Mondial 2022: Le grand pari du Qatar
La planète aura les yeux braqués sur le Qatar du 20 novembre au 18 décembre. La 22e édition de la Coupe du monde de football sera la première organisée dans un pays arabe et musulman. Le 2 décembre 2010 à Genève, lors du premier tour du vote pour l’attribution du tournoi, l’émirat avait infligé un véritable camouflet à la délégation américaine, pourtant conduite par l’ancien président Bill Clinton en personne. Le pays de l’Oncle Sam n’avait recueilli que trois voix, contre onze qui étaient allées au royaume de Cheikh Hamad Bin Khalifa Al Thani. Le souvenir de cette cuisante humiliation est-il à l’origine des tourments médiatiques et judiciaires rencontrés depuis par les dirigeants du comité exécutif de la Fifa et par les organisateurs qataris ? Quoi qu’il en soit, le fait même de la désignation du Qatar symbolise à la fois une bascule géopolitique et la consécration d’une stratégie de nation-branding fondée sur le sport-business.
La bascule géopolitique est évidente. Longtemps considérés comme des «protectorats occidentaux», les pétromonarchies du Golfe sont désormais devenues des puissances régionales décomplexées qui pèsent sur les affaires du monde. La récente décision de l’Arabie Saoudite de diminuer, en accord avec la Russie, les quotas de production de l’Opep+, ainsi que la visite à Moscou du président des Émirats arabes unis, Mohamed Ben Zayed, illustrent cette spectaculaire autonomisation. L’aventurisme qatari en matière de politique étrangère, un peu avant et immédiatement après la vague des printemps arabes, relevait de la même logique. Au début des années 2000, la chaîne d’information qatarie Al Jazira avait ouvert une brèche dans le monopole sur l’information et s’était imposée comme une alternative à CNN et à la BBC.
Devenus champions d’un «Sud Global», Riyad, Abou Dhabi ou Doha profitent sans vergogne de la lente érosion de la puissance et de l’attractivité occidentales.
Dossier établi par Samy Ghorbal & Mohamed Kilani