APAL: Un littoral résilient intégré dans la transition écologique
Si, jusqu’à la fin du siècle dernier, le développement du littoral en Tunisie ne prenait que peu en compte le risque climatique, car il se focalisait davantage sur la création de richesses et d’emplois plutôt que sur la recherche d’une conciliation de ces impératifs majeurs et la préservation, nécessaire, des équilibres naturels ; la protection, la gestion rationnelle et la restauration ne sont plus désormais de simples options mais des obligations.
En effet, le littoral tunisien abrite plus de 70% des activités économiques, 90% de la capacité totale d’hébergement touristique hôtelier et une grande partie de l’agriculture irriguée du pays. Or, aujourd’hui, ce littoral se situe dans la zone méditerranéenne qui constitue un Hot Spot en termes de réchauffement des températures, d’élévation du niveau de la mer, d’émissions de gaz à effet de serre et de baisse des précipitations.
Une carte de la vulnérabilité côtière face à l’élévation du niveau de la mer due aux changements climatiques a été élaborée et indique que 44% des côtes sont vulnérables à très fortement vulnérables, 24% moyennement vulnérables et 32% faiblement vulnérables, sachant qu’un scénario de 1 m d’élévation du niveau de la mer à l’horizon 2100 entraînerait une perte de 76% des ressources en eau des nappes phréatiques côtières et 116 000 ha de terres submersibles.
A cela est venue s’ajouter, comme dans la plupart des autres pays du monde, la pandémie de Covid-19, qui s’est transformée en Tunisie en une véritable crise économique et sociale. Les impacts de cette crise sont lourds pour la zone côtière, notamment pour les ménages vulnérables et les petites et moyennes entreprises (PME) qui y sont installées. La crise due à la pandémie de Covid-19 n’a fait qu’exacerber, en la confirmant, la fragilité de l’économie littorale tunisienne, des ressources naturelles côtières et des populations littorales.
Depuis sa création en 1995, l’Agence pour la protection et l’aménagement du littoral (APAL), sous la tutelle du ministère chargé de l’Environnement, veille à la protection du littoral et, plus récemment, à son adaptation aux effets et menaces que font peser sur lui les changements climatiques, via l’exécution, depuis 2010, du Projet de résilience côtière face aux risques climatiques, en collaboration avec le PNUD et d’autres partenaires, notamment la coopération allemande.
Conscient de la vulnérabilité du littoral et de la nécessité d’accroître la résilience de cet espace et de ses communautés, l’APAL, sous la tutelle du ministère chargé de l’Environnement, a entrepris des réformes majeures afin de placer le littoral sur une trajectoire de développement durable et résilient aux changements climatiques, en l’intégrant dans la démarche de transition écologique de la Tunisie, de gestion intégrée des zones côtières (GIZC) et d’économie bleue.
Trois axes principaux se distinguent ainsi et constituent une priorité pour le littoral au cours des années à venir :
• l’ajustement réglementaire et l’intégration du risque climatique dans les stratégies de développement,
• la poursuite de la recherche et de l’application de techniques innovantes douces pour permettre l’adaptation,
• le suivi et le monitoring concernant la production de données scientifiques et techniques, d’indicateurs et tableaux de bord nécessaires à la prise de décision en matière de planification spatiale du littoral.
A cet effet, un réseau de mesures météo-océanographiques et physico-chimiques en temps réel est mis en place en mer le long du littoral tunisien, notamment au niveau de Tabarka, Ghar El Melh, La Goulette, Hammamet, Monastir, La Chebba, Gabès, Zarzis et Djerba. Le système de mesure comporte 5 bouées fixes et 7 marégraphes mesurant le niveau des marées, la houle, les courants, la température de l’eau et de l’air, la pression atmosphérique, l’humidité de l’air, la salinité, etc. C’est une première au sud de la Méditerranée. Même perspective pour les solutions souples fondées sur la nature, grâce aux ganivelles et palmivelles (clôtures en bois ou en bois de palme pour freiner les pertes de sable). Il est également procédé au rechargement des plages en géotextile rempli de sable le long de 65 000 mètres linéaires de côte, qui améliorent l’état du littoral et créent des opportunités d’emplois verts.
D’une manière concrète, de profondes modifications dans les modes de planification, de gestion des ressources naturelles, de production et de consommation, ainsi que de gouvernance globale et transversale du littoral, doivent être opérés progressivement, mais d’une manière urgente, en faveur d’une intégration du littoral dans la transition écologique, afin de conduire le pays vers l’instauration d’un développement neutre en carbone et résilient aux changements climatiques, en préservant la durabilité des ressources naturelles des écosystèmes côtiers, en vue de l’émergence d’une nouvelle économie littorale (économie bleue), créatrice de nouvelles activités économiques durables intégrant les impératifs environnementaux. La COP 27 est une occasion de présenter ces aspects et de drainer des financements en faveur de ces transformations nécessaires.