Pendez-les haut et court : le lynchage est un crime de haine fédéral
Par Mohsen Redissi - Est-ce l’effet Joe Biden qui souffle également sur la justice ? L’appareil judiciaire doit-il lui aussi ressembler à une Amérique idéalisée : multiculturelle et multiraciale ? Une afro-américaine est proposée pour occuper le siège vide de la Cour suprême. Une Amérique qui doit couper avec un passé, souvent sombre. Un accord est enfin arraché au Sénat par un vote unanime, le lynchage est désormais un crime de haine fédéral passible de trente ans de prison. Une victoire pour ceux qui veulent garder leur tête sur les épaules. Le texte de loi est sur le bureau du président Biden pour signature. Il ne tardera pas à signer le décret. Il compte laisser aux générations futures une Amérique apaisée.
La Loi anti-lynchage Emmett Till est la nouvelle loi d’une Amérique qui panse les blessures d’un passé et qui essaye de calmer des esprits échauffés. Une loi qui raconte l’histoire d’un jeune garçon afro-américain de 14 ans lynché en 1955. Il a été accusé d’avoir manqué de respect à une jeune fille blanche ; un lèse majesté à l’époque. Une foule en délire l’a condamné à mort sans attendre le verdict d’une cour ; elle a décidé autrement. Il a été la plus jeune victime du lynchage, ses bourreaux ont été acquittés après un simulacre de procès.
Gibier de potence
L’histoire de la population afro-américaine est jonchée de cadavres ; elle a souvent payé le tribut fort de ce conflit, héritage d’exacerbation raciale. L’homme blanc, dominateur et maitre absolu, traitait l’homme de couleur comme une vulgaire marchandise bon pour les sales besognes et les travaux des champs. Les meurtres à motivation raciale ont été souvent tolérés par les autorités locales blanches.
D’après les chiffres de l’Association nationale pour la promotion des gens de couleur, NAACP, plus de 4 700 lynchages ont eu lieu aux États-Unis entre 1882 et 1968. Les Noirs constituaient la plupart des victimes de règlement de compte. Le Mississippi détient le triste record absolu avec plus de 500 Afro-américains lynchés depuis 1882.
Loi anti-lynchage Emmett Till
L'adoption de la législation anti-lynchage est le résultat d’un très long combat d’idées et de guerre de positions au cœur du processus judiciaire américain. L’atmosphère était chargée de débats houleux. Il fallait mettre fin à des sentences sommaires prononcées par des foules en colère. George Henry White a introduit la première législation anti-lynchage, 1920. Ironie du sort, c’était le seul parlementaire afro-américain à l’époque. Son projet de loi visait à faire du lynchage un crime fédéral passible de la peine de mort. Le texte est resté lettre morte dans les tiroirs de la commission judiciaire du Sénat.
Plus de cent vingt ans plus tard et après plus de deux cent infructueuses séances de lecture, le Congrès a enfin réussi à prendre l’unique mesure qui s’impose celle de définir le lynchage comme crime de haine fédéral en adoptant la Loi anti-lynchage Emmett Till. Le gouvernement fédéral poursuivra en justice tous ceux qui enfreindront la loi et seront passibles de trente ans de prison. Les temps sont révolus. Après le vote de la loi, le président de la Commission judiciaire de la Chambre des représentants s’adressant à ses pairs en ces termes "Aujourd'hui, nous reconnaissons ce chapitre honteux de l'histoire américaine, et nous envoyons un message clair que de telles actions violentes, motivées par la haine et le sectarisme, ne seront pas tolérées dans ce pays." Ainsi soit-il.
La Loi Emmett Till anti-lynchage, avec l’arsenal juridique déjà existant, aidera d'une certaine manière à réparer certains torts commis sous l’emprise de la rage. Une catharsis. Cette nouvelle loi va contribuer à la réconciliation nationale et va apporter un certain réconfort à des âmes meurtries, victimes et tortionnaires.
Mohsen Redissi