Pr Chadli Dziri: le Professeur Ridha Mzabi, notre maître
“Si” Mzabi… “Si” Ridha Mzabi… Professeur Ridha Mzabi… c’est ainsi qu’on l’appelait. Son regard bleu était perçant, intelligent. Il était timide rigoureux et précis. Ses messages étaient courts et pertinents en fonction du savoir qu’il voulait transmettre. Il préférait parfois passer son message par un simple regard expressif.
C’est le patron du service de Chirurgie B, de l’hôpital Charles Nicolle de Tunis, qu’il a créé précisément le 1er juillet 1979. Son sens de dirigeant exigeant, n’acceptant pas la moindre faute, était reconnu depuis ses premiers pas dans la spécialité chirurgicale. Si Mzabi faisait du travail, une valeur. Il n’aurait jamais quitté l’hôpital si on ne l’avait acculé à choisir entre l’exercice plein temps à l’hôpital ou dans le secteur privé, à la suite d’une décision politique datant de 1989. Ses patients et ses étudiants étaient sacrés pour lui. Les témoignages de ses malades le prouvent amplement. En tant qu’élève, j’affirme qu’il était toujours présent avec nous pour nous aider à surmonter certes nos difficultés rencontrées lors de notre formation comme apprenti chirurgien et aussi nos soucis extrahospitaliers afin de pouvoir nous consacrés totalement au travail. Lorsqu’un de ses élèves voulait lui exposer sa situation pour lui trouver une solution, il répondait « Ah bon ? » cela voulait dire qu’il était déjà au courant et la solution était déjà prête. Il nous aidait à mieux voir les horizons de notre carrière. En pratique, il réfléchissait à notre place en se mettant dans notre peau. C’est la qualité d’un maitre. Si Mzabi était notre maître à tous ….
Le matin, lorsque Si Mzabi arrivait dans le service à 7h55 précise, vous n’avez pas à regarder votre montre. Le staff commence à 8 heures du matin qu’il vente ou qu’il pleuve. Tous les dossiers des patients admis la veille étaient lus par ses soins. Il corrigeait le raisonnement clinique, l’attitude thérapeutique les fautes de français et jusqu'à la ponctuation. Il voulait tout savoir, j’ai encore en mémoire le dossier d’une femme mariée qui saignait dans son ventre (hémorragie interne secondaire à une rupture d’une grossesse extra-utérine). La patiente a été transférée des urgences directement au bloc opératoire et j’avais conduit en personne l’ambulance pour faire vite. Lorsqu’il l’avait lu dans l’observation, il m’avait demandé avec son regard perçant « où est passé l’ambulancier de garde ? » j’ai répondu que je venais de l’envoyer avec l’autre ambulance pour prendre une collation à consommer par toute l’équipe de garde: ouvriers, infirmiers et médecins, il a repris la lecture de l’observation sans faire de commentaire.
Pendant les gardes, quand on l’appelait pour nous aider à résoudre une situation opératoire, il était toujours rasé de près, la mise soignée à minuit ou même à 4 heures du matin Il était souriant et venait pour nous aider à continuer le geste qui était difficile pour notre niveau de résident.
Dans les congrès, et je précise le congrès de l’American Collège of Surgeons, on a été ensemble en 1986 (j’étais jeune assistant et c’était ma première sortie pour un congrès de cette envergure). Je voyais à mes côtés un autre homme différent de ce que j’ai connu à Tunis : tenue sport, aimable, souriant avec déjà le programme des séances qu’il a choisies. Les séances choisies étaient intéressantes et utiles pour l’activité du service. Mon anglais était «limite» quant à la compréhension de certains conférenciers (surtout s’il venait du Texas), je me retourne vers lui pour mieux saisir les nuances, il m’a toujours expliqué en temps réel sans qu’il n'en soit gêné. En revanche, à ma grande surprise à son tour il se retournait vers moi pour avoir des explications bios statistiques lorsque la diapositive rapportait des résultats tels qu’à titre d’exemple « La courbe de survie type Kaplan Meier », et du coup, il redevenait un étudiant en quête de savoir avec le souci de rester à jour. Si Mzabi a toujours considéré que les nouveautés chirurgicales ne pouvaient émaner que de l’American Collège of Surgeons. Notre maître Si Mzabi avait raison. Lorsque j’ai assuré la relève, j’ai essayé de suivre ses pas et en plus invité nos jeunes élèves à présenter les observations en anglais.
Cher Maître, votre service continue à appliquer les concepts que vous nous avez inculqués. Je vous souhaite longue vie avec une bonne santé.
Chadli Dziri
Professeur émérite en chirurgie
Université Tunis El Manar
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