Martyre collectif de Zarzis: La mort banalisée?
Par Hatem Kotrane. Professeur émérite en droit - Depuis plusieurs mois, des jeunes et moins jeunes, des familles y compris des enfants, meurent devant nos yeux dans leur quête de migration vers l’Europe. La mort passe en boucle. La mort fait recette. La mort génère des bénéfices pour les trafiquants d’êtres humains dans le silence des autorités.
Mais la mort révèle surtout l’impuissance des autorités publiques, comme c’est le cas de la dernière tragédie de Zarzis, où pas mois de 18 jeunes sont portés disparus et dont les corps commencent à être repêchés, plongeant dans une immense douleur des familles et proches des victimes au point qu’il est permis de s’interroger: existe-t-il, à propos de cet événement, une sorte d’anesthésie de l’Etat et de l’opinion publique en général, comme pourraient le suggérer la minceur des protestations et l’absence, hors Zarzis, de toute mobilisation nationale de masse face à ce qui prend de plus en plus la forme d’un martyre collectif ?
Voici comment on banalise la mort. Voici comment on réduit la vie d’un être humain à un simple chiffre dans des statistiques. Et la valeur de la vie dans tout ça? Elle n’a aucune autre valeur que celle qui participe d’une courbe qui met en exergue la défaillance des autorités incapables d’assumer leurs obligations envers les jeunes, envers des régions entières à réanimer.
C’est cela notre réalité aujourd’hui: ériger la mort comme solution finale.
Un débat national est pourtant plus que jamais nécessaire pour faire face à ces martyres collectifs qui s’opèrent chaque jour un peu plus devant nos yeux. C’est en tout cas la seule façon de mettre la plaie au jour. D’écarter tous les faux-semblants et les échappatoires, dont la fonction est d’alléger une certaine mauvaise conscience générale. Il y a dans cette tragédie la marque indiscutable de notre défaillance collective et de la nécessité de redéfinir tous les choix et priorités pour redonner confiance aux jeunes et leur permettre de réinscrire la Tunisie dans leur confiance !
Hatem Kotrane
Professeur émérite en droit