Banque nationale des gènes: Notre stratégie face aux changements climatiques dans le cadre de la transition écologique
Le maintien de la biodiversité est incontournable pour l’atténuation et l’adaptation aux changements climatiques dans le cadre de la Stratégie nationale de transition écologique. La Banque nationale des gènes (BNG) a plus que jamais un rôle essentiel à jouer afin de faire face aux changements climatiques au moyen d’actions de conservation et de valorisation des ressources génétiques végétales et animales nationales, y compris les microorganismes, et de mettre en pratique les connaissances qui s’y rapportent, et ce, en vue d’assurer la sécurité alimentaire et un avenir durable.
Il convient à cet égard de rappeler que la relation entre les changements climatiques et la biodiversité est à double sens. En effet, les changements climatiques constituent le principal facteur de perte de biodiversité, car ces modifications accroissent les risques de stress abiotiques du fait des écarts de températures, de la sécheresse, de l’hydromorphie ou de la salinité, qui accélèrent l’érosion génétique ; tandis que simultanément, la biodiversité joue un rôle fondamental dans l’atténuation, l’adaptation et la résilience face aux changements climatiques.
Ainsi, les moyens de subsistance constituent la base de l’équilibre des écosystèmes et donc des grands équilibres sociaux et économiques à l’échelle non seulement nationale mais mondiale, et dans cette optique, la biodiversité permet d’accroître la capacité de résilience de l’agriculture et joue un rôle crucial dans la sécurité alimentaire, ce qui contribue à l’atténuation des effets des changements climatiques.
Concrètement, la mission de la Banque nationale des gènes, créée en 2007, consiste en premier lieu à procéder à des activités de prospection qui lui permettent d’identifier les espèces cibles, surtout celles menacées par les changements climatiques et l’érosion génétique, puis à la collecte d’un maximum d’informations utiles relatives à ces dernières en vue de pouvoir bien mener par la suite des actions de conservation (in situ ou ex situ) et/ou utilisation des ressources génétiques.
Deux stratégies de conservation des ressources génétiques sont principalement envisagées à la BNG, selon l’espèce et les objectifs :
• La conservation ex situ, qui consiste à conserver les ressources génétiques en dehors du site où elles ont été collectées. Cette conservation est dite « statique» et effectuée dans des chambres froides ou autres sites tels que des champs de conservations hors site, des pépinières des centres de recherche, des jardins botaniques…
Pour ce type de conservation, la BNG dispose d’une capacité de stockage en chambres froides de 200 000 échantillons, lui permettant de conserver des échantillons pour les 30 années à venir. Elle coordonne les actions de conservation ex situ d’un réseau national de partenaires scientifiques et socioéconomiques. Ainsi, la BNG a été élue Banque régionale des ressources génétiques animales pour l’Afrique du Nord et coordonne à ce titre les actions de conservation génétique à l’échelle nord-africaine et dispose de cryobanques contenant une collection de 700 paillettes de sperme de races bovines locales, constituées en collaboration avec ses partenaires nord-africains et l’Office de l’élevage et des pâturages tunisien. La BNG dispose également de champs de conservation ex situ de différentes espèces fruitières, notamment à Takelsa, en collaboration avec ses partenaires de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique et l’Office des terres domaniales. Récemment, en collaboration avec le ministère de l’Environnement, la BNG a contribué à la restauration et à la réouverture au public de l’Arboretum de Tunis, jardin botanique créé au début du XXe siècle et fermé depuis une dizaine d’années, et ce, le 5 juin 2022, à l’occasion de la célébration de la Journée mondiale de l’environnement en Tunisie.
• La deuxième stratégie de conservation est dite «dynamique» ou in situ et consiste à conserver les ressources génétiques dans leurs habitats. Cette forme de conservation permet de développer des connaissances pratiques très utiles. En effet, s’agissant d’espèces qui existent depuis longtemps dans des zones marginales affectées par différents types de stress biotiques ou abiotiques, les ressources génétiques autochtones ont cumulé des gènes et des caractères d’adaptation et/ou de résistance leur permettant d’être en parfait équilibre avec des écosystèmes fragiles. La conservation in situ des ressources génétiques autochtones permet à ces dernières de continuer à interagir avec leur environnement et de s’adapter aux changements climatiques. Pour ce type de conservation, la BNG effectue différentes actions d’incitation à la conservation in situ afin de maintenir une certaine diversité, surtout dans leurs régions d’origine où elles sont bien adaptées. Ainsi, chaque année, la BNG procède à la multiplication de ressources génétiques autochtones d’espèces cultivées et les distribue aux exploitants, notamment dans des zones marginales, en vue de leur conservation à la ferme. En chiffres, la BNG distribue annuellement en moyenne 10 tonnes de 10 variétés de céréales autochtones à une moyenne d’environ 100 agriculteurs. Adaptées à leurs zones d’origine, ces ressources génétiques sont moins exigeantes en pesticides et leur culture génère moins de gaz à effet de serre. Les zones marginales difficiles à cultiver, surtout dans le contexte des changements climatiques, sont exploitables grâce à ces ressources génétiques autochtones qui leur sont adaptées et qui contribuent à la fois à la sécurité alimentaire et à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. D’autres actions d’incitation à la conservation in situ des ressources génétiques autochtones consistent à les valoriser afin de promouvoir leur conservation.
Avec ses propres moyens ou en collaboration avec les centres de recherche, la BNG évalue les ressources génétiques autochtones afin de déceler des caractères d’intérêt agronomique, technologique, nutritionnel, organoleptique et de résistance et/ou tolérance aux stress biotiques (maladies, ennemis) et/ou abiotiques (sécheresse, hautes températures, salinité, hydromorphie) qui ne cessent d’augmenter avec les changements climatiques.
Selon les caractères d’intérêt détectés, les ressources génétiques peuvent alors être utilisées de différentes manières, notamment en fabriquant des produits à haute valeur ajoutée.
D’ailleurs, plusieurs associations ont réussi à utiliser les ressources génétiques autochtones fournies par la BNG afin de promouvoir des produits de terroir ayant une haute valeur technologique et nutritionnelle, ce qui leur a permis de se positionner sur des marchés internationaux. Cela crée une dynamique autour des ressources génétiques autochtones et contribue à promouvoir leur utilisation et conservation. Ces ressources génétiques peuvent aussi être utilisées dans des programmes d’amélioration génétique afin de renforcer la résistance et/ou l’adaptation aux stress biotiques et/ou abiotiques, contribuant ainsi à faire face aux effets des changements climatiques et à s’engager résolument dans la voie de la transition écologique.