Les Djinns de Ginni: Un juge de la Cour suprême américaine dans la tourmente
Par Mohsen Redissi - Le juge de la Cour suprême américaine Clarence Thomas, l’ainé de ses pairs par son âge et par sa longévité comme juge associé, est dans de beaux draps. Il est victime collatérale d’un échange de messages incendiaires entre Ginni Clarence, sa femme avocate à la tête d’une société de lobbying politique et membre de divers groupes extrémistes, et le directeur du personnel de la Maison blanche Mark Meadows.
Les textes de Ginni Thomas, au nombre de 29 sms d’après le Washington Post, semblent montrer leur stratégie sans retenue pour contourner la volonté des électeurs américains et d'installer Trump pour un deuxième mandat à la Maison Blanche. La victoire de Joe Biden est une fraude que Ginni qualifie comme "le plus grand casse".
Un juge véreux
L’image du juge Clarence Thomas est ternie même s’il arrive à s’en sortir de cet imbroglio politico-juridique. Son intégrité et sa défense de la Constitutions sont remises en cause. Des attaques fusent de partout. Son silence alimente les spéculations. Il sait que tout ce qu’il va dire va être retenu contre lui. Seul son mutisme peut l’aider à garder sa soutane encore quelque temps.
Juge Clarence Thomas est l’objet d’une surenchère entre Démocrates et Républicains. Il fait face à des appels croissants à se récuser de toute affaire devant la Cour suprême liée de prés ou de loin aux élections présidentielles de 2020 et à l'attaque meurtrière du 6 janvier contre le Capitole. Il n’y a aucun doute sur l’implication de sa femme Ginni Thomas dans l’assaut contre le temple du pouvoir judiciaire. Il ne peut pas être juge et partie dans ces procès. Un conflit d’intérêt évident. La cour suprême doit examiner au moins 10 affaires liées aux élections de 2020.
Juge Thomas a voté contre la décision des ses pairs de refuser au président Trump d’user de son privilège exécutif pour ne pas restituer des documents à la commission d’enquête sur l'insurrection du 6 janvier 2021. Il vote contre pour éviter d’incriminer sa femme. Les Démocrates appellent le juge à démissionner ou à faire face à une destitution. Des griefs fondés. Démissionner est une option qu’il n’envisage jamais ; s’il se met à la touche, il offre gratuitement aux démocrates une autre chance de nommer un remplaçant. C’est la logique des choses. La vacance réduirait le déséquilibre sur le moment à la Cour entre juges conservateurs et juges libéraux, 5 contre 3 en attendant la nomination du neuvième juge.
Une cible à abattre
Les Républicains viennent à la rescousse de leur juge et crient au scandale. Ils avouent leur entière confiance en l’impartialité du juge Thomas. Selon eux c’est une manœuvre pour déstabiliser la Cour. Les Démocrates cherchent à renverser un juriste conservateur. L’interruption volontaire de la grossesse dont le verdict est prévu fin juin ou début juillet, date qui coïncide avec le délai de la remise du rapport de la commission d’enquête du 6 janvier. Clarence Thomas devrait voter en faveur de la révision du quatorzième amendement, Roe v. Wade, remettant ainsi en cause le droit à la vie privée.
Au cours des trois décennies passées sur le banc de la Cour, Clarence Thomas ne s'est jamais écarté d'une affaire en raison d'un conflit d'intérêts en rapport avec les activités politiques de sa femme. Peut-il rester neutre dans des affaires qui accusent sa femme d'insurrection ? La loi fédérale Récusation d'un juge de paix, d'un juge ou d'un magistrat, 28 U.S. Code § 455, qui régit les récusations judiciaires est bien claire sur ce point : «Tout juriste, juge ou magistrat des États-Unis doit se disqualifier dans toute procédure dans laquelle son impartialité peut raisonnablement être mise en doute.»
Rester serait pour le juge Thomas de la complaisance. Les résultats de la commission d’enquête sur l’attaque du Capitole pourraient le mettre en mauvaise posture.
Mohsen Redissi