Hassen Akrout: Homme de télévision et de culture (Album photos)
Une rare capacité d’innover, de faire aboutir des projets et de gérer avec délicatesse des situations complexes, dans un grand raffinement. Originaire de Kerkennah, né à Sousse, Hassen Akrout, qui vient de nous quitter à l’âge de 90 ans, laisse le souvenir d’un homme pluriel qui a servi la Tunisie sur de nombreux fronts. La radiotélévision, le cinéma, la culture, la science, la pêche et l’écologie lui doivent des empreintes impérissables. Mais, aussi, le mouvement lycéen au début des années 1950 à Sousse et la fondation de l’Uget.
Parcours
• Originaire des îles Kerkennah, né le 14 mars 1933 à Sousse
• Titulaire d’une maîtrise en sociologie
• 1956 : recrutement à la radio tunisienne, envoyé aux États-Unis d’Amérique en formation en communication et techniques des médias à l’Université de Boston, avec des stages dans des stations de télévision à Amarillo au Texas et à Frezlo en Californie.
• De retour à Tunis, il a été tour à tour membre du cabinet du directeur général puis chef du service des émissions éducatives et culturelles puis directeur des relations extérieures
• 1965 : chargé de la préparation du lancement de la télévision tunisienne dont il assume la direction jusqu’à 1971
• 1971 : affectation au ministère des Affaires culturelles
• 1973 : président du Comité culturel national
• 1979 : PDG de la Satpec (Société anonyme tunisienne de production et d’expansion cinématographique)
• 1985 : Commissaire général à la Pêche relevant du ministère de l’Agriculture
• 1990 : détaché auprès du Pnud et de la FAO pour assurer la coordination régionale du développement de l’aquaculture en Méditerranée
• 1995 : départ à la retraite.
Il sera successivement trésorier général adjoint de l’Uget (1954), puis secrétaire général (1955 – 1956). Très actif à l’international, il participera à diverses manifestations à Prague, Pékin et d’autres grandes capitales. Tout particulièrement, il représentera les étudiants tunisiens à la conférence internationale des étudiants d’Afrique et d’Asie qui s’est tenue en 1955 à Bandoeng en Indonésie, dans le sillon du mouvement des pays non alignés.
Une autre corde à son arc : la promotion de la science. Hassen Akrout sera le fondateur, en 1973, avec un groupe d’ingénieurs et de scientifiques de l’Association des jeunes sciences Tunisie (Ajst). Il en assumera la présidence jusqu’en 2012. Le pied marin, vent debout, il a constamment été sur le pont.
En fait, le militantisme lui coule dans les veines. Son père, Ali, agent des Travaux publics et syndicaliste, était parmi les 7 fondateurs, autour de Farhat Hached, de l’Ugtt. Irréductible, il se distinguait par les nombreuses luttes qu’il menait pour défendre la cause ouvrière. Cet activisme lui vaudra des mutations successives l’éloignant à Sousse, Sfax, Tébourba, Le Kram, Mahdia, Jammel et autres localités. Ce périple imposé contraindra ses enfants à changer d’écoles primaires et de lycées au gré des affectations.
Hassen Akrout était l’aîné d’une fratrie nombreuse composée de sept garçons et trois filles. Il suivra ses études primaires dans diverses régions et partagera ses études secondaires entre le lycée Carnot à Tunis et le lycée de garçons de Sousse. Quant à ses études supérieures, il les entamera à l’École nationale d’agronomie de Tunis avant de préférer préparer une maîtrise en sociologie à la faculté des Lettres de Tunis.
En précurseur aux États-Unis
L’euphorie des premiers jours de l’indépendance mobilisera les jeunes Tunisiens. Les dirigeants de l’Uget étaient appelés à servir dans les premiers rangs. Hassen Akrout sera rapidement sollicité, en 1956, par Béchir Mhadhebi, chargé de tunisifier la radio et de la redéployer, pour se joindre à l’équipe formée à cet effet. Pour lui permettre de s’y accomplir, il lui obtiendra une bourse d’une année aux États-Unis d’Amérique, afin de s’imprégner de la communication moderne et de comprendre le fonctionnement des médias. Ce séjour qui le conduira à Boston, au Texas et en Californie sera fondateur pour Hassen Akrout. Dès son retour à Tunis, il mettra à profit les connaissances acquises pour proposer de nouvelles grilles, moderniser la programmation et introduire une note de fraîcheur sur les différentes émissions. La Radio, bientôt dirigée par Chedli Klibi, réunira une pléiade de figures de proue dans tous les domaines parmi les jeunes et les moins jeunes : Mustapha Fersi, Tijani Zalila, Mohamed Maghrebi, Mustapha Kheraïef et Ahmed Laghmani qui seront rejoints par Abdelaziz Kacem, Mohamed Kacem Mseddi... Elle ne pouvait que cartonner.
Le petit écran deviendra grand
La télévision viendra rapidement s’imposer. Les Jeux olympiques de Rome en 1960 marqueront, avec l’apparition de la télévision en Europe, les premières télédiffusions en Tunisie. Hassen Akrout s’y intéressera de près, encouragé par le directeur de la Radio à l’époque, Chedli Klibi, puis son successeur Mohamed Mzali. Chargé des relations extérieures, il participera activement aux réunions de l’Union européenne des radios (UER) et se fera élire membre de son conseil d’administration. L’objectif décidé par Bourguiba était de se doter d’une chaîne télévisée et d’engager tous les préparatifs y afférents. Sous la férule de Mohamed Mzali, Hassen Akrout, secondé par son ami de longue date Mohamed Maghrebi, assurera, en 1965, la direction de la programmation. Une saga commence. Encourager la créativité dans toutes les cases de la grille, produire des feuilletons, lancer des reportages et promouvoir de nouvelles stars : le petit écran exerçait sa fascination. L’ingénieur chevronné Mongi Chaffai assurait la technique jusqu’à la télédiffusion.
Le professionnel croise le personnel. C’est au siège de la Maison de la radio et de la télévision qu’il fera connaissance avec celle qui deviendra son épouse, Jaouida Essahli. Encore étudiante, elle devait effectuer un stage d’été. Coup de foudre immédiat qui scellera un couple fusionnel. Jaouida Akrout s’investira dans l’action sociale au sein de la municipalité de Tunis, organisant particulièrement les aides et les programmes au profit des populations défavorisées, et sera toujours à côté de son époux dans cette intense activité culturelle.
La culture pour tous
Six ans à la tête de la télévision, Hassen Akrout devait élargir ses horizons. Ministre des Affaires culturelles, Chedli Klibi l’appellera auprès de lui, en 1971. Dès 1973, il le nommera à la tête du Comité culturel national, structure en charge de toute la programmation, des festivals et journées spécialisées ainsi que des comités culturels régionaux. Hassen Akrout y restera sept ans, d’une intense activité, avant d’être désigné, en 1979, PDG de la Satpec, la grande société mère du cinéma tunisien.
Du cinéma à la pêche, rien n’était difficile à franchir pour ce petit enfant de pêcheurs kerkenniens. Hassen Akrout sera en effet nommé par Lassaad Ben Osman, ministre de l’Agriculture, en 1985, commissaire général à la Pêche. Comme un poisson dans l’eau, il s’investira, cinq ans durant, jusqu’en 1990, dans la relance des grands chantiers des ports de pêche, la modernisation des techniques et le soutien des pêcheurs. Ses compétences retiendront l’attention du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) et de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Ils lui confieront la coordination régionale du développement de l’aquaculture en Méditerranée, mission qu’il assumera avec succès jusqu’à son départ à la retraite en 1995.
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