Comment tirer enseignement de l’expérience de l’Argentine en transition démocratique (Album photos)
Entre spécificités propres à chaque pays, et contextes historiques différents, il était important pour les chercheurs d’examiner ce qui est commun et ce qui pourrait éclairer l’avenir. Tel était l’objectif du séminaire académique intitulé « Les défis de la transition démocratique, échanges sur les expériences tunisiennes et argentines » qui s’est tenu mercredi 22 juin 2020 à la Cité de la Culture Chedli Kilibi à Tunis. Organisé par Leaders et l’ambassade d’Argentine, il a réuni sur le podium trois universitaires de renom : la professeure Marina Franco, historienne, spécialiste en histoire du temps présent, l'histoire de la mémoire et l’histoire de la violence d’état au XXe siècle en Argentine, la professeure Riadh Zghal, sociologue gestionnaire, auteure d’un livre récent intitulé « Le long chemin de la transition » et le professeur Mohamed Sassi, historien.
Aux premier rangs de l’assistance on relevait la présence de l’ancien ministre des Affaires étrangères, Khemaïes Jhinaoui, président du Conseil tunisien des Relations internationales, l’ambassadeur du Liban à Tunis, Tony Frangié, le chargé d’affaires du Brésil, Kaiser Araujo, l’ancienne ambassadrice de Tunisie à Buenos Aires, Me Hamida Mrabet Laabidi, et le professeur Karim Ben Kahla, professeur d’Université à l’école supérieure de commerce de Tunis, président du think-tank Cercle Kheireddine.
L’ambassadeur d’Argentine à Tunis, José María Arbilla, a eu la main heureuse de proposer le thème et d’inviter à y prendre part une spécialiste de renom dans son pays, mais aussi en Amérique Latine, la professeure Franco. Le choix, du côté tunisiens des professeurs Zghal et Sassi, était lui aussi fort judicieux. Comme il l’a mentionné dans son allocution d’ouverture, « il y a des défis spécifiques qui sont autant des épreuves que les jeunes démocraties sont obligées à en réussir. Des obstacles à surmonter, tels que l’absence d’une vraie culture démocratique, des institutions pas encore solidement installées, le harcèlement des anciennes ou des nouvelles forces qui cherchent à les éroder, la demande sociale qu’attend avec impatience, que la démocratie apporte les solutions aux problèmes de longue date. J’espère qu’à la fin de ce séminaire, a-t-il conclu, nous aurons tous appris quelque chose d’utile pour mieux remplir notre premier devoir des citoyens, soit en Argentine ou en Tunisie, celui des consolider nos démocraties et protéger liberté, pour nous et pour nos enfants. »
Quatre facteurs essentiels ont concouru, selon la professeure Marina Franco à faire aboutir la transition démocratique en Argentine. Il s’agit de :
1. En premier lieu, la démocratisation de l'Argentine s'est déroulée dans le cadre d'un processus mondial plus large que certains politologues ont appelé la « troisième vague de démocratisation ».
2. La deuxième condition qui a rendu possible la démocratie est le scénario et le jeu politique argentin. La science politique qui a réfléchi aux processus et aux modèles de transition en Amérique latine a toujours souligné l'importance de la gradualité et de la négociation entre les forces pour garantir la viabilité des changements. Cependant, le cas argentin n'avait pas cette caractéristique et la transition a été causé plutôt par l'effondrement du régime militaire précédent, sans aucun type de pacte ou d'accord.
3. Le troisième élément : la transition s'est construite en Argentine avec un énorme pouvoir politique et symbolique autour de l'importance d'un « ethos » démocratique.
4. La quatrième et dernière condition de possibilité c’est l'exercice social de la démocratie.
« Dans ce sens, dira-t-elle, le grand apprentissage social a été que, malgré tout, en Argentine, la démocratie est le meilleur régime possible pour les grandes majorités populaires, pour les femmes et pour les minorités de toutes sortes. Ainsi, la démocratie apparaît aujourd’hui comme le seul espace possible d'obtention de droits et d'inclusion sociale. »
Pour sa part, la professeure Zghal a commencé par souligner que : « Le pays nage dans la conflictualité plutôt que dans la recherche de solutions aux problèmes économiques et sociaux qui ne cessent d’empirer. Chaque faction s’est trouvée un ennemi sinon un adversaire mais la société est orpheline d’un leadership.»
Son hypothèse, de sortie du chemin chaotique, est que l’instauration d’une démocratie nécessite un apprentissage car il s’agit de comportements. Pour que la démocratie ne reste pas une abstraction il y a nécessité de décentralisation et de participation à la gouvernance de proximité des affaires publiques. Cela constitue un cadre idoine pour un tel apprentissage. »
Le professeur Sassi fera non-seulement une excellente synthèse des deux communications, mais aussi il livrera une lecture croisée des expériences des deux pays, entre similitudes et différences.
L’ancienne ambassadrice Me Hamida Mrabet Laabidi, et le professeur Karim Ben Kahla, ont particulièrement enrichi les débats par des témoignages édifiants et des analyses pertinentes.
Nous y reviendrons.