Alexandre Zolotov, Ambassadeur de la Fédération de Russie en Tunisie: Notre volonté de continuer à contribuer à la sécurité alimentaire et énergétique de la Tunisie est immuable
Quelle est la portée de l’opération menée en Ukraine depuis le 24 février dernier ? Est-elle limitée dans le temps et l’espace ? A quelles conditions?
Le but annoncé de l’opération spéciale militaire, comme elle est officiellement désignée par le Gouvernement, consiste à démilitariser et dénazifier l’Ukraine, protéger les populations de la région du Donbass et assurer la défense de la Russie elle-même face à l’avancement de l’infrastructure militaire de l’Otan vers nos frontières en violation des promesses données auparavant. Il ne s’agit pas d’occuper l’Ukraine, mais de mettre fin aux menaces qui provenaient de son territoire. Donc, la décision de terminer l’opération sera prise en fonction des résultats réalisés sur le terrain et sur le plan politique. L’obstination du régime ukrainien et ses alliés en Occident de ne pas entendre la voix de la raison se traduit par le prolongement des délais. De toute façon, comme l’a précisé le Président V. Poutine, tout se déroule selon les directives approuvées.
Parcours
• Alexandre Zolotov a été nommé ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la Fédération de Russie en République tunisienne par le décret du Président de la Fédération de Russie No. 6 du 11 janvier 2022.
• Il est né en 1959. Diplômé de l’Institut d’État des relations internationales de Moscou (1982), il maîtrise l’anglais, l’arabe et le français.
• Il a commencé sa carrière diplomatique en 1982 et occupé des postes auprès des ambassades en Tunisie, au Maroc, en Algérie, à Oman.
• 2011-2017 : ambassadeur de Russie en Algérie.
• 2017-2022 : directeur adjoint du Département Moyen-Orient et Afrique du Nord au ministère des Affaires étrangères de la Fédération de Russie.
• Il a le rang diplomatique de ministre extraordinaire et plénipotentiaire première classe.
• Il est marié et père de deux filles.
Quelles seront ses conséquences sur les relations avec l’Europe et le monde?
Il est évident qu’en Occident, on voulait faire de l’Ukraine un fer de lance contre la Russie. Une offensive contre les deux républiques populaires du Donbass était en gestation. Il fallait agir sans tarder pour la déjouer et mettre la partie adverse hors d’état de nuire. Washington et ceux en Europe qui ont aidé à installer le régime actuel à Kiev ont pris un coup dur.
En outre, l’Occident collectif s’acharnait à préserver le monde unipolaire pour imposer les solutions rentables uniquement pour lui-même. Mais il a échoué dans ses efforts. L’ordre mondial va changer. De nouveaux équilibres géostratégiques vont se former, des liens commerciaux, économiques et autres vont se réorienter. D’ailleurs, ce sont les Européens qui en premier lieu feront les frais des ambitions démesurées qu’ils ont nourries ensemble avec Washington.
Il est très tôt de dire quelle sera exactement la nouvelle architecture globale. Mais l’influence de l’Occident et de l’Otan va se rétrécir. La multipolarité s’installera, c’est inévitable. Et avec elle les notions de respect réciproque, de sécurité partagée et de coopération mutuellement avantageuse reviendront en force.
Comment préserver les relations bilatérales entre la Tunisie et la Russie de son impact?
Il faut être réaliste. C’est bien dommage, mais nos relations avec la Tunisie, qui sont au beau fixe grâce aux efforts conjoints, seront impactées. Le préjudice sera porté par les sanctions occidentales, qui notamment vont freiner le flux touristique en provenance de la Russie, nuire à la logistique des livraisons commerciales, aux liens interbancaires, etc. Il faudra s’adapter à cette nouvelle donne. Mais l’intérêt mutuel à transcender les difficultés est là. Donc, l’espoir est permis pour dire que nous sommes en mesure non seulement de limiter les dégâts, mais de promouvoir notre coopération multiforme. Quant au dialogue politique entre nous à différents niveaux, je suis convaincu qu’il restera à l’abri des aléas de la conjoncture internationale et se poursuivra pour le bien de nos pays et nos peuples.
Comment la Russie pourrait-elle poursuivre sa contribution à l’approvisionnement de la Tunisie, malgré le nouveau contexte, en produits céréaliers et pétroliers?
Pour les solutions concrètes, compte tenu des facteurs négatifs, une période de réflexion s’impose. La situation est tendue, il faut que les choses se décantent et se stabilisent pour y voir plus clair et prendre des décisions opportunes. Mais soyez sûr et certain, notre volonté de continuer à contribuer à la sécurité alimentaire et énergétique de la Tunisie est immuable.
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