Programme des réformes : Le FMI a recommandé sa publication, Najla Bouden s’y met
Finalement, le document soumis par la Tunisie au FMI est révélé aux Tunisiens ! N’hésitez pas à le lire (seule sa version en arabe est disponible). De crainte d’être accusé d’imposer ses exigences et se mettre à dos les populations, le FMI a « recommandé » aux pays qui sollicite ses crédits de s’assurer de deux préalables.
Le premier est l’endossement du programme des réformes par les syndicats. Ce principe prudentiel avait été déclenché lorsque Youssef Chahed, interrogé par le FMI, sur le retard pris dans la mise en œuvre des réformes annoncées, avait argué du blocage de l’UGTT. Christine Lagarde, alors directrice générale du FMI, n’avait pas manqué de le mentionner au président Béji Caïd Essebsi.
Le deuxième principe prudentiel est une large communication du programme des réforme auprès de l’opinion publique afin qu’elle sache surtout les sacrifices à consentir en termes d’augmentations diverses et variées. Large communication, n’est pas une simple publication, mais explicitation et débat…
Ces deux aspects ont été évoqués lors de l’entretien de Najla Bouden avec la directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva, le 23 mai dernier à Davos. Mme Georgia a particulièrement insisté sur le partage avec les Tunisiens du programme des réformes. Message bien reçu à la Kasbah.
Le temps de fignoler me document, il a été présenté vendredi après-midi lors d’une grande messe de hauts fonctionnaires à Dar Dhiafa à Carthage, et mis en ligne tard dans la nuit sur la page Facebook de la Présidence du gouvernement. Des communicant(e)s proches de la Kasbah sont consulté(e)s. Des ministres iront en road-show dès le début de la semaine dans les médias. Est-ce suffisant ?
Une fois que ce sera fait, le FMI engagera-t-il, finalement, les négociations effectives? Silence à Washington.
Du réchauffé, mis à jour ?
Qu’y lit-on de neuf dans le nouveau programme de réformes par rapport au document fuité fin décembre dernier ? Encore un inventaire à la Prévert, remis en cohérence ?
En soixante-dix slides, on retrouve, dans un design graphique relooké les mêmes « intentions » actualisées sous l’effet de la guerre en Ukraine. L’impact en Tunisie vient aggraver une situation bien critique. La persistance des pressions inflationnistes (à 7,5% en avril), la chute libre du déficit courant, la dégradation continue du déficit budgétaire, la rétrogradation des notations internationales et les fléchissements de la plupart des autres indicateurs compliquent davantage une situation déjà fort préoccupantes. Le mérite de cette introduction est de fournir des chiffres officiels, quitte à les discuter.
La seconde partie du document soumis au FMI est consacrée à la démarche arrêtée par la Tunisie. Si l’approche est la même, les objectifs quantitatifs et les mesures préconisées sont ajustés en fonction du nouveau contexte prévalant dans le pays. A quelques exceptions faites, du déjà lu. La marge de manœuvre reste très réduite, n’autorisant ni imagination, ni créativité.
L’avant dernière slide, voulue en pack-shott comme dans les spots publicitaires, est édifiante : « Concentration au cours de la période à venir sur la finalisation de la formulation des réformes structurelles. » Najla Bouden aura au moins le mérite de la sincérité.
La grande question qui se pose aujourd’hui est de savoir quelle est la capacité effective du gouvernement à mettre en œuvre ce programme de réformes ? En a-t-il les moyens nécessaires et pourrait-il compter sur le plein engagement de l’administration publique ? Un programme, c’est bien. Le concrétiser, c’est l’essentiel. Rude tâche pour le gouvernement Najla Bouden en ces temps d’instabilité politique et de crises successives…