Notre chien, un réservoir inépuisable d’amour et de bonheur
Par Ridha Bergaoui - Les animaux de compagnie, surtout le chien, occupent une place de plus en plus importante dans nos sociétés. En Tunisie, la mentalité envers les animaux a beaucoup changé. Fini le temps où on élevait un chat pour éloigner les souris ou un chien pour éloigner les intrus et garder la propriété. Chiens et chats font de plus en plus partie de la famille et on en prend soin autant que les petits enfants.
Lors du rapatriement de nos étudiants, suite à la guerre en Ukraine, les Tunisiens ont été agréablement surpris de voir leurs jeunes compatriotes ramener avec eux leurs compagnons chats et chiens et ne les ont pas abandonnés aux affres de la guerre.
Le chien objet de préjugés défavorables
Contrairement au chat, le chien a longuement souffert, dans nos sociétés arabo-musulmanes, de préjugés défavorables. Considéré impur, il est présumé porteur de maladies graves comme la rage, des parasites comme les tiques et à l’origine de nombreuses maladies et épidémies. Sa bave véhiculerait de nombreuses bactéries et microbes. La bave du chien est considérée impure et il faut minutieusement nettoyer et laver tout ustensile que le chien vient de lécher ou entré en contact avec sa salive.
En milieu urbain, le chien est considéré mal venu. Il ne faut pas posséder de chien, ni l’introduire dans le logis car il effraie les gens et « empêche l’entrée des Anges ». Certains avaient appelé même à tuer tous les chiens en ville. Sa place doit être limitée au milieu rural pour la garde des troupeaux, de la ferme ou pour la chasse.
Cette interprétation se révèle complétement erronée et l’Islam condamne toute maltraitance envers les animaux. Il semble que du temps du prophète, les chiens étaient fort appréciés. En consommant les résidus ménagers et les restes des repas ils jouaient un rôle important dans le nettoyage des villes et la prévention des maladies et épidémies. C’est cependant sa présence, tout près des déchets et endroits sales, qui a été interprétée comme s’il était vecteur de maladies.
Heureusement que le chien a acquis de nos jours ses titres de noblesse et est considéré comme le meilleur ami de l’homme. Il représente un auxiliaire indispensable dans de nombreuses et précieuses activités comme le sauvetage lors des catastrophes, la lutte contre les drogues et la contrebande, comme guide d’aveugles, la détection précoce des maladies (cancers, covid-19…) et bien sûr comme animal de compagnie.
De nombreux chiens ont acquis une réputation mondiale et sont devenus très célèbres. Chez nous, toute la Tunisie avait rendu hommage au chien de police « Akil », tué au Bardo par les terroristes lors de l’attaque du musée du Bardo en 2015, pour son courage.
Evolution de la place du chien en Tunisie
Grace aux médias et aux réseaux sociaux, à l’éducation et l’amélioration du niveau de vie du citoyen, le statut sociologique du chien a énormément évolué.
Il faut rappeler que jusqu’au début du vingtième siècle, la cynophagie était très fréquente et on mangeait couramment du chien, parfois engraissé spécialement en vue de son abattage. Prevost Virginie rapportait que malgré que cette pratique soit réprouvée par l’Islam elle est néanmoins très courante dans de nombreux pays du Maghreb. Heureusement que cette habitude a, de nos jours, complètement disparu.
Le tunisien (sauf exception) est complètement sensibilisé à la cause animale. On rencontre souvent dans les rues des personnes qui donnent à manger aux chats de rue. L’été nombreux sont ceux qui laissent un récipient rempli d’eau pour que chiens et chats puissent s’altérer. L’abattage des chiens errants par les agents municipaux est condamné par tous et on s’oriente de plus en plus vers des méthodes plus éthiques et plus douces.
Dans chaque rue des grandes villes on trouve des cabinets vétérinaires et de nombreuses animaleries qui vendent les aliments et accessoires pour les animaux de compagnie. Ce dernier secteur est de actuellement en plein boom et un business florissant.
Les marchés hebdomadaires des animaux, comme celui de Moncef Bey le dimanche à Tunis, sont très fréquentés par des petits, adultes et vieux qui viennent soit se promener soit vendre ou acheter un animal de compagnie.
Le chien, source de bonheur
Le chien est parvenu, depuis sa domestication, à tisser des relations très particulières avec son propriétaire. Le chien est connu pour sa fidélité. Il est capable de s’attacher à son maitre et de développer avec ce dernier des relations d’affection et de complicité.
Des études scientifiques sérieuses ont montré que les propriétaires de chiens sont plus heureux que ceux qui n’en possèdent pas. Le contact avec son chien, s’occuper de lui, le promener tous les jours favorisent l’activité physique et nous permet de rester constamment actif.
Il a été démontré que jouer, caresser et avoir des liens affectifs avec son chien entraine la libération des hormones comme l’ocytocine et des endorphines qui ont un effet positif sur notre moral et notre état de santé. Ces hormones du bonheur permettent de lutter contre le stress et favorisent la bonne santé de notre système cardiovasculaire.
L’enthousiasme du chien, et sa joie le matin au réveil en venant à notre rencontre ou le soir à notre retour à la maison, est communicatif et nous met immédiatement de bonne humeur. Notre chien sera toujours présent pour nous donner ou recevoir des câlins, nous consoler et nous remonter le moral.
Pour les personnes vivant seuls, avoir un chien de compagnie est un précieux atout pour combattre la solitude et la déprime. Pour les petits, avoir un chien à la maison est très enrichissant et leur apprend de nombreuses valeurs comme la responsabilité, l’empathie, l’amour du vivant, la compréhension et l’acceptation du cycle naturel de la vie allant de la naissance à la mort en passant par la reproduction.
Le pouvoir thérapeutique des chiens
Le contact avec les animaux, ou Zoothérapie, a été utilisé, en milieu médical dans de nombreux pays, à titre thérapeutique pour améliorer l’état de santé de certains malades comme ceux d’Alzheimer, autisme, dépression. Pour les personnes qui souffrent de troubles de communication, des troubles du comportement, de la dépression ou ceux qui éprouvent un manque de concentration, la présence du chien est d’un grand secours pour combattre ces pathologies de plus en plus fréquentes.
Dans les maisons de retraite, les EHPAD et les hôpitaux, les animaux de compagnie représentent des atouts pour relever le moral des personnes âgées et des malades, les arracher à leur solitude et réduire leurs souffrances.
Pour lutter contre la solitude des grandes villes, tout en évitant les corvées de l’entretien d’un animal domestique vivant (soins vétérinaires, donner à manger et à boire, le faire sortir, le nettoyer…), les Japonais ont inventé des robots-chiens. Ceux-ci imitent parfaitement les chiens et sont capables de réagir et de communiquer avec leurs propriétaires. A leur fin de vie de ces robots, les Japonais ont même organisé des funérailles religieuses dans des temples avant de les honorer comme donneurs de pièces détachés, l’équivalent des donneurs d’organes pour les humains.
Le chien berbère
En Tunisie, notre chien local (chien arabe) a été toujours mal considéré et marginalisé. Pour l’élevage, on préfère les chiens des races étrangères qui jouissent de bonnes réputations et se vendent parfois à des prix exorbitants. Pourtant le chien local, appelé chien Berbère ou chien de l’Atlas, présente de nombreuses qualités. Il est présent dans de nombreux pays et est recherché par de nombreux éleveurs.
Ce chien, commun à tous les pays de l’Afrique du Nord, existe depuis très longtemps. D’un format moyen et d’un poids adulte allant de 20 à 25 kg, le chien Berbère est robuste, puissant et a des proportions bien équilibrées. C’est un chien de garde, fidèle à son maitre et excellent défenseur de ses biens. Il a une mémoire exceptionnelle des limites de son territoire qu’il défend énergiquement contre les intrus.
Calme, intelligent, courageux et dévoué, le chien Berbère est robuste et rustique. Il a besoin de peu d’entretien et de soins. Il est très peu exigent, son alimentation est facile et il se contente de peu. Ce chien n’est pas adapté à la vie en appartement et préfère de l’espace pour s’épanouir.
En Tunisie, ce chien, vit en ville, dans la rue et se trouve chassé et abattu par les autorités municipales. Il est élevé dans les zones rurales et péri-urbaines, attaché ou en liberté, comme animal de garde. On le rencontre souvent dans les chantiers de construction où il est utilisé pour garder le chantier. Malheureusement il est souvent abandonné et chassé à l’achèvement de la construction.
Ce chien, qui existe depuis de nombreux siècles, n’a jamais fait l’objet d’une quelconque sélection. Il est actuellement reconnu officiellement par la Fédération Canine Internationale (FCI).
Conclusion
Les chiens jouent un rôle social très important dans notre bien être émotionnel. Ils sont sources de bonheur et d’affection. Ils permettent de lutter contre la tristesse et la déprime et représentent des auxiliaires thérapeutiques potentiels importants pour combattre de nombreuses pathologies mentales.
En Tunisie, le chien Berbère est complétement marginalisé, combattu même. Cette race très ancienne et très rustique est pourtant pleine de qualités. Ce chien mérite plus de considération et d’attention. Il serait intéressant, à l’instar du Maroc, de reconnaitre officiellement cette race et d’encourager la création d’associations d’éleveurs, des expositions et des compétitions pour faire connaitre cette race et promouvoir son développement national et international.
Enfin, il faut souligner que posséder un chien est une grande responsabilité et représente des devoirs envers cet être sensible et compagnon magnifique de l’homme. Il est criminel de se dérober de ses obligations envers cet animal et surtout de l’abandonner et le jeter dans la rue. La révision de la législation sur la détention et le bien-être animal est urgente et indispensable.
Ridha Bergaoui