de feue l’Union soviétique et tous deux membres du pacte de Varsovie. Mais laissons de coté cette guerre qui pourrait pourtant avoir un effet néfaste sur notre pays et revenons à notre sujet.
Comme sus dit nous n’avons jusqu’ici rien gagné de la prétendue révolution exceptée la liberté d’expression. Mais même cette liberté de presse semble être menacée au moins dans les chaines publiques de radio et de télévision tunisiennes. Récusant cette tentative de mettre la main sur ces moyens d’information le syndicat des journalistes tunisiens a organisé le vendredi 11 mars 2022 un arrêt de travail pour protester contre cette volonté manifeste, selon le syndicat, de subjuguer les moyens d’information publiques et menace de poursuivre en crescendo son action allant jusqu’à la grève générale si le gouvernement ne révise pas ses visées hégémoniques.
Censure et/ou contrôle avant le 14 janvier 2011
Voyons maintenant quelle était la situation avant la soit disant révolution du 14 janvier 2011? Tout ce que je vais dire maintenant constitue un véritable témoignage historique puisque durant 30 ans j’étais à la tête du service de la presse étrangère au Secrétariat d’Etat puis au Ministère de l’information.
D’emblée disons que pour ce qui était de la radio et de la télévision tunisienne l’Etat avait durant le régime de Bourguiba puis de celui de Ben Ali la main hautement mise sur ces moyens et personne ne pouvait y proférer un traître mot qui ne plaisait pas aux détenteurs du pouvoir.
Quid de la presse écrite. La chose était un tantinet plus compliquée car il y’avait à coté des journaux appartenant au parti gouvernant certains titres qui n’étaient pas facilement maniables tels que le journal Assabah ou les quelques journaux porte parole des partis d’opposition à l’instar d’Array et Almawquif. Pour preuve je me rappelle qu’un mien ami rédacteur en chef d’un grand journal venait souvent me voir dans mon bureau pour me dire que les hauts responsables du palais présidentiel exerçaient sur lui une pression enquiquinante qui avait fini par obliger la direction du journal à mettre fin à sa mission.
La chose écrite
Par ailleurs comment se comportait l’autorité du pays à l’égard de la chose écrite? Le gouvernement réagissait de deux manières différentes censure et ou contrôle. Pour ce qui était du produit tunisien, périodiques et livres et des livres importés de l’étranger, la censure était toujours du ressort du ministère de l’intérieur. A la direction des affaires politiques au ministère de l’intérieur il y’avait un service chargé de traiter de cette question. Les livres tunisiens censurés sont retirés des librairies et les livres étrangers étaient refoulés et retournés à leurs envoyeurs.
Pour ce qui était des périodiques journaux ou magazines, uniquement tunisiens les services d’ordre procédaient au retrait des kiosques de journaux des titres incriminés chaque fois qu’un journal ou un magazine publiait quelque chose qui ne plaisait pas aux responsables du gouvernent. Les services de sécurité recevaient alors l’ordre de ramasser tous les exemplaires mis en circulation et parfois si la chose publiée était jugée grave le journal pouvait être suspendu pour une certaine période ou définitivement interdit comme c’était le cas du journal Array. Les journaux tunisiens les plus touchés étaient Array et Elmawquif porte parole de leurs partis.
Concernant la presse étrangère c’était le ministère de l’information qui en était responsable. Le contrôle de cette presse était assuré par le service de la presse étrangère au Ministère. Le journal jugé indésirable devait être refoulé et retourné vers la société française chargée de la distribution de la presse française et étrangère en France et à l’étranger.
En Tunisie la Sotupressse était chargée de la distribution de la presse internationale et c’était elle qui assurait le, après ordre du ministère de l’information le retour de la marchandise prohibée vers son envoyeur.
Ceci étant la Tunisie risque-t-elle aujourd’hui de revenir à cette situation despotique ? Nul ne l’espère mais la chose n’est pas malheureusement impossible surtout si on tient compte de ce qui se passe actuellement à la radio et à la télévision tunisiennes.
Abdelkader Maalej