Quel impact de la guerre en Ukraine sur la Tunisie ? Un chiffrage qui fait froid au dos
Un déficit budgétaire additionnel d’au moins 2% (de 6.7 % à 8.7%, soit plus de financements à mobiliser), trois milliards de dinars d’augmentation des prix du pétrole et des céréales et des risques de disponibilité et de transport, et réduction sensible des flux de touristes russe ayant généré 800 millions de dinars en 2021 : la facture s’annonce bien lourde. Sans compter les effets indirects à cause de l’impact sur l’Europe et des sanctions contre la Russie. Analyse.
Si elle perdure, la crise suscitée par la guerre en Ukraine risque d’obérer l’économie tunisienne autant que la pandémie du Covid-19. C’est la crainte exprimée par la Banque centrale de Tunisie. La particularité de cette crise, c’est que les deux pays belligérants, la Russie et l’Ukraine font partie des principaux fournisseurs mondiaux en céréales et en énergie. Toute rupture d’approvisionnement, ne serait-ce que momentanée pose des problèmes de disponibilité et de prix. La Tunisie n’en n’est pas épargnée, explique Mourad Abdessalem, directeur général des études et de la recherche à la BCT.
Avec la Russie, la balance commerciale de la Tunisie est déficitaire de près de 1.4 milliard de dinars. Nos exportations ne représentent que 60 millions de dinars, alors que nos importations dépassent les 1.5 milliards de dinars. Nous importons essentiellement de la souffre et de l’ammoniac, intrants indispensables pour la transformation des phosphates, mais aussi du fer, de la fonte, de l’acier, d cuivre, des produits pétroliers raffinés et des céréales.
Avec l’Ukraine aussi, la balance commerciale tunisienne est déficitaire à hauteur de 1.370 milliard de dinars. Les importations tunisiennes sont constituées essentiellement de céréales et oléagineux.
Si des commandes en cours auprès de chacun des deux pays finiront par être honorées à travers les fournisseurs, les problèmes d’acheminement se posent avec acuité.
Sur le plan financier, la Tunisie fait ses comptes pour évaluer les répercussions directes et indirectes générées par la guerre en Ukraine. Première ligne, le prix du pétrole. Si le baril dépasse les 100 US$, son impact sera d’au moins de 2 milliards de dinars. Quant aux produits céréaliers, nous sommes à 1.4 milliards de dinars d’importations à partir de la Russie et de l’Ukraine qui fournissent 42% des quantités achetées à l’étranger. Les estimations d’augmentation des prix laissent prévoir une enveloppe de plus d’un milliard de dinars. Soit 3 milliards de dinars au total.
Le tourisme tunisien pâtira de son côté de cette guerre. Les touristes russes qui ont commencé à affluer en Tunisie à partir de 2016, enregistrant des pics de 600.000 entrées, ont généré des recettes en devises équivalentes à 800.000 dinars en 2021. Les projections pour 2022 restent très prudentes.
A cela, il conviendrait d’ajouter les effets indirects de cette guerre, à travers notamment les sanctions économiques prononcées contre la Russie. Aussi, il conviendrait de prendre en compte les effets négatifs sur l’Europe, notre principal partenaire, l’augmentation des coûts du transport et de la logistique et de tous les autres frais.
L’unique aspect positif que la Tunisie pourrait tirer de cette crise, c’est l’accroissement des flux de transport par pipe-line vers l’Italie du gaz naturel algérien. Les quantités supplémentaires demandées par l’Europe, génèreront en effet des revenus fiscaux additionnels au profit de la Tunisie.
Au niveau budgétaire, les analystes de la Banque centrale rappellent que le budget de l’Etat pour l’année 2022 a été établi sur la base d’un prix du baril à 75 US$. Toute augmentation d’un dollar se traduira par 137 millions de dinars de dépense de compensation. Quant aux céréales, toute augmentation de 10 US$ du prix du quintal du blé dur génèrera un surcoût de 88 millions de dinars.
Les différentes analyses portent à croire que le déficit budgétaire qui était initialement fixé à 6.7% pour l’année 2022 risque d’être aggravé d’au moins deux points supplémentaires, soit 8.7%. Ce qui augmentera davantage les besoins en financements.
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